Le gouvernement veut limiter les arrêts maladie à 15 jours, les médecins dénoncent une mesure « absurde »

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Le gouvernement veut limiter les arrêts maladie à 15 jours, les médecins dénoncent une mesure « absurde »

Face à la flambée du coût des arrêts de travail, le gouvernement entend encadrer plus strictement leur durée initiale. Mais la mesure, présentée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, suscite la colère des professions médicales qui y voient une réforme déconnectée du terrain.

Limitation des arrêts maladie à 15 jours : une mesure pour maîtriser la dépense des indemnités journalières

Selon le rapport Charges et produits de l’Assurance maladie, les arrêts de travail coûtent de plus en plus cher à l’Assurance-maladie : +6 % de dépenses par an entre 2019 et 2023, contre +3 % sur la décennie précédente. En 2024, la facture a ainsi atteint 11,3 milliards d’euros pour les salariés du privé et contractuels de la fonction publique.


Dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026), le gouvernement juge cette trajectoire « non soutenable » et propose plusieurs leviers pour « retrouver la maîtrise » des indemnités journalières (IJ). Parmi eux, une disposition phare : limiter la durée du premier arrêt de travail à 15 jours en médecine de ville, et à 30 jours en cas d’hospitalisation.


Les arrêts pourront être renouvelés par périodes de deux mois, à condition d’être médicalement justifiés et dans la limite des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). L’exécutif défend une logique de « suivi plus rapproché » des patients, censée éviter les prescriptions longues sans réévaluation clinique.

Cette mesure s’inscrit dans un plan plus large : réduction du plafond d’indemnisation de 1,8 à 1,4 SMIC, fin des ALD non exonérantes, et lutte renforcée contre la fraude.

« Ces mesures contribueront à mieux mobiliser tant les employeurs, qui seront incités à améliorer les conditions de travail et à investir dans la prévention de la désinsertion, que les professionnels de santé et les salariés, au sujet du coût croissant de la prise en charge par l’assurance-maladie des arrêts de travail », défend le gouvernement, dans le dossier de presse du PLFSS 2026.

Un plafond de 15 jours jugé irréaliste et contre-productif par les médecins

Déjà en juillet dernier, lorsque le plafonnement des arrêts de travail à 15 jours avait été évoqué par Catherine Vautrin, ex-ministre de la Santé de feu le gouvernement Bayrou, les médecins avaient vivement réagi.


« La ministre Catherine Vautrin ne semble pas savoir que les recommandations HAS pour un certain nombre de pathologies sont à 3 semaines ou plus », avait par exemple ironisé le Dr Richard Talbot, trésorier de la Fédération des médecins de France, sur X.
Comme le racontent nos confrères Le Quotidien du Médecin, le syndicat Reagjir, représentant les jeunes généralistes et remplaçants, avait pour sa part dénoncé une règle « absurde », risquant de générer « des consultations de renouvellement peu pertinentes voire impossibles ». De quoi accroître la charge de travail de médecins déjà saturés… Patient opéré revu à 8 semaines, tendinite sans rendez-vous de kiné avant 3 semaines, épisodes dépressifs qui nécessitent plusieurs semaines d’arrêt et de traitement ; les exemples pour lesquels le plafonnement du primo-arrêt à 15 jours est inadapté ne manquent pas.

Qu’est-ce qui explique (vraiment) la hausse des dépenses d’indemnités journalières ?

Derrière les chiffres brandis par le gouvernement, la réalité est plus nuancée.
Selon le rapport « Charges et produits » de l’Assurance maladie, l’augmentation des dépenses d’indemnités journalières entre 2019 et 2023 s’explique pour environ 60 % par des facteurs démographiques et économiques : hausse du salaire moyen (et donc du montant des IJ) et vieillissement de la population active, pour ne citer qu’eux.

Les 40 % restants proviennent d’une augmentation du taux de recours (34%) et d’un allongement des durées d’arrêts (5%), sans que les causes soient pleinement identifiées par la Cnam. L’Assurance maladie note que davantage d’arrêts sont prescrits et que certains dépassent les durées de référence recommandées par la HAS.

Une lecture incomplète pour les syndicats médicaux, qui soulignent que l’augmentation des arrêts maladie traduisent aussