Rachat de trimestres : quand c’est utile… et quand c’est de l’argent perdu

Vous consultez votre relevé de carrière… et découvrez qu’il vous manque quelques trimestres pour atteindre le taux plein ? Réflexe immédiat : « Je vais les racheter ! »
Mais attention : ce réflexe peut parfois coûter cher. Le rachat de trimestres n’est pas toujours la solution miracle qu’on imagine. Dans certains cas, c’est même de l’argent mal investi.
Alors, dans quels cas le rachat de trimestres est-il vraiment utile ? Et quand vaut-il mieux s’en passer ? Voici quelques repères simples et des conseils pratiques pour faire le bon choix sans vous tromper.
Sommaire :
Rachat de trimestres : qu’est-ce que c’est ?
Le rachat de trimestres (ou « versement pour la retraite ») vous permet de récupérer des trimestres manquants.
Concrètement, vous pouvez y recourir si vous n’avez pas validé suffisamment de trimestres pendant vos années d’études supérieures ou au cours d’années incomplètes (années à l’étranger, périodes de chômage non indemnisé ou encore temps partiel).
Dans ce cadre, vous pouvez racheter jusqu’à 12 trimestres.
Pour faire simple, vous payez une somme à l’assurance retraite pour que ces périodes comptent dans le calcul de votre future pension.
Quand le rachat peut être un bon calcul ?
Le rachat peut être très utile dans certaines situations précises :
Vous êtes proche de la retraite et il vous manque peu de trimestres
Si vous êtes proche de la retraite et qu’il vous manque quelques trimestres pour le taux plein, un rachat peut permettre :
- D’éviter une décote trop importante (qui réduirait votre pension de façon permanente). Concrètement, chaque trimestre manquant entraîne une réduction de 1,25 % de votre pension de base ;
- Ou de partir plus tôt, sans attendre le taux plein automatique à 67 ans.
Dans ces cas, le rachat peut représenter une solution intéressante pour sécuriser votre niveau de pension et conserver de la flexibilité dans votre choix de départ.
Vous avez des revenus confortables
Le rachat est une opération coûteuse, dont le le montant est encadré par voie réglementaire. Son prix varie selon votre âge au moment du rachat, vos revenus, votre régime social d’affiliation et l’option de rachat que vous choisissez.
Il existe deux types de rachat de trimestres :
- Rachat pour le taux uniquement : il améliore uniquement le taux appliqué à votre pension. Autrement dit, il réduit la décote ;
- Rachat pour le taux et la durée : plus onéreux, il permet d’agir sur la décote ET d’augmenter le nombre de trimestres cotisés pris en compte dans le calcul de votre retraite.
De manière générale, plus vos revenus sont élevés, plus le prix d’un trimestre sera important. Cependant, le montant versé est déductible de votre revenu imposable l’année du rachat : un avantage fiscal significatif qui peut compenser une partie du coût.
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Bon à savoir : si vous échelonnez vos paiements sur plusieurs années, la déduction fiscale s’étale dans le temps. |
En pratique, cela réduit directement vos impôts sur le revenu, donc le coût réel du rachat diminue. Vous l’aurez compris : plus votre taux d’imposition est élevé, plus cet avantage fiscal rend le rachat de trimestres intéressant.
EXEMPLE
Exemple :
Vous êtes cadre, âgé de 50 ans, et vous percevez un revenu annuel brut de 70 000 €.
Il vous manque 4 trimestres pour atteindre la durée d’assurance nécessaire pour partir à la retraite à taux plein.
Votre taux marginal d’imposition (TMI) est de 30 %.
Selon le barème 2025 (valeurs moyennes) :
- Option « taux seul » : 3 563 € par trimestre
- Option « taux + durée » : 5 279 € par trimestre
Pour vos 4 trimestres manquants :
- Taux seul : 3 563 € × 4 = 14 252 €
- Taux + durée : 5 279 € × 4 = 21 116 €
> Le rachat peut donc sembler assez cher, surtout pour 4 trimestres.
