Sécurité sociale : le déficit explose en 2025, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme
Dans une note publiée ce lundi 3 novembre 2025, la Cour des comptes alerte sur la dégradation rapide des comptes de la Sécurité sociale. En seulement deux ans, le déficit a doublé, et la trajectoire financière à moyen terme reste extrêmement fragile.
Cette communication fait suite à la demande de la commission des affaires sociales et s’appuie sur les derniers travaux de la Cour, le rapport d’octobre 2025 et les projections du PLFSS 2026.
Derrière les chiffres, un avertissement fort : si aucune mesure concrète n’est prise rapidement, notre système de protection sociale, pilier essentiel pour tous les Français, pourrait être en péril.
Un déficit qui a doublé en deux ans
Selon la Cour, la Sécurité sociale affichera en 2025 un déficit bien plus lourd qu’attendu (23 Md€, soit +7,7 Md€ par rapport à 2024).
En clair, les dépenses (santé, retraites, prestations familiales…) continuent de grimper, tandis que les recettes progressent trop lentement. Résultat : les comptes plongent, malgré les efforts engagés.
Pour rappel, en 2024, ce déficit avait déjà connu une hausse brutale et inattendue, passant de 10,8 à 15,3 milliards d’euros. En deux ans, il a donc plus que doublé, atteignant en 2025 son plus haut niveau depuis 2012, hors période exceptionnelle liée à la crise du Covid.
Et ce n’est pas fini : d’ici 2029, le cumul des déficits pourrait dépasser 100 milliards d’euros. Autrement dit, la dette sociale – que la France pensait avoir maîtrisée – est en train de se reconstituer.
Et, cette dernière menace la trésorerie de l’Acoss, l’organisme qui finance la Sécurité sociale. Si rien n’est fait, la Cour prévient d’un risque réel de manque de liquidités dans les années à venir. En clair, la Sécu pourrait avoir du mal à payer ses dépenses courantes.
PLFSS 2026 : des efforts prévus, mais pas suffisants
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 prévoit un effort important pour réduire le déficit. L’objectif : ramener le déficit à 17,5 milliards d’euros en 2026, soit environ 0,6 % du PIB, ce qui représenterait une amélioration de 5,5 milliards d’euros par rapport à 2025.
Pour 2026, les dépenses de la Sécurité sociale devraient atteindre 676,9 milliards d’euros, soit une hausse de 10,8 milliards par rapport à 2025 (+1,6 %). Une progression contenue, qui traduit un effort important de modération de la part du gouvernement.
En effet, sans intervention, les dépenses auraient naturellement augmenté d’environ 19,9 milliards d’euros. Mais grâce à une série de mesures d’économies évaluées à 9 milliards d’euros, cette hausse est largement freinée.
Parmi les principales mesures annoncées :
- Un contrôle plus strict de l’évolution des dépenses hospitalières et des soins : 6 milliards d’euros d’économies dans le domaine de la santé ;
- Un gel de certaines prestations sociales, c’est-à-dire leur non-revalorisation temporaire en 2026 : 2,5 milliards d’euros d’économie ;
- Le report de la majoration des allocations familiales de 14 à 18 ans : 0,2 milliard d’euros d’économies ;
- Un ralentissement de la progression du Fonds national d’action sociale (Fnas) : 0,4 milliard d’euros d’économies. Pour rappel, le Fnas, finance les prestations sociales complémentaires de la branche Famille. Il soutient notamment les équipements et services destinés aux familles, comme les crèches, les accueils de loisirs ou les centres sociaux ;
Par ailleurs, la suspension de la réforme des retraites jusqu’aux prochaines élections présidentielles devrait coûter environ 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard d’euros en 2027, selon les estimations de l’administration. Toutefois, le Gouvernement affirme que cet impact restera quasiment neutre pour le système de retraite sur ces deux années, grâce aux mesures de financement compensatoires prévues.
Malgré ces efforts importants, la Cour des comptes reste prudente : les mesures envisagées ne suffiront peut-être pas à redresser durablement la situation, notamment si la croissance ralentit ou si de nouvelles dépenses sont votées.
Pour les sages de la rue Cambon, il est urgent de définir une trajectoire crédible de retour à l’équilibre. Sans cela, la reprise d’une partie de la dette par la Cades (l’organisme chargé de la dette sociale) serait impossible.
La Sécurité sociale à un carrefour décisif ?
La France mise sur son système de protection sociale pour protéger les citoyens face aux aléas économiques et sociaux. Mais, comme le rappelle la Cour des comptes, ce modèle ne peut tenir que si ses comptes sont équilibrés.
Sans mesures efficaces, la dette sociale risque de s’alourdir et de peser lourdement sur les finances publiques, ainsi que sur les générations futures.
Cette année, la Sécurité sociale fête ses 80 ans. Pour préserver notre modèle social, il est, selon la Cour des comptes, urgent de :
- Définir une trajectoire crédible de retour à l’équilibre des comptes sociaux, préalable à toute reprise de dette par la Cades ;
- Rétablir un pilotage et un financement cohérents de la Sécurité sociale, avec une maîtrise durable des dépenses ;
- Construire un consensus sur le niveau de ressources à consacrer pour garantir la protection sociale de tous.
Finalement, cette note, commandée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, fait écho aux précédents avertissements de la Cour : sans réforme structurelle, le modèle social français risque de s’enliser dans une spirale de dettes et perdre sa solidité.