Pourquoi les femmes sont souvent désavantagées à la retraite (et comment y remédier)

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Une fois à la retraite, les femmes touchent en moyenne une pension près de 40% inférieure à celle des hommes. Autrement dit, pour 100 € de retraite versés à un homme, une femme n’en touche qu’une soixantaine.

Les derniers chiffres confirment la tendance : en 2023, les femmes en retraite percevaient en moyenne 1 306 € brut par mois, contre 2 089 € pour les hommes, soit un écart de 37 %. Une fois intégrée la pension de réversion, l’écart se réduit à 25 %. (DREES, 2025).

Ces chiffres, bien que légèrement en baisse depuis 20 ans (l’écart était encore de 50 % en 2004), illustrent une inégalité structurelle persistante dans le système de retraite français. Ils ne sont ni un accident, ni une « fatalité biologique », mais bien la conséquence directe d’un double mécanisme :

  1. Des inégalités importantes dans la vie professionnelle ;
  2. Un système de retraite conçu pour une carrière masculine continue, à temps plein, sans interruption.

Et c’est précisément pour cela que les carrières plus fragmentées – typiquement celles de nombreuses femmes – nécessitent une attention particulière et un bilan retraite rigoureux.

Pourquoi les femmes sont encore désavantagées à la retraite ?

Une vie professionnelle inégalitaire… qui se voit en fin de course

À temps de travail identique, les femmes gagnent en moyenne 14,2 % de moins que les hommes, selon l’Insee. Si l’on tient compte du fait que beaucoup de femmes travaillent à temps partiel, l’écart monte même à 22,2 % dans le secteur privé.

Plusieurs facteurs sociologiques viennent expliquer cet écart :

  • Effet de secteurs : les métiers où les femmes sont surreprésentées (soins, social, administratif, services…) sont moins rémunérés.
  • Effets de parcours : plus d’interruptions, plus de temps partiel, des promotions retardées.
  • Plafond de verre : même à compétence égale, les femmes accèdent moins souvent aux postes les mieux payés. En effet, alors que les femmes représentent 42% des postes salariés du privé en équivalent temps plein, elles ne représentent que 24% des 1% des postes les plus rémunérés.

Or la retraite n’est pas un nouveau départ : elle calcule et amplifie tout ce qui s’est joué pendant 40 ans de vie active.

Temps partiel, inactivité « familiale », rôle d’aidante : la carrière hachée

La trajectoire professionnelle des femmes reste façonnée par les responsabilités familiales et domestiques :

  • Selon les derniers chiffres, en 2018, 1,9 million de femmes étaient inactives en France, dont 35 % pour des raisons familiales, contre deux fois moins d’hommes (800 000), et seulement 4 % d’entre eux pour raisons familiales.
  • 51 % des femmes à temps partiel déclarent avoir fait ce choix en raison de l’éducation de leurs enfants, contre 14 % des hommes (Insee).
  • En 2023, 26,6 % des femmes en emploi travaillaient à temps partiel, contre 7,8 % des hommes.
  • Les femmes représentent 56 % des aidants qui s’occupent d’un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

Chaque passage à temps partiel, chaque interruption pour enfant, chaque période d’aide à un parent dépendant, se traduit par des salaires plus faibles, des cotisations moindres, des trimestres parfois non validés, et in fine, une pension de retraite plus modeste.

Un système de retraite construit sur une norme masculine

La deuxième grande source d’inégalités ne vient pas seulement du marché du travail, mais de la façon dont le système de retraite est conçu.

Comme le souligne l’association Attac, notre système de retraite a été pensé, il y a plusieurs décennies, sur un modèle très précis : un homme travaillant à temps plein, sans interruption, sur une carrière longue et continue.

Le calcul de la pension est donc optimisé pour cette norme :

  • Dans le régime général des salariés du privé, la retraite de base repose sur la moyenne des 25 meilleures années.
  • Dans les régimes à points (professions libérales, complémentaires…), les droits reposent directement sur le niveau de rémunération tout au long de la carrière.

Quand les salaires sont plus bas et la carrière plus courte ou fragmentée, deux effets jouent simultanément :

  1. Les 25 meilleures années incluent davantage d’années médiocres (temps partiel, bas salaires, interruptions).
  2. Le volume de points acquis reste durablement inférieur à celui d’un homme avec une carrière continue.

Les femmes, dont les parcours sont plus souvent non linéaires, se retrouvent donc mécaniquement perdantes.