Mais comme les sommes versées pour racheter vos trimestres sont déductibles de votre revenu imposable, avec un TMI de 30 %, vous bénéficiez d’une réduction d’impôt significative :
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Option |
Coût brut |
Économie d’impôt (30 %) |
Coût net réel |
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Taux seul |
14 252 € |
4 275 € |
9 977 € |
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Taux + durée |
21 116 € |
6 335 € |
14 781 € |
En pratique, le coût réel après impôt est donc beaucoup plus abordable que le coût brut.
Dans ce cas de figure, il est possible grâce au rachat de trimestres d’éviter une décote de 5 à 10 % sur votre pension. Pour une retraite estimée à 2 500 € brut par mois, cela représente 125 à 250 € par mois de plus, soit jusqu’à 60 000 € sur 20 ans de retraite.
Autrement dit, investir 10 000 à 15 000 € aujourd’hui peut vous permettre de récupérer plusieurs dizaines de milliers d’euros sur la durée de votre retraite.
Vous envisagez de poursuivre ou de reprendre une activité une fois à la retraite
Savez-vous que le rachat de trimestres peut aussi vous permettre d’accéder au cumul emploi-retraite déplafonné ? C’est un avantage souvent méconnu, mais qui peut réellement changer la donne si vous envisagez de poursuivre ou de reprendre une activité une fois à la retraite.
Pour bien comprendre, rappelons la règle :
- Si vous partez sans le taux plein, vos revenus d’activité sont plafonnés. En clair, vous ne pouvez pas dépasser un certain montant sans que votre pension soit réduite ;
- En revanche, si vous partez avec le taux plein – que ce soit par l’âge ou grâce à la durée d’assurance – vous bénéficiez du cumul emploi-retraite déplafonné : vous pouvez alors cumuler 100 % de votre pension et 100 % de vos nouveaux revenus, sans aucune restriction.
EXEMPLE
Michèle a 64 ans. Il lui manque deux trimestres pour atteindre le taux plein, mais elle souhaite continuer à exercer une activité de consultant après son départ, à raison d’environ 2 000 € par mois.
Si elle part en retraite sans effectuer de rachat, ses revenus professionnels seraient soumis à un plafond (cumul emploi-retraite plafonné). Cela signifie que sa pension pourrait être partiellement réduite pour respecter la limite autorisée.
En revanche, si elle décide de racheter ses deux trimestres manquants, elle obtiendra le taux plein et accédera au cumul emploi-retraite déplafonné. Résultat : elle pourra conserver 100 % de sa pension, tout en touchant l’intégralité de ses revenus de consultante.
Pour en savoir plus :
- Cumul emploi retraite : fonctionnement, conditions, plafonds, nouveaux droits à retraite
- Cumul emploi retraite 2025 : quels sont les plafonds à ne pas dépasser ?
- Cumul emploi-retraite : vers un gros coup de rabot sur le dispositif, jugé trop généreux (PLFSS 2026)
Vous avez fait de longues études
Les années d’études supérieures peuvent être rachetées à un tarif préférentiel dans les 10 ans suivant la fin des études.
C’est souvent le moment le plus intéressant financièrement pour le faire, car les conditions sont plus avantageuses.
Cependant, ce rachat représente un effort financier important, surtout quand on est aux balbutiements de sa vie professionnelle, lorsque les revenus sont encore limités.
Aussi, il faut aussi garder à l’esprit que l’utilité réelle de cette opération ne se mesurera qu’au moment de la retraite, un horizon encore lointain et parfois difficile à anticiper quand on débute sa carrière.
Quand le rachat ne sert à rien… ou presque ?
Même si racheter des trimestres peut parfois être une stratégie intéressante, ce n’est pas systématiquement rentable. Voici quelques situations où il vaut mieux y réfléchir attentivement :
Vous ne partirez pas avant 67 ans
Si vous savez que vous travaillerez jusqu’à 67 ans (âge du taux plein automatique), racheter n’a aucun effet : votre pension sera de toute façon calculée sans décote, quel que soit votre nombre de trimestres.
Autrement dit, dans ce cas, racheter des trimestres n’apporte aucun avantage financier : vous auriez le même montant sans rien payer.
Vous avez plusieurs régimes de retraite
Dans ce cas, les règles de calcul s’entremêlent : un rachat dans un régime n’a pas forcément d’impact dans l’autre.
Par exemple, un indépendant qui a aussi cotisé comme salarié peut voir son rachat moins efficace que prévu.
