Succession assurance vie : pourquoi faire attention aux primes « manifestement exagérées » ?

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Les primes d'assurance vie, bien qu'étant un outil de planification successorale utile, peuvent devenir une source de litiges lorsqu'elles sont jugées « manifestement exagérées ».

Héritiers lésés et administration fiscale sont en effet en droit de les contester. Avec pour conséquence une possible réintégration dans la succession et des droits de succession supplémentaires.

Une vigilance accrue est donc de mise afin d'éviter les écueils liés à des versements excessifs.

Quelles sont les règles de succession en matière d’assurance vie ?

Rappelons que l’assurance vie bénéficie d’un régime spécifique en matière de succession. Contrairement aux autres biens du défunt, les sommes versées sur un contrat d’assurance vie échappent aux règles du partage successoral et ne sont pas intégrées à l’actif successoral.

Elles peuvent donc être transmises directement aux bénéficiaires désignés, avec une fiscalité avantageuse :

  • Pour les primes versées avant 70 ans : aucune taxation dans la limite de 152 500 € par bénéficiaire. Au-delà de cette somme, l’imposition est de 20 % jusqu’à 700 000 €, puis de 31,25 % au-delà.
  • Pour les sommes versées après 70 ans : un abattement unique de 30 500 € s’applique, quel que soit le nombre de bénéficiaires. Au-delà, les capitaux versés sont réintégrés dans l’actif successoral.

Réserve héréditaire et assurance vie : un équilibre à respecter

Cette spécificité permet au souscripteur d’avantager les bénéficiaires de son choix, qu’ils soient au sein du cercle familial ou non. Tout cela sans être contraint par les règles de la réserve héréditaire, lesquelles garantissent aux héritiers en ligne directe une part minimale du patrimoine. Cependant, cette liberté a ses limites : si les primes versées sont jugées « manifestement exagérées », elles peuvent alors être requalifiées et réintégrées dans la succession.

Comment se définissent les primes manifestement exagérées ?

La loi est à ce titre très claire : l'article L132-13 du Code des assurances prévoit que les primes versées dans le cadre d'un contrat d'assurance vie ne doivent pas être « manifestement exagérées ». Rappelons qu’en France, il est interdit de déshériter un héritier en ligne directe. Il faut donc respecter leur « part réservataire », c’est-à-dire la partie qu’ils recevront obligatoirement de votre héritage.

Or, les sommes transmises aux bénéficiaires désignés via l’assurance vie sont toujours transmises hors succession. Néanmoins, si les sommes touchées par le bénéficiaire sont trop élevées, l’article L132-13 permet de contester cette situation.

Qui peut contester le montant des primes versées ?

Le montant des primes versées sur un contrat d'assurance vie peut être contesté par deux acteurs principaux :

  • Les héritiers et bénéficiaires lésés : ils peuvent agir en justice s'ils estiment que des primes trop importantes ont indûment réduit leur part d'héritage, portant atteinte à la réserve héréditaire.
  • L'administration fiscale : elle est habilitée à remettre en cause le régime fiscal avantageux de l'assurance vie si elle considère que les primes sont disproportionnées et peut contraindre à réintégrer les sommes concernées dans l'actif successoral.

Assurance vie : comment s’apprécie le caractère manifestement exagéré ?

Cette appréciation est en soi délicate, car elle est laissée à la libre appréciation des juges. Néanmoins, chaque année, des centaines de cas liés aux primes manifestement exagérées sont traités, et la jurisprudence a posé plusieurs critères par le passé pour les aider à identifier si une prime d’assurance vie est excessive :

  • L’âge du souscripteur : des versements trop élevés à un âge avancé peuvent être perçus comme une tentative d’optimisation successorale.
  • La situation patrimoniale : une prime représentant une part disproportionnée du patrimoine global du souscripteur peut être considérée comme excessive.
  • La situation familiale : un souscripteur ayant des enfants et qui transmet à un tiers ou une association une part trop importante de son patrimoine peut voir ses primes contestées.
  • L’utilité du contrat : si l’assurance vie est manifestement utilisée comme un simple outil de transmission plutôt que comme un véritable instrument d’épargne, la qualification de primes excessives peut être retenue.

Dans un arrêt du 16 avril 2015, la Cour de cassation précise notamment que l’excès manifeste « s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale ».

Exemple

Un arrêt de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 1er juill. 2010) a mis en lumière les limites à ne pas franchir en matière de primes d'assurance vie. Dans cette affaire, une personne ayant des revenus mensuels de 800 euros a versé une prime de 46 000 euros, somme provenant de la vente d'un bien immobilier.

La Cour a estimé que ce versement était « manifestement exagéré », car il compromettait la capacité de la personne à subvenir à ses besoins, notamment en cas de placement en maison de retraite.

Cette décision illustre donc un principe fondamental : les primes d'assurance vie doivent être proportionnées aux ressources du souscripteur !

Les conséquences en cas de primes exagérées

Lorsqu'un tribunal juge des primes d'assurance vie manifestement exagérées, la conséquence principale est la requalification en tant que donation. Ceci entraîne la réintégration dans l’actif successoral du défunt et la soumission à l’impôt.

Si le bénéficiaire est un héritier, ce dernier ne peut alors plus bénéficier de la fiscalité avantageuse de l’assurance vie qui, rappelons-le, se situe hors succession.

Evitez de tomber dans le piège des primes exagérées avec l’assurance vie

Plusieurs astuces peuvent vous permettre de rester dans le cadre strict de la loi et d’éviter d’éventuels conflits familiaux liés à votre contrat d’assurance vie :

  • Ayez recours à un avocat en droit de succession ou à un notaire. Ils peuvent vous aider à obtenir les informations adéquates sur la manière dont vous devez gérer votre contrat d’assurance-vie.
  • Évitez l’ouverture d’un contrat d’assurance vie à un âge avancé (à partir de 75 ans) avec l’idée d’y verser des sommes très importantes, surtout si cela passe par le siphonnage de vos autres comptes d’épargne (Livret A, LDDS…)
  • Soyez en mesure de justifier l’utilité du contrat : si le contrat d’assurance vie a une utilité évidente (complément de retraite, protection du conjoint, transmission progressive du patrimoine), il sera plus difficile à contester, même en cas d’ouverture relativement tardive.

En conclusion, tout est question de mesure : des versements adaptés à votre situation financière, une planification réfléchie et une transparence envers vos proches permettent à vous ainsi qu’à vos bénéficiaires désignés de bénéficier des avantages fiscaux de l’assurance-vie en toute tranquillité et transparence.

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