Sébastien Lecornu invite les syndicats à s’emparer de « cinq thèmes sociaux » dans un climat de tension générale

Depuis sa nomination à Matignon, Sébastien Lecornu multiplie les consultations avec les forces sociales. Mais dans les faits, ce dialogue peine à produire des avancées concrètes, ce qui pousse le Premier ministre à recentrer les débats sur leur contribution aux grandes réformes à venir.
Dans ce cadre, il entend solliciter syndicats et patronat sur cinq grands thèmes – une proposition qui suscite toutefois une vive réticence dans le camp syndical alors que le temps pour présenter un budget est de plus en plus serré.
Des relations déjà tendues
Alors que le gouvernement de Sébastien Lecornu n’est toujours pas nommé, le Premier ministre semble déjà avoir braqué une partie des syndicats. Ces derniers avaient lancé un ultimatum au nouveau locataire de Matignon, exigeant notamment l’abrogation de la réforme des retraites, l’abandon de l’« année blanche » et le refus de la suppression de 3 000 postes de fonctionnaires.
Or la réunion de mercredi dernier avec le Premier ministre s’est à nouveau soldée par un échec. Les organisations syndicales dénoncent le flou et l’imprécision du chef du gouvernement sur des dossiers cruciaux comme le pouvoir d’achat, la fiscalité ou encore les retraites. En conséquence, une nouvelle mobilisation de grande ampleur a été décidée par l’intersyndicale, qui qualifie cette rencontre d’« occasion manquée ».
De son côté, Sébastien Lecornu a pourtant tenu à rappeler « son attachement au dialogue social » et a assuré qu’il « n’entend pas passer en force ». Pour donner corps à cette volonté, il a donc de nouveau demandé l’implication des syndicats.
Un appel à contribution sur cinq fronts
Dans cette optique, le Premier ministre prévoit d’adresser un courrier aux partenaires sociaux afin de recueillir leurs propositions sur cinq thèmes :
- Financement de la protection sociale : comment assurer la pérennité financière de l’assurance maladie et des retraites.
- Réindustrialisation et souveraineté économique : renforcer le tissu productif face aux tensions géopolitiques et anticiper les mutations économiques.
- Conditions de travail et qualité de vie au travail : améliorer la prévention et mieux protéger les salariés.
- Renforcement du paritarisme : réfléchir à l’avenir de la gouvernance partagée de la Sécurité sociale, y compris au niveau local.
- Modernisation du marché du travail : faciliter l’insertion des jeunes et fluidifier les parcours professionnels.
Lecornu espère ainsi donner des gages de concertation, mais les syndicats restent sceptiques. Ils jugent l’initiative tardive et critiquent l’absence de vision claire, alors que les grandes lignes du budget demeurent incertaines.
Le patronat en retrait
Du côté du patronat, la réaction est plus mesurée. Le Medef s’inquiète toutefois que le débat se réduise à une discussion fiscale, au détriment de la croissance, de l’investissement et de la compétitivité. Son président, Patrick Martin, a appelé à replacer l’emploi au cœur des priorités, plutôt que de s’enfermer dans un « débat fiscalo-fiscal ».
Des syndicats prêts au bras de fer
La fermeté est en revanche de mise du côté syndical. « Ce qui est sûr, c’est qu’il faut montrer un rapport de force pour se faire entendre », a estimé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. En signe de défiance, elle a annoncé qu’elle ne participerait plus à aucune réunion à Matignon avant la journée de mobilisation du 2 octobre.
Même tonalité du côté de la CFDT. Sa secrétaire générale, Marylise Léon, a rappelé que le monde du travail « ne se laissera pas faire » si les efforts demandés sont déséquilibrés. Invitée du 20 heures de France 2 après sa rencontre avec Sebastien Lecornu, elle a posé une question centrale au Premier ministre : « Est-il prêt à demander des efforts à ceux à qui on n’a rien demandé depuis des années ? »
Les questions fiscales sur le devant de la scène
Ce bras de fer intervient alors que la France est gouvernée par un Premier ministre sans gouvernement formé, entouré de ministres démissionnaires seulement chargés des affaires courantes. Entre le 7 et le 13 octobre, Sébastien Lecornu devra pourtant présenter son budget en Conseil des ministres. À défaut d’avancée, le budget 2025 serait automatiquement reconduit.
Pour l’instant, les débats se cristallisent sur la « taxe Zucman », défendue par la gauche mais rejetée par le Medef. Une alternative est portée par Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée, qui propose un « impôt sur la fortune improductive » élargi à certains actifs, proche de l’ancien ISF mais excluant les biens professionnels. Une manière de réorienter le débat fiscal, mais qui là encore ne fait pas consensus, surtout à gauche.