- La loi sur la perte d’autonomie est insuffisante sur le financement
- L’aide aux aidants est devenu en enjeu sociétal
- Les aidants familiaux se mettent en danger dans leur vie privée et professionnelle
- Numérique et nouvelles technologies pour la perte d’autonomie : un marché qui reste à solvabiliser
- Aide aux aidants : mutuelles et institutions de prévoyance peuvent-elles pallier les carences des pouvoirs publics ?
Mutuelles et institutions de prévoyance déclarent l’état d’urgence pour les aidants familiaux
Ils sont environ 4,3 millions d’aidants familiaux, plus de la moitié d’entre eux (57 %) sont des femmes et 47 % ont une activité professionnelle.
Aujourd’hui, leur situation n’est guère enviable. Qu’en sera-t-il demain face à la hausse prévisible du nombre de personnes âgées dépendantes (lire encadré) ?
Le 6 septembre dernier, l’OCIRP et la Mutualité Fonction Publique (MFP) Retraite ont réuni deux grandes familles d’organismes d’assurance non lucratifs, les institutions de prévoyance d’une part, relevant du Code de la Sécurité sociale et les mutuelles d’autre part, relevant du Code de la mutualité, dans le cadre d’un colloque intitulé : perte d’autonomie : la réponse des organismes non-lucratifs.
Les débats ont été riches sur les enjeux sociétaux autour de l’aide à apporter aux aidants familiaux.
Sommaire :
La loi sur la perte d’autonomie est insuffisante sur le financement
Comme l’ont fait remarquer en introduction, le délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) Jean-Paul Lacam et le président de la MFP Retraite, Jean-François Jean, l’équation sur le financement de la perte d’autonomie est difficile à résoudre dans un environnement où les français veulent une meilleure prise en charge de la dépendance par le Service public mais refusent, dans le même temps, toute hausse des prélèvements obligatoires.
Certes, le gouvernement précédent a reconnu le statut de proche aidant dans la loi de 2015 et engagé un processus d’amélioration de l’aide à domicile, ont rappelé les deux responsables. « Mais avec un niveau de retraite moyen mensuel de 1 283 euros net et le coût moyen d’un EHPAD de 2 200 euros, le compte n’y est pas sur le financement », a souligné Jean-Paul Lacam.
L’aide aux aidants est devenu en enjeu sociétal
Pour Axel Kahn, président de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap, l’accompagnement pour l’autonomie est un enjeu sociétal. « L’autonomie c’est d’abord l’accès aux magasins, aux transports, aux médecins… Chaque fois que les personnes le souhaitent, il est nécessaire d’organiser un maintien à domicile parce qu’il s’agit de la meilleure solution à la fois pour les personnes en perte d’autonomie et pour la situation économique de la Nation. »
L’aidant familial est en danger et il faut éviter qu’il ne devienne lui-même handicapé par sa propre générosité.
Dans ce contexte, Axel Kahn estime que la société aura besoin d’aidants professionnels qui devront percevoir une saine rémunération, même si les contraintes économiques sont fortes, car « l’aidant familial est en danger et il faut éviter qu’il ne devienne lui-même handicapé par sa propre générosité », a-t-il souligné.
Les aidants familiaux se mettent en danger dans leur vie privée et professionnelle
Rebondissant sur les propos d’Axel Khan, au début de la première table ronde, Jean-Manuel Kupiec, directeur général adjoint de l’OCIRP a précisé que les aidants familiaux devaient faire face à une hausse du risque de mortalité de 60 % dans les 3 ans qui suivent leur « prise de fonction » d’aidants et à une augmentation de 20 % du risque de santé mentale. « Conclusion, il faut aujourd’hui aider autant les aidants que les aidés. » a insisté Jean-Manuel Kupiec.
L’espérance de vie des aidants diminue fortement a confirmé Thomas Saunier, directeur général de MALAKOFF MÉDÉRIC. Revenant sur les salariés aidants, Thomas Saunier a rappelé que ceux-ci ont trois vies, personnelle, professionnelle et celle d’aidant. « Nos études montrent qu’ils ont des problèmes d’organisation, que 51 % d’entre eux rencontrent des difficultés psychologiques et que 54 % souffrent d’isolement. Dans l’entreprise, l’absentéisme des aidants est décuplé, leur vie d’aidant les amène à refuser une promotion, voire à démissionner avec toutes les conséquences sur leur niveau de vie et leur retraite. Par ailleurs, seulement un tiers des employeurs connaissent la situation de leurs salariés aidants et 5 % ont mis en place des solutions pour les soutenir. »
Sans compter qu’une majorité d’aidants ne connaissent pas les dispositifs de soutien mis en place par les pouvoirs publics. Ce que confirme Jean-Manuel Kupiec, qui milite pour un véritable droit à l’information : « 30 % des personnes qui sont éligibles à l’Allocation pour l’autonomie ne la demandent pas. Il faut que les branches professionnelles soient plus impliquées dans ce domaine », a-t-il déclaré.