EXEMPLE - Un indépendant avec des trimestres salariés
Prenons l’exemple de Claire, 55 ans :
- Elle a travaillé 20 ans comme salariée dans le privé et 15 ans comme indépendante ;
- Il lui manque 2 trimestres pour atteindre la durée d’assurance nécessaire pour une retraite à taux plein ;
- Elle envisage de rachat de trimestres pour partir plus tôt.
Ce qu’il faut savoir :
- Lorsqu’on a cotisé dans plusieurs régimes, le rachat ne s’applique que sur certains trimestres et l’impact sur la pension peut être limité ;
- Par exemple, si Claire rachète 2 trimestres pour le régime salarié, ces trimestres n’augmenteront pas la retraite de son régime indépendant ;
- Résultat : le gain réel sur sa pension totale sera inférieur à ce qu’elle imaginait.
Vous n’êtes pas ou peu imposable
Le rachat ouvre droit à une déduction fiscale (expliqué plus haut). Si vous ne payez pas ou très peu d’impôt, vous ne bénéficiez d’aucun avantage fiscal, ce qui rend le coût réel du rachat souvent disproportionné par rapport aux gains espérés sur votre pension.
Vous êtes très proche de la retraite et le rachat n’a pas d’impact concret sur le montant de votre pension
Dans certains cas, racheter un ou deux trimestres ne change pas significativement le montant de votre pension.
Par exemple, si la décote restante est faible, le coût du rachat peut dépasser les gains espérés sur toute la durée de la retraite.
Le coût est supérieur au gain réel
Certains rachats coûtent plus de 5 000 € le trimestre. Si la pension gagnée en contrepartie est faible, le retour sur investissement est très long — parfois supérieur à 20 ans !
EXEMPLE
Bruno, 61 ans, a 162 trimestres validés au lieu de 167.
Il souhaite partir l’an prochain, mais la décote réduirait sa pension de 8 %.
- Rachat de 5 trimestres : coût estimé 15 000 €
- Gain de pension : environ 100 € par mois
Il lui faudrait plus de 12 ans de retraite pour « amortir » le coût du rachat.
Si Bruno vit longtemps, c’est gagnant. Mais si il travaille encore deux ans, il atteindrait le taux plein sans rien payer.
À LIRE :
Le rachat de trimestres : une opération parfois très utile, parfois inutile
Pour résumer, le rachat de trimestres n’est pas une solution miracle. C’est avant tout un outil de stratégie retraite, parfois très utile, parfois inutile selon votre profil et vos objectifs.
Dans la plupart des cas, il est préférable de ne pas se précipiter et d’attendre la fin de votre carrière pour envisager cette option. Cela vous permettra d’évaluer plus précisément vos besoins réels et d’éviter les mauvaises surprises.
Certes, un rachat effectué tôt peut sembler intéressant, car son coût augmente avec l’âge. Mais en pratique, il reste difficile de prévoir à l’avance s’il sera véritablement pertinent.
ATTENTION
Une fois le rachat effectué, il est impossible de revenir en arrière. Si vous rachetez un ou plusieurs trimestres à 50 ans et vous rendez compte à l’âge de la retraite que vous n’en aviez finalement pas besoin, vous ne pourrez pas être remboursés.
Pour qu’un rachat soit efficace, il faut qu’il vous manque réellement des trimestres au moment de votre départ. Or, les réformes successives ont tendance à repousser l’âge légal de la retraite, ce qui peut rendre votre stratégie obsolète quelques années plus tard.
Quoiqu’il en soit, avant de vous lancer, faites-vous accompagner : un expert saura déterminer ce qui est le plus avantageux pour vous, en fonction de votre âge, de vos revenus et de vos projets de retraite. Une analyse de votre relevé de carrière pourrait en effet révéler que vous disposez déjà de tous vos trimestres, mais qu’ils ont été mal pris en compte par les différentes caisses. Avant toute opération de rachat, il est donc primordial de :
- Vérifier vos trimestres réellement manquants ;
- Estimer le coût réel du rachat et son impact sur votre future pension,
- Comparer plusieurs scénarios (avec ou sans rachat, départ à 63, 64, 65 ans…).
Un rachat bien pensé peut rapporter gros. Un rachat mal préparé, c’est de l’argent perdu.