Souscription en ligne et questionnaire médical : le juge recadre l’assureur en matière de prévoyance

Si l’avenir est à la souscription des contrats d’assurance en ligne, autant que les assureurs gèrent correctement leur processus de souscription et vérifient, notamment, que les documents qu’ils reçoivent ne soient pas truffés d’incohérences en étant si possible non seulement signés… et par le bon assuré. Une compagnie d’assurance de la Place vient de faire les frais de sa « nonchalance » en la matière devant la cour d’appel de Dijon.
Un questionnaire médical rempli de manière incorrecte
L’affaire concerne une succession dans laquelle, deux sœurs héritières, demandent à ce que la compagnie, auprès de laquelle leur père a souscrit en ligne un contrat d’assurance de prêt, règle le montant de l’emprunt restant dû à la banque.
La compagnie d’assurance refuse et demande l’annulation du contrat au motif que l’assuré a omis de mentionner les pathologies dont il souffrait sur le questionnaire médical, ce qui correspond à une fausse déclaration intentionnelle.
Les deux héritières rétorquent que la compagnie d’assurance est mal fondée à s’appuyer sur les réponses du questionnaire médical dans la mesure où celui-ci n’a été ni renseigné (le questionnaire a été rempli de manière informatique par un tiers), ni signé par leur père dont le prénom était au demeurant erroné (l’identité mentionnée était Michel alors que l’assuré se prénommait Daniel).
Le tribunal d’instance leur donne raison en retenant que l’assureur n’était pas en mesure de démontrer que le questionnaire médical sur lequel il se fondait avait été rédigé par l’assuré lui-même, de telle sorte que la fausse déclaration intentionnelle dont il se prévalait n’était pas établie.
Une « considérable légèreté de l’assureur » dans la vérification des éléments transmis
La cour d’appel confirme le jugement. Elle considère que le questionnaire médical, conformément aux procédures indiquées aux clients, aurait dû être transmis sous pli cacheté au médecin conseil de la compagnie d’assurance. Le fait que le questionnaire médical ait été rempli en ligne par l’assuré et signé de manière électronique au moyen d’un procédé fiable et certifié ne change pas la donne.
Selon les juges, l’assureur qui ne pouvait ignorer les modalités imposées à l’assuré pour l’établissement et la transmission de ce document, ne fournit aucune justification convaincante sur la raison pour laquelle il n’a pas été procédé de la manière indiquée.
Les juges estiment aussi que la compagnie ne démontre pas que la signature de l’assuré, seul élément de nature à authentifier avec certitude l’auteur des réponses apportées au questionnaire médical, et dont ils rappellent qu’elle consiste, dans le cas présent, en une simple indication portée de manière électronique, émane bien de l’assuré.
Rappelant que la bonne foi de l’assuré est présumée, les juges ajoutent que l’assureur cherche en vain à tirer parti de l’incohérence des prénoms pour prouver la fausse déclaration intentionnelle. Au contraire, cette incohérence des prénoms dénote la considérable légèreté de l’assureur qui n’a manifestement pas procédé à la moindre vérification de l’identité réelle de son interlocuteur, énonce la cour.
De plus, les juges relève que l’assureur ne s’est pas non plus étonné du manque de cohérence des réponses au questionnaire médical. Ainsi, à la question « êtes-vous actuellement en arrêt de travail sur prescription médicale pour raison de santé », l’assuré a répondu « oui » en donnant comme raison qu’il était « en retraite depuis le mois de janvier 2000 », soit des indications manifestement sans rapport avec la question initiale.
Dès lors, en constatant que l’assureur invoque une fausse déclaration intentionnelle sur la base d’un questionnaire médical établi sous une identité qui ne correspond pas à celle de son assuré, et dont il ne démontre pas qu’il ait bien été rempli par celui-ci, la cour d’appel écarte la demande de nullité du contrat formulée par l’assureur. Ce dernier est condamné à prendre en charge les sommes restant dues au titre du prêt garanti.
Cour d’appel de Dijon. Chambre civile 01, 24 octobre 2017, n°15/01266
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