Téléconsultation et arrêts maladie : le gouvernement serre la vis

Dans une interview à Sud Radio, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a exprimé ses doutes sur les arrêts maladie délivrés en téléconsultation, et souhaite mettre le sujet sur la table à l’automne, lors du débat budgétaire.
Le gouvernement envisage ces nouvelles restrictions pour freiner la hausse des dépenses d’indemnités journalières, dans un contexte généralisé de recherche d’économies sur les dépenses sociales.
Les indemnités journalières dans le viseur de la Cnam
Face à l’augmentation continue des dépenses liées aux arrêts maladie, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) serre la vis depuis quelques semaines : mi-juin 2025, elle lançait une campagne ciblant les 500 médecins généralistes les plus prescripteurs d’arrêts maladie, tout en publiant son traditionnel rapport « Charges et Produits », dans lequel elle déroulait une série de mesures pour freiner les dépenses d’indemnités journalières. Un rapport qui arrive, comme chaque année, en amont du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026), alors que le gouvernement cherche à faire 40 milliards d’euros d’économies.
La téléprescription dans le viseur du gouvernement
Dans ce contexte, la téléprescription - qui permet à un médecin de délivrer un arrêt de travail au terme d'une téléconsultation médicale à distance, par visio ou téléphone -, semble être devenue le nouveau cheval de bataille de l’exécutif. Mercredi matin, dans une émission de Sud Radio, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin n’a en effet pas mâché ses mots : « Quand les jeunes augmentent leurs arrêts maladie de 40 % en cinq ans, je ne pense pas qu’ils soient 40 % plus malades. » Une remarque qui reflète la focalisation du gouvernement sur la responsabilité individuelle des salariés dans l’augmentation des arrêts (fraude, abus…) plus que sur d’éventuels facteurs structurels qui pourraient les expliquer.
Un encadrement des téléprescriptions avait déjà été introduit en 2023 - limitant la téléprescription à trois jours pour les médecins non-traitants - mais l’exécutif semble prêt à aller plus loin : la ministre évoque aujourd’hui l’éventualité de supprimer les arrêts maladie délivrés à distance, ou de les restreindre plus drastiquement encore : « Certains vont même à s’interroger sur est-ce qu’on doit continuer à avoir des arrêts maladie par téléconsultation ? Je pense que c’est un sujet qu’il nous faut regarder. »
Des plateformes de délivrance d’arrêt illégales
Le gouvernement pointe notamment du doigt la prolifération de plateformes qui, souvent habillées d’un vernis légal, permettent d’obtenir un arrêt maladie en quelques minutes, parfois sans véritable consultation. Ces structures fonctionnent généralement en ligne, en s’appuyant sur des médecins partenaires qui valident ou non les demandes. Certaines opèrent depuis l’étranger, d’autres sont simplement illégales. « Ce qui est terrible, c’est qu’on en ferme tout le temps. On en ferme, et elles se recréent, c’est comme les champignons », explique Amélie de Montchalin.
Pour contrer ce phénomène, le gouvernement a introduit le 1er juillet 2025 un nouveau formulaire Cerfa antifraude, qui remplace l’ancien arrêt classique en papier (encore toléré jusqu’en septembre). Ce document, imprimé sur papier sécurisé avec filigrane, encre magnétique et QR code, vise à limiter la falsification et à mieux tracer les prescriptions. Couplé à une traque active des sites frauduleux et à l’interdiction formelle des prescriptions depuis l’étranger, le gouvernement est en marche pour endiguer ces plateformes illégales d’arrêts. Mais il semble que c’est aussi le principe même de la délivrance d’arrêt sans auscultation physique qui est en ligne de mire, à l’aune notamment des 1,7 milliard d’euros de coupes prévues dans les dépenses de santé cette année.
Hausse des dépenses en indemnités journalières : un problème plus complexe ?
Derrière cette croisade contre la fraude et les abus, il est intéressant de se pencher plus précisément sur ce que les arrêts maladie nous racontent. Car si la Cnam avance que 40 % de la hausse des dépenses d’indemnités journalières sont « inexpliquées », le vieillissement de la population active et les conditions de travail dégradées (en particulier dans les secteurs en tension comme l’hôpital, le social ou le BTP), sont loin d’être des phénomènes isolés : les 60 % restants pourraient bien exprimer d’autres réalités structurelles, rarement évoquées par la Cnam et le gouvernement. En cause, la montée des troubles psychiques au travail, la pénurie de spécialistes qui oblige à multiplier les arrêts en attendant une prise en charge adéquate, ou encore les arrêts temporaires en cascade, faute de reconnaissance rapide d'une invalidité. Sans oublier le Covid long -toujours actif et peu pris en charge - qui continue de produire des absences prolongées, ainsi que la revalorisation des salaires, qui augmente mécaniquement les dépenses en indemnités journalières. Autant de raisons, très concrètes pour les assurés, qui permettent de mieux comprendre la hausse de 27,9 % des dépenses d'indemnités journalières entre 2019 et 2023.