Droit de grève dans le secteur privé : ce qu’il faut savoir

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CONCERNE : Salarié

En France, le droit de grève est un droit constitutionnel. Il s’applique à tous les salariés, y compris dans le secteur privé, mais il obéit à certaines règles précises. Entre idées reçues et réalités juridiques, nous vous proposons un décryptage complet.

Grève : définition

La grève se définit comme une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications professionnelles (salaire, conditions de travail, respect des droits…). Pour que l’action soit qualifiée de grève, trois conditions sont indispensables :

  • Arrêt total du travail ;
  • Arrêt collectif du travail, impliquant au moins deux salariés (sauf exception, voir plus bas) ;
  • Formulation de revendications professionnelles, dont l’employeur doit avoir connaissance.

ATTENTION

Si ces critères ne sont pas remplis, le mouvement peut être considéré comme illicite. Le salarié n’est alors plus protégé par le droit de grève et peut se voir imposer une sanction disciplinaire, voire un licenciement.

Qui peut déclencher et participer à une grève ?

Contrairement à une idée reçue, aucune règle n’impose qu’un syndicat soit à l’origine du mouvement. Un représentant du personnel ou même un simple salarié peut lancer une grève.

De la même manière, tout salarié peut prendre part à la grève, même s’il n’est pas syndiqué. En effet, le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle reconnu à tout salarié dans l’entreprise. Aucune convention collective ni contrat de travail ne peut l’interdire.

Cas particuliers :

  • Un salarié peut faire grève seul s’il répond à un appel national ou s’il est le seul salarié de l’entreprise.
  • Un salarié détaché dans une entreprise peut se joindre à une grève locale si les revendications le concernent.

Contrairement aux salariés du public, un salarié du privé n’est pas tenu d’informer son employeur de son intention de faire grève. C’est à l’employeur de constater son absence le jour J et de s’enquérir des raisons de son absence. Par courtoisie, le salarié peut décider de prévenir son employeur qu’il sera en grève, mais rien ne l’y oblige.

Existe-t-il une durée minimale de grève ?

Il n’existe aucune durée minimale ou maximale de grève. Le mouvement peut durer quelques minutes, plusieurs jours ou semaines, ou être répété. Vous pouvez décider de « débrayer », c’est-à-dire vous mettre en grève sur une partie de la journée uniquement.

EXEMPLE

Un arrêt de 15 minutes toutes les heures pendant plusieurs jours est considéré comme une grève licite.

Grève : quelles sont les conséquences financières sur son salaire ?

L’exercice du droit de grève place le salarié dans une situation particulière : il se soustrait temporairement à son obligation de travail et, en contrepartie, perd son droit à rémunération pour la durée de l’arrêt. Ainsi, rien n’oblige l’employeur à maintenir le salaire du personnel en grève. Le contrat de travail est suspendu, mais non rompu.

Le principe général : retenue proportionnelle et non-discriminatoire

Deux principes fondamentaux guident le calcul de la retenue :

  • La proportionnalité : l’employeur ne peut retenir du salaire que la fraction correspondant exactement à la durée de la grève. Une retenue plus large constituerait une sanction pécuniaire, interdite par le Code du travail.
  • La non-discrimination : l’exercice du droit de grève ne peut entraîner aucun traitement défavorable par rapport aux autres salariés (rémunération, primes, avantages sociaux).

En pratique, la retenue porte sur le salaire et ses accessoires (primes, indemnités de déplacement, etc.) mais doit rester strictement proportionnelle au temps non travaillé.

Il est important de rappeler que les heures de grève sont perdues : l’employeur ne peut pas demander au salarié gréviste de les « rattraper » ultérieurement.

Le cas des salariés mensualisés

Pour les salariés soumis à un horaire collectif, la retenue se calcule en fonction de l’horaire mensuel de référence de l’entreprise. Autrement dit, le montant retenu doit correspondre au quotient du salaire par le nombre d’heures collectives du mois considéré, et non par rapport au temps réellement travaillé par le salarié. Cette méthode garantit l’égalité de traitement entre les salariés.

La question sensible des cadres au forfait-jours

Le cas des cadres au forfait-jours a fait l’objet d’une importante décision de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06-44.608).


La difficulté tenait au fait que leur temps de travail est annualisé et décompté en jours, non en heures. Comment calculer une retenue de salaire lorsqu’ils cessent de travailler seulement quelques heures ?

La Haute juridiction a posé un principe clair :

  • La retenue doit être identique à celle pratiquée pour toute autre absence de même durée ;
  • La retenue sur salaire doit être calculée à partir d’un salaire horaire fictif, obtenu en divisant la rémunération (mensuelle ou annuelle) par le nombre de jours prévus au forfait, puis en ramenant ce calcul à une base horaire (soit la durée légale du travail, soit la durée collective applicable dans l’entreprise si elle est supérieure).

