Médecine 2.0 : quand l’IA entre en consultation

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Médecine 2.0 : quand l’IA entre en consultation

DOSSIER | « IA & Santé » (1/5). Au bureau, dans sa vie perso, pour faire de drôles de photos… L’intelligence artificielle s’immisce peu à peu dans le quotidien de tous les Français. Jusqu’à être consultée pour des requêtes aussi intimes et personnelles que sa santé. Ainsi, un Français sur trois a déjà sollicité une IA générative pour une question liée à sa santé, selon un récent sondage. Faut-il s’inquiéter de l’arrivée de ce nouvel acteur dans la relation patient-médecin ? Quels peuvent être les apports de l’IA en santé ? Ses limites, risques et dérives ? Face à l’ampleur du phénomène, Previssima inaugure une série d’articles thématiques consacrées à l’IA en santé. Premier épisode.

C’est grave docteur Chat GPT ?

« J’ai besoin d’un diagnostic médical. Depuis 3 jours, je suis fatiguée, j’ai très mal à la gorge et je sens mes oreilles bouchées. J’ai eu un peu de fièvre, et je suis courbaturée de partout. Je me sens aussi facilement essoufflée. J’ai les idées assez claires. Une petite toux sèche parfois ». Voici un exemple de « prompt », ces requêtes que rentrent les internautes pour obtenir une réponse de l’intelligence artificielle. Dans le cas présent, Chat GPT a soupçonné une grippe, un COVID-19 ou une angine. Un « diagnostic » confirmé en 5 min par un vrai médecin, consulté quelques heures plus tard : « c’est soit une grippe, soit un Covid, soit un autre truc viral ». Résultat des courses : l’autrice de ces lignes a déboursé 30 euros pour obtenir le même diagnostic auprès d’un médecin ayant fait 10 ans d’études qu’avec Chat GPT. De quoi renoncer à voir un docteur pour les petits problèmes de santé ? Pas tout à fait. Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’intelligence artificielle est en train de changer la donne dans la relation médecin patient.

L’IA s’immisce entre le médecin et le patient

Selon l’enquête menée par Flashs pour la start-up Galeon, 43% des personnes interrogées – et même 56% des 18-24 ans - déclarent faire confiance aux réponses fournies par l’IA. Plus étonnant encore : parmi ceux qui sollicitent l’IA pour évoquer des symptômes ou obtenir des renseignements médicaux, 60% ont suivi les recommandations fournies… Et dans 17% des cas, sans passer par la case médecin. « Ces chiffres ne me surprennent pas. Si le patient a une IA sur son téléphone ou ordinateur, il n’y a aucune raison pour qu’il se gêne pour lui poser des questions médicales », réagit le Dr Claude Bronner. Dans son cabinet strasbourgeois, ce médecin généraliste de 74 ans encore en exercice est d’ailleurs coutumier du fait. Un de ses patients se sert régulièrement de Chat GPT pour préparer ses consultations, rédiger des comptes-rendus médicaux ou psychiatriques, complets ou synthétisés pour être lus en 30 secondes par le médecin. « Je suis assez bluffé par la qualité de réponse de la machine. Ce n’est pas juste quelques généralités issues des RCP [Résumé des Caractéristiques du Produit] des médicaments. Dans un domaine aussi pointu que la pharmacocinétique, l’IA arrive à donner des conseils pertinents », souffle le Dr Bronner.

Pour ce praticien, le recours à l’IA est positif : cela lui permet de mieux appréhender la situation de son patient et d’ouvrir le dialogue à partir de recommandations – pertinentes ou non – faites par l’IA. « Sans compter que vous vous doutez bien qu’en temps normal, un patient comme ça vous bouffe un temps fou. Là, il prépare sa consultation avec l’IA, je lis sa page et je gagne un quart d’heure. C’est précieux ! », s’enthousiasme le médecin.

D’autres voient l’arrivée de l’IA d’un moins bon œil, comme ce médecin dans l’espace commentaires d’un article sur le sujet chez nos confrères Le Quotidien du Médecin, qui s’insurge contre ces « nouveaux bâtons dans les roues et petites pertes de temps supplémentaires du quotidien ».

Du côté des médecins : prudence, ouverture et engouement

Les praticiens eux-mêmes ne sont pas hermétiques à l’IA. Selon un sondage de Medscape, un médecin sur cinq en France l’utilise déjà dans sa pratique – principalement pour de la recherche sur des pathologies, les tâches administratives ou l’aide au diagnostic. Pour l’instant, seul 1 médecin sur 10 estime avoir une maîtrise parfaite de ces outils. Mais l’écrasante majorité (95 %) considère qu’il est important de s’informer sur l’IA et ses applications en médecine. Ils sont ainsi 67 % à envisager l’utilisation de l’IA à l’avenir pour alléger leur charge administrative, 57 % pour affiner les diagnostics et 48 % pour prédire les pronostics. « Moi-même je m’en sers tout le temps dans mon travail. Je me fais un peu vieux, j’ai quelques problèmes de mémoire, je l’utilise volontiers pour vérifier que je n’ai rien loupé. En général, ça confirme ce que je pensais. Et parfois, sur des cas cliniques un peu complexes, ça me donne des idées que je n’avais pas eues », confie le docteur Claude Bronner.

Une utilisation plutôt bien vue par la population : selon le sondage de Galeon, près d’un Français sur deux (49%) trouve qu’il est rassurant qu’un médecin utilise l’IA pour affiner son diagnostic ou proposer un traitement. Cette relative confiance face à l’intelligence artificielle s’accompagne d’une exigence forte en matière de transparence : 80 % des Français tiennent en effet à être informés lorsque l’IA intervient dans leur parcours de soins.

Déshumanisation de la relation soignant-soigné, crainte pour les médecins de se faire remplacer, peur d’erreurs médicales : d’un côté comme de l’autre du cabinet, l’IA suscite son lot de craintes.

L’IA est-elle le nouveau Doctissimo ?

Comme Doctissimo en son temps, l’IA vient bouleverser la relation patient-médecin, cassant l’asymétrie d’information historique entre le patient et le soignant. « Avec l’IA, le patient gagnera encore davantage en compétence. Cela va forcément secouer la relation soignant / soigné, où jusqu’à présent le soignant-sachant imposait sa connaissance au patient naïf de cette connaissance », estime Arthur Dauphin, chargé de mission Numérique en santé pour France Assos Santé.

L'IA médicale fascine, séduit, inquiète. Elle offre des perspectives inédites pour la personnalisation des soins, la prévention, la réduction des erreurs. Mais elle impose aussi de repenser la médecine, sa déontologie et ses responsabilités. En creux, son usage met en lumière aussi bien les défaillances de notre système de santé que le changement de posture des patients, de moins en moins « patients » et de plus en plus acteurs, voire consommateurs, de leurs soins.

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