L’allongement de la durée d’assurance : une double peine

Depuis les réformes successives, et notamment celle de 2023, la durée d’assurance requise est passée à 172 trimestres (43 ans) pour les générations nées à compter de 1965.

En pratique, les interruptions (maternité, congé parental, rôle d’aidant, chômage, temps partiel subi…) rendent beaucoup plus difficile l’atteinte de ces 172 trimestres, pour les femmes.

En cas de carrière incomplète, la pension est réduite de deux façons :

  • Par proratisation (on divise la pension en proportion des trimestres manquants) ;
  • Par décote, un taux minoré qui vient encore diminuer le montant.

Le mécanisme de décote pénalise plus fortement les femmes : elles ont, en moyenne, davantage de trimestres manquants et sont donc plus nombreuses à subir un abattement.

Résultat :

  • soit elles acceptent une pension plus faible ;
  • soit elles sont poussées à travailler plus longtemps, parfois dans des conditions précaires (chômage, petits boulots, invalidité…) qui ne génèrent pas de vrais droits supplémentaires.

Des mécanismes de compensation utiles… mais imparfaits

Pour corriger (un peu) ces inégalités, le système a mis en place des droits familiaux et des mécanismes de solidarité :

Ces dispositifs permettent de réduire l’écart, mais pas de l’annuler.

Le résultat : la retraite devient un miroir grossissant des inégalités

Mise bout à bout, la mécanique est claire :

  1. Des salaires plus faibles → un salaire moyen ou un total de points plus bas.
  2. Des carrières plus hachées → moins de trimestres validés, plus de décote, moins de possibilités de départ anticipé.
  3. Des dispositifs de compensation imparfaits → droits familiaux parfois mal ciblés, dépendants de la situation conjugale, plus favorables aux carrières masculines continues.

La retraite devient alors un « miroir grossissant des inégalités professionnelles ». Elle ne se contente pas de refléter les écarts de la vie active : elle les amplifie et peut même, pour les femmes les plus précaires ou isolées, les transformer en risque de pauvreté durable.

Comment s’assurer d’avoir la meilleure retraite possible en tant que femme ?

Pour remédier aux inégalités de sexe à la retraite, il faudrait opérer de profonds changements structurels, tels que :

  • Réduire les inégalités de salaire et de temps partiel subi, ce qui améliorerait à la fois l’autonomie des femmes et le financement des retraites.
  • Repenser les droits familiaux pour qu’ils compensent réellement les inégalités sans enfermer les femmes dans un rôle de mère dépendante de la carrière de leur conjoint.
  • Mieux reconnaître la pénibilité des métiers féminisés, souvent invisibilisée (postures contraignantes, gestes répétitifs, risques psychosociaux…).
  • Fixer un plancher de pension décent pour une carrière complète, afin d’éviter que les femmes se retrouvent à vivre avec les minima sociaux.

Il s’agit là de choix collectifs, dépendant de décisions politiques, qui pourraient mettre des années à produire des effets. Tant que ces sujets ne feront pas l’objet de politiques ambitieuses, la meilleure chose qu’une femme puisse faire pour limiter les dégâts, c’est de reprendre la main le plus tôt possible sur sa carrière et ses droits, sans attendre que le système le fasse à sa place.

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe aussi une marge de manœuvre individuelle réelle. La mauvaise, c’est qu’elle ne s’active pas spontanément : il faut aller la chercher, et c’est là que la reconstitution de carrière et le bilan retraite deviennent décisifs, en particulier pour les femmes. Voici la marche à suivre :

  1. Contrôler sa carrière pour éviter les anomalies.
  2. Analyser les dispositifs applicables pour optimiser ses droits.
  3. Vérifier si travailler plus longtemps augmente vraiment les revenus de retraite, via une analyse personnalisée.

Première étape : reconstitution de carrière, surtout quand la carrière n’est pas linéaire

Congés maternité, congés parental, activité à temps partiel, périodes d’inactivité pour raisons familiales, aide d’un proche, petits emplois, CDD… Plus une carrière a été mouvementée, plus le risque d’erreurs ou d’oublis dans les relevés de carrière est grand.

Il est important d’identifier ces anomalies au plus tôt, sans attendre d’avoir atteint l’âge de la retraite. Pour ce faire, il est conseillé de :

  • Rassembler tous les relevés (régime général, complémentaires, régimes spéciaux, éventuelles activités libérales…).
  • Vérifier année par année :
    • Les périodes travaillées sont-elles toutes présentes ?
    • Les périodes de chômage indemnisé, de maladie, de maternité apparaissent-elles ?
    • Les trimestres validés correspondent-ils à la réalité, ou en manque-t-il ?
  • Identifier les trous :
    • Années sans salaire ni trimestres alors qu’il y a eu une activité (petits boulots, CDD, missions…) ;
    • Périodes à l’étranger mal prises en compte ;
    • Congés parentaux mal déclarés.