En résumé, un cadre en forfait-jours qui s’arrête deux heures pour participer à une grève subira une retenue exactement proportionnelle à ces deux heures, comme un salarié soumis à un horaire classique. Ce mécanisme évite toute discrimination entre cadres et garantit le respect du principe d’égalité.

EXEMPLE

Prenons l’exemple d’un cadre soumis à une convention de forfait de 212 jours par an, rémunéré 4 000 € brut par mois. Il décide de rejoindre une manifestation et cesse le travail pendant trois heures.

Dans son entreprise, les cadres soumis à l’horaire collectif travaillent 35 heures par semaine, soit 151,67 heures par mois. Pour appliquer la méthode de calcul prévue par la Cour de cassation, il faut déterminer le volume horaire fictif correspondant au forfait-jours.

On obtient donc :
151,67 h × (212 jours / 218 jours) = 147,49 heures.

À partir de là, son taux horaire fictif est calculé ainsi :
4 000 € ÷ 147,49 h = 27,12 € brut.

La retenue salariale pour trois heures de grève sera donc :
27,12 € × 3 h = 81,36 € brut.

À NOTER

Si l’employeur effectue une retenue dépassant le temps exact de la cessation concertée du travail, il s’agira d’une sanction pécuniaire prohibée au titre de l’article L. 1331-2 du code du travail (Cass. Soc., 16 mai 1989, n° 85-45.244).

Droit de grève des salariés du privé : les questions les plus fréquentes

Peut-on être sanctionné pour avoir fait grève ?

Le principe est clair : aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir exercé son droit de grève. Il ne peut pas non plus faire l’objet de discrimination, par exemple lors d’augmentations de salaire.

En revanche, certaines limites existent :

  • Un salarié peut être licencié pour faute lourde, s’il participe activement à des actes illégaux (violences, dégradations, blocage abusif des locaux, etc.) ;
  • Les grévistes doivent respecter le droit au travail des non-grévistes. Empêcher ces derniers de travailler constitue un abus.

Puis-je faire grève en posant un jour de congés ou un RTT, pour ne pas perdre de salaire ?

Si vous posez un RTT ou un jour de congé, vous serez payé normalement. Mais vous ne serez pas considéré comme gréviste, simplement comme un salarié en congés.

Est-ce que j’ai le droit de faire grève en tant que cadre ?

Oui. Tout le monde, indépendamment de son contrat de travail, de sa convention collective ou de sa catégorie socio-professionnelle a le droit de grève. Le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle, reconnu à tout salarié dans l’entreprise.

Tout travailleur peut décider de faire grève, à l’exception dans le public des fonctionnaires de police, surveillants de prison, CRS, magistrats judiciaires et militaires.

J’ai envie de faire grève, mais j’ai peur d’être fiché comme gréviste dans mon entreprise…

Légalement, une entreprise n’a pas à fournir de liste des grévistes à l’Etat ou tout autre entité. Une telle démarche serait même contraire au règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD). En interne, un employeur peut évidemment savoir qui participe au mouvement, mais il s’exposerait à des sanctions s’il utilisait cette information pour discriminer un salarié.

Dois-je prévenir mon employeur de mon intention de faire grève ?

Non, comme expliqué plus haut, un salarié du privé n’est pas tenu d’informer son employeur de son intention de faire grève. En pratique et par courtoisie, vous pouvez tout de même informer votre employeur le matin-même du jour où vous vous mettez en grève, en envoyant un mail du type :

« Bonjour,

Ce jour, de xx h à xx h, j’exercerai mon droit de grève, en suivant l’appel à la grève de xx syndicat »

Pour rappel, nul besoin de faire partie du syndicat en question pour répondre à l’appel. Et contrairement à une journée de congé sans solde, l’employeur ne peut pas refuser votre ou vos jours de grève. Enfin, rappelons qu’un jour de grève ne peut pas être considéré comme une « absence injustifiée » par l’employeur.

Je n’ai pas l’intention de faire grève, mais je risque d’être en retard à cause des transports. Puis-je être sanctionné ?

Non, si vous êtes absent ou en retard à cause d’une grève des transports, vous n’êtes pas en faute et ne risquez donc aucune sanction. En revanche, l’employeur n’est pas tenu de payer vos heures d’absence, sauf dispositions contraires, et peut vous demander de rattraper vos heures. Télétravail ponctuel, pose d’un RTT, covoiturage organisé par l’entreprise… L’employeur peut également prendre des mesures visant à limiter l’impact de la grève sur la bonne marche de l’entreprise.

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