Emmanuel Roux, directeur général d’AESIO, a appelé à un changement de paradigme en considérant qu’il y a énormément à faire sur la prise en charge dans les établissements afin de renforcer leur capacité et l’attractivité des métiers. « Il faut aller plus loin afin d'organiser la disponibilité des aidants dans leur vie professionnelle » a souligné Emmanuel Roux qui plaide pour une suppression des frontières, dans les offres des assureurs entre les garanties classiques et les services (télémedecine…). « Demain, nous serons des assembleurs. »
Pour Virginie Femery, responsable des programmes e-santé de la MGEN, les nouvelles technologies vont aider à concevoir de nouveaux modèles de prévention et d’accompagnement en aval des aidants, à condition de « respecter l’éthique et la collecte des données. »
Jérôme Saddier, directeur général de la MUTUELLE NATIONALE TERRITORIALE, a pour sa part émis quelques réserves sur la capacité des assureurs à endiguer seuls la question des aidants. Pour lui, « la réponse ne peut pas seulement être assurancielle. Elle se trouve aussi dans la solidarité nationale, dans la mesure où la prévention et la solidarité intergénérationnelle ne sont pas forcément des comportements naturels. Les aidants sont les parents pauvres de la société. Il est rare que leurs problèmes soient un sujet de dialogue social. »
Numérique et nouvelles technologies pour la perte d’autonomie : un marché qui reste à solvabiliser
En lançant la deuxième table ronde sur les nouvelles technologies au service de la dépendance, Jean-Louis Davet, directeur général délégué du groupe MGEN/ISTYA/HARMONIE, a expliqué que le marché des objets connectés arrivait au « pic de toutes les promesses » et qu’il fallait à présent attendre pour obtenir un modèle économique viable, sachant qu'il y avait, sans aucun doute, dans ce domaine une filière de croissance.
Une e-santé, pour laquelle Jean-Louis Davet a évoqué quelques doutes dans la mesure où les services qui lui sont associés restent toujours en inclusion sans que l’on se pose la question de leur rentabilité. Sans pédagogie, la e-santé ne décollera pas a-t-il prévenu.
Un point sur lequel Nicolas Gomart, directeur général du groupe, MATMUT, a enfoncé le clou en avançant que pour le moment, « les nouvelles technologies n’ont qu’un succès d’estime et que l’offre n’a pas trouvé les moyens de se développer ». Le marché est à l’image de la Silver Économie qui est plus subventionné qu’autonome. « Si les complémentaires santé prenaient en charge les objets connectés, cela permettrait de solvabiliser le marché et de se différencier » a-t-il précisé.
Catherine Rouchon, directrice générale de MUTEX s’est intéressée à la responsabilité des objets connectés en s’interrogeant : « si ces derniers sont défectueux le responsable est-il l’utilisateur, le concepteur ou l’assembleur ? »
Autre crainte : la fracture sociale va-t-elle s’accroitre avec les objets connectés ? Attention à la discrimination et à ne pas perdre de vue l’objectif final : « aider la personne à rester à domicile tout en maintenant le lien social », a insisté Catherine Rouchon.
« Il y a un problème d’acceptabilité. Les objets connectés peuvent être stigmatisant et engendrer une fracture numérique pour les seniors, sans compter la méfiance du corps médical et de l’assurance maladie », a renchéri Nicolas Gomart.
Nathalie Christiaen, directeur Clients, Stratégie, Marketing et Innovation d’HUMANIS a, de son côté, expliqué qu'un organisme non lucratif peut aussi apporter une aide aux entreprises en vue de profiler les aidants familiaux parmi leurs salariés.
Aide aux aidants : mutuelles et institutions de prévoyance peuvent-elles pallier les carences des pouvoirs publics ?
La troisième table ronde a permis à plusieurs dirigeants et responsables métiers de l’univers du paritarisme et de la mutualité de présenter leurs expériences, Maurice Ronat, président d’EOVI-MCD, Serge Brichet, président de la Mutualité Fonction Publique, Cécile Waquet, directrice adjointe de la direction métier santé prévoyance d’AG2R La Mondiale et Isabelle Musseau-Obry, administratrice nationale déléguée de la MGEN ont successivement apporté un éclairage sur l’action sociale auprès des personnes en perte d’autonomie, l’intérêt des couvertures dépendance dans les contrats collectifs de prévoyance, l’indispensable effort de prévention à inculquer dès le plus jeune âge et la promesse énorme du numérique, en partant du principe que les dépendants de demain seront connectés.
Pour Pierre Mayeur, directeur général de l’OCIRP, les pouvoirs publics sont en attente de propositions. Il convient d’aller vite et d’apporter des réponses communes, car les organismes non lucratifs peuvent être innovants en la matière.
La matinée a été clôturée par Thierry Beaudet Président de la Fédération nationale de la Mutualité Française qui a souligné l’urgence à agir tout en se disant frappé de l’insuffisance de prise en compte du grand âge en France. « C’est symbolique, mais jamais la perte d’autonomie n’a été déclarée grande cause nationale. Il n’y a pas, contrairement à d’autres sujets, comme le handicap par exemple, de grande mobilisation citoyenne sur la dépendance. Nous savons que la perte d’autonomie est une question de solidarité nationale. Nous pouvons, nous, les organismes non lucratifs, porter cette grande cause », a conclu Thierry Beaudet.
Quelques chiffres :
Hausse de l’espérance de vie :
- De 85 ans en 2014 à 91 ans en 2060 pour les femmes
- De 79 ans en 2014 à 86 ans en 2060 pour les hommes
Le nombre de personnes dépendante va passer de 1,2 million en 2013 à 2,3 millions en 2060
La perte d’autonomie va peser de plus en plus sur les ménages et les comptes publics avec un reste à charge pour les ménages de plus en plus important.
- De 1,41 % du PIB en 2011 à 1,77 % du PIB en 2060, soit X par 1,25 % pour les comptes publics
- De 0,36 % du PIB en 2011 à 0,6 % du PIB en 2060, soit X par 2,25 % pour les ménages
Le coût mensuel d’une personne dépendante à domicile est de 1 800 euros, contre 2 400 euros en établissement.
320 000 salariés collectifs sont aujourd’hui couverts en dépendance.
Source OCIRP et colloque OCIRP MFP Retraite
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