Plus la carrière est fragmentée, plus ce travail d’audit est crucial. Ne pas le faire, c’est accepter que des droits restent perdus, que des trimestres pourtant « mérités » n’apparaissent pas et que la pension finale soit mécaniquement plus faible.

Deuxième étape : passer au crible tous les dispositifs auxquels on peut prétendre

Les inégalités hommes / femmes peuvent en partie être corrigées par certains mécanismes, mais ces mécanismes sont techniques, parfois mal connus, et pas toujours bien calibrés pour les parcours féminins.

Pour une femme, un bilan retraite sérieux consiste à faire le tour de questions telles que :

  • Majoration de durée d’assurance pour enfants
    • Tous les trimestres auxquels vous pouvez prétendre (grossesse + éducation) ont-ils bien été attribués ?
    • Faut-il demander une réattribution en cas de séparation, divorce, ou erreurs anciennes ?
  • Droits liés aux périodes d’inactivité familiale
    • Avez-vous cotisé via l’AVPF (assurance vieillesse parent au foyer) pendant un congé parental ou une interruption pour enfant ?
    • Ces périodes apparaissent-elles bien sur vos relevés ?
  • Aidante d’un proche
    • Certaines situations d’aidant peuvent ouvrir des droits (selon les régimes). Ont-ils été correctement intégrés ?
  • Périodes à l’étranger
    • Avez-vous travaillé dans un pays de l’UE ou ayant convention avec la France ?
    • Vos droits y ont-ils été récupérés et intégrés dans le calcul de la durée d’assurance ?

  • Minimum contributif ou minimum garanti
    • Êtes-vous éligible à un mécanisme de minimum de pension ?
    • Comment cela interagit-il avec un éventuel choix de départ anticipé ou différé ?
  • Dispositifs de départ anticipé et décote
    • Avez-vous-tu suffisamment de trimestres « cotisés » (et pas seulement « validés ») pour prétendre à un départ carrière longue ?
    • Seriez-vous concernée par une décote importante en cas de départ à l’âge légal ?

Tout cela ne se devine pas. Il faut croiser le relevé de carrière avec les règles (qui changent avec les réformes) – d’où l’intérêt de ne pas s’y prendre à la dernière minute.

Troisième étape : travailler plus longtemps… ou travailler plus intelligemment ?

Cela peut paraître contre-intuitif, mais travailler plus longtemps n’augmente pas toujours la pension de façon intéressante.

Pour les femmes, ce point est particulièrement stratégique, pour plusieurs raisons :

  • Les dernières années de carrière sont souvent les plus difficiles : chômage, temps partiel subi, précarité, invalidité.
  • Si ces années sont mal rémunérées ou non cotisées, elles n’améliorent que très peu, voire pas du tout, la future pension.
  • Dans certains cas, attendre l’âge du « taux plein » sans décote revient à empiler des années peu productrices de droits, tout en retardant l’entrée dans la retraite.

Pour cette raison, il est nécessaire d’étudier en détail ses options, pour déterminer si travailler plus longtemps permet réellement d’augmenter ses revenus de retraite. Pour y parvenir, rien ne vaut un bilan retraite. Dans ce cadre, un expert retraite analyse et compare différents scénarios, tels que :

  • Départ à 63 ans avec légère décote vs 65 ans sans décote ;
  • Départ à 62 ans avec rachat ciblé de quelques trimestres vs 64 ans sans rachat ;
  • Maintien en emploi à temps très partiel vs départ plus tôt mais avec recours à un dispositif de solidarité.

Pour une carrière féminine, marquée par des salaires plus bas et des trajectoires moins linéaires, ces arbitrages peuvent changer significativement le niveau de vie à la retraite – et ce, à un coût parfois moindre qu’un « sacrifice » de plusieurs années de travail supplémentaire.

Vérifier son relevé de carrière et définir une stratégie retraite permet non seulement de sécuriser ses droits, mais aussi de poser clairement les arbitrages (continuer à travailler X années de plus, racheter quelques trimestres, ajuster un projet d’épargne complémentaire, etc.). Ne pas faire ce travail, c’est accepter d’entrer dans la retraite avec un handicap qui aurait pu être, au moins en partie, réduit.

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