Travailleurs frontaliers : une réforme de l’offre raisonnable d’emploi attendue

Par un projet de décret qui sera soumis aux partenaires sociaux le 21 janvier 2025, le Ministère du Travail prévoit de redéfinir les conditions de l’Offre raisonnable d’emploi (ORE) pour les demandeurs d’emploi frontaliers.
Enjeux de l’indemnisation des travailleurs frontaliers
Les travailleurs frontaliers occupent une position particulière : ils cotisent dans leur pays d'emploi, mais en cas de chômage, c’est le régime français qui prend en charge leur indemnisation.
En conséquence, leur allocation chômage est calculée sur la base des salaires perçus du pays employeur, comme la Suisse ou le Luxembourg. Or, ces salaires étant souvent bien plus élevés que les salaires pratiqués en France, l'assurance chômage française pâtît d’un déséquilibre financier, estimé à 800 millions d’euros annuels.
Par ailleurs, la durée d’indemnisation des travailleurs frontaliers est souvent plus longue car ils mettent davantage de temps à retrouver un emploi, en raison de la spécificité de leur situation géographique et professionnelle.
La France reçoit déjà des remboursements d’autres pays dans le cadre de la compensation européenne prévue par le règlement 883/2004, mais ces derniers ne compensent pas le surcoût lié aux allocations chômage.
Le projet de réforme de l’offre raisonnable d’emploi (ORE)
L’une des mesures de la réforme de l’assurance chômage concerne l’offre raisonnable d’emploi (ORE) qui, entre autres, peut redéfinir les conditions du contrat d’engagement pour les travailleurs frontaliers.
Qu’est-ce que l’ORE ?
Lorsqu’un demandeur d’emploi s’inscrit à France Travail, il définit dans son contrat d’engagement (anciennement PPAE) les caractéristiques des emplois qu’il s’engage à accepter :
- Type de poste recherché ;
- Zone géographique ;
- Niveau de salaire attendu.
Ce que prévoit le décret
Actuellement, un demandeur d’emploi frontalier peut fixer son salaire attendu en tenant compte des rémunérations pratiquées à l’étranger.
Le projet de décret, prévu pour une consultation le 21 janvier 2025, viendrait modifier cela : à l’avenir, seuls les salaires pratiqués en France seraient pris en compte pour déterminer le salaire attendu dans l’ORE.
Cela signifie qu’un travailleur frontalier qui perd son emploi en Suisse ou au Luxembourg, par exemple, ne pourra plus s’appuyer sur les salaires pratiqués dans ces pays (ou sur ses précédents salaires à l’étranger) pour définir ses attentes salariales en France. Ce changement pourrait l’inciter à accepter plus rapidement un poste à salaire plus modeste (conforme aux normes françaises), voire réduire la durée de son indemnisation.
Pourquoi une réduction de la durée d’indemnisation ? Le contrat d’engagement établit que si le demandeur refuse un nombre raisonnable d’offres d’emploi correspondant à ses critères (géographiques, de rémunération, de type de poste), il pourrait voir ses droits suspendus. Avec la réforme, les travailleurs frontaliers ne pourront plus baser leurs attentes salariales sur les rémunérations pratiquées à l’étranger. Par conséquent, les offres d’emploi proposées sur la base des salaires français moyens seront jugées raisonnables. Refuser à plusieurs reprises des offres cohérentes avec le marché français serait ainsi assimilé à un refus d’ORE, pouvant entrainer une suspension de l’aide au retour à l’emploi (ARE). |
Pourquoi cette réforme ?
Les enjeux financiers
Dans le cadre de la demande d’emploi des travailleurs transfrontaliers, cette réforme vise à :
- Réduire les déséquilibres financiers pesant sur le régime français ;
- Limiter le risque d’abus dans la fixation des niveaux de salaire attendus par les frontaliers.
Un cadre européen contraignant
Une précédente tentative pour introduire un coefficient d’ajustement des salaires étrangers dans le calcul des allocations avait été jugée contraire aux principes européens de non-discrimination. Le gouvernement s’est donc tourné vers une autre voie : la révision des critères d’ORE, mesure encadrée par le droit national.
Les implications pour les travailleurs frontaliers
Pour les travailleurs frontaliers, la réforme de l'ORE signifie une révision de leurs attentes salariales et de leur stratégie de recherche d'emploi. Ils devront désormais ajuster leurs prétentions salariales (et donc aspirations professionnelles) en fonction des salaires pratiqués en France. Cette mesure pourrait aussi accélérer leur retour à l'emploi en France, car elle les obligera à accepter des offres plus proches des standards salariaux français.