Pourquoi l’AVC reste une urgence (encore) mal gérée en France ?

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Pourquoi l’AVC reste une urgence (encore) mal gérée en France ?

Chaque année, 120 000 personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en France. Selon la Cour des comptes, qui a récemment publié un rapport approfondi à l’occasion de la Journée mondiale de l’AVC, cette pathologie reste un défi majeur : elle entraîne des décès, des handicaps visibles ou invisibles, et représente un coût global d’environ 4,5 milliards d’euros par an. Pour les spécialistes des politiques publiques, il est urgent d’améliorer l’ensemble du parcours, depuis les premiers symptômes jusqu’au retour à la vie quotidienne.

Comprendre l’AVC : quand le cerveau n’est plus oxygéné

Un accident vasculaire cérébral, ou AVC - parfois appelé « attaque cérébrale » -correspond à une perte soudaine d’une ou plusieurs fonctions du cerveau provoquée par une lésion localisée d’un vaisseau cérébral. Concrètement, une artère se bouche ou se rompt, l’apport sanguin dans le cerveau s’interrompt, ce qui provoque la mort des neurones, faute d’oxygène. Plus le nombre de neurones touché est important, plus les séquelles seront graves. Tétraplégie, hémiplégie, aphasie : la gravité d’un AVC dépend de la localisation de l’attaque et de l’étendue des lésions.

Il existe deux types d’AVC :

  • L’AVC ischémique (le plus fréquent) qui se caractérise par un arrêt brutal de la circulation sanguine à l’intérieur du cerveau ;
  • L’AVC hémorragique qui fait suite à une hémorragie dans le cerveau.

Lorsque l’obstruction artérielle est transitoire, et que les symptômes ne durent que quelques minutes avant un retour à la normale sans séquelles, il s’agit d’un AIT, accident ischémique transitoire. L’AIT se caractérise par les mêmes symptômes que l’AVC mais sa courte durée fait qu’il peut passer inaperçu et être confondu avec un malaise. Même s’il n’entraîne pas de lésions du cerveau, l’AIT est un signal d’alarme majeur, puisque le risque de survenue d’un AVC plus grave dans les jours suivants est important.

AVC : les signes qui doivent alerter

La prévention de l’AVC implique de reconnaître ses symptômes. Si des progrès ont été faits en la matière, le rapport de la Cour des comptes souligne un déficit de connaissance dans la population. Les cinq symptômes de l’AVC à repérer immédiatement sont :

  • Paralysie faciale ;
  • Paralysie d’un bras ou d’une jambe ;
  • Trouble de la parole ou du langage ;
  • Perte de la vue d’un œil, d’un côté du champ visuel ou vision double ;
  • Trouble de l’équilibre ou de la marche.

Un AVC peut aussi se manifester par des difficultés à lire, calculer, penser et s’orienter. Parfois, il s’accompagne de maux de tête inhabituels et violents, associés à des nausées et vomissements.

COMMENT SAVOIR SI ON FAIT UN AVC ?

Pour reconnaître les signaux d’alarme, la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC préconise de poser 3 questions :

  • Peux-tu me sourire ? En cas d’AVC, le visage de la victime est souvent affaissé, avec un coin de la bouche qui retombe
  • Peux-tu lever les bras ?Un AVC empêche de lever les deux bras normalement, la personne est soit incapable d’en lever un, soit elle présente une faiblesse au niveau de celui-ci. Dans les deux cas, elle est incapable de tenir les deux bras horizontalement au même niveau.
  • Peux-tu parler ? Une victime d’AVC a souvent du mal à parler et à articuler, lui faire répéter une phrase simple constitue un bon test. Vous pouvez aussi lui demander de nommer des objets simples comme une table ou une chaise.

Chaque minute compte en cas d’AVC. Au moindre symptôme, il faut immédiatement appeler le 15.

AVC : un parcours de soins encore trop fragile, malgré des progrès majeurs

Depuis les années 2000, plusieurs actions ont été entreprises par les pouvoirs publics pour réduire le nombre d’AVC et la sévérité des séquelles qui en résultent. Mais selon la Cour des comptes, ces actions restent insuffisantes face à l’enjeu. Son dernier rapport identifie ainsi plusieurs points d’améliorations.

Une prévention trop faible : l’angle mort de l’hypertension dans les cas d’AVC

L’hypertension artérielle est le premier facteur de risque de l’AVC. Or, contrairement aux recommandations du plan AVC 2010-2014, le dépistage et la prise en charge de l’hypertension n’ont pas constitué une priorité de la politique de prévention.

Résultat, en matière de dépistage et de prise en charge de l’hypertension :

  • Les performances françaises stagnent.
  • Elles régressent même chez les femmes.
  • Elles restent inférieures à celles observées dans des pays comparables.

La Cour appelle ainsi à un plan d’action dédié à la lutte contre l’hypertension, avec un rôle renforcé du médecin traitant et un meilleur ciblage des publics les plus à risque.

Des progrès dans l’urgence… mais une prise en charge encore inégale

Conformément au plan AVC 2010-2014, la France a développé des unités neuro-vasculaires (UNV), spécialisées dans la prise en charge aiguë de l’AVC. L’objectif de 140 unités a été atteint, mais leur répartition reste insuffisante et ne garantit pas une équité territoriale.

Selon Vie publique, seulement 50 % des patients étaient en effet hospitalisés dans une unité spécialisée en 2023.

Des délais de prise en charge trop longs

Délais d’accès aux UNV trop longs, contraintes de recrutement médical et paramédical, couverture territoriale insuffisante… La Cour estime que les résultats actuels restent « en deçà des objectifs visés ». Pour pallier ces écueils, elle recommande de développer le recours au télé-AVC, afin d’étendre l’expertise des UNV aux hôpitaux locaux.

Le maillon faible : la phase post-aiguë

C’est le constat le plus sévère de la Cour. Alors que le plan 2010-2014 insistait déjà sur l’importance de cette étape pour réduire la mortalité, les risques de récidive et les séquelles, les résultats ne sont pas à la hauteur.

Le parcours optimal pour une victime d’AVC est censé se composer ainsi :

  • En amont, une prise en charge en UNV;
  • En aval, une prise en charge en services de soins médicaux de réadaptation (SMR).

Or, il apparait qu’une minorité de patients peuvent réellement suivre ce parcours. Ainsi, seuls 60 % des patients bénéficient en moyenne d’une consultation post-AVC conforme. À titre d’exemple, en 2022, 8 000 patients n’avaient toujours pas bénéficié d’un suivi médical au mois de juin 2024, en dépit du risque de récidive.

Alors qu’ils jouent un rôle déterminant dans la limitation des séquelles, les soins médicaux de réadaptation (SMR) souffrent d’un problème d’orientation :

  • 35 % des patients n’y ont pas accès ;
  • Parmi les 75 000 patients rentrés à leur domicile, 17 000 avec un handicap lourd n’ont pu bénéficier des SMR
  • À l’inverse, 10 000 patients avec un handicap léger y auraient été orientés, sur-mobilisant inutilement ces lits.

Ce problème d’orientation s’explique par un manque de lits qui provoque des engorgements. Par conséquent, certains patients voient leurs séjours prolongés dans les services aigus, sortent trop précocement de l’hôpital, ou sont orientés vers des structures inadaptées à leurs besoins.

Enfin, la Cour regrette que l’absence des associations de victimes d’AVC dans les instances de concertation.

La Cour estime qu’une meilleure orientation, une coordination renforcée et une réduction des séjours inutiles pourraient produire 200 millions d’euros d’économies et améliorer le parcours d’environ 40 800 patients.

Les préconisations de la Cour des comptes pour améliorer la prise en charge des AVC

  1. Renforcer la prévention
  • Plan national dédié à l’hypertension
  • Stratégie d’information grand public sur les symptômes
  1. Consolider la phase aiguë
  • Développer les UNV et le télé-AVC
  • Garantir un diagnostic et traitement en moins d’une heure
  1. Réparer la fracture du post-aigu
  • Accès prioritaire aux SMR pour les patients les plus sévèrement touchés
  • Déploiement systématique du programme Prado pour accompagner le retour à domicile
  • Optimisation des durées de séjour, des transferts et de l’hospitalisation à domicile

L’AVC reste une urgence absolue, tant d’un point de vue médical, que social et économique. Le rapport de la Cour des comptes montre des progrès indéniables mais met en lumière un constat implacable : la France ne parvient pas encore à offrir à tous les patients le parcours optimal qui maximise leurs chances de survie et de récupération. Un nouveau plan national, mieux piloté et véritablement centré sur l’ensemble du parcours, apparait ainsi indispensable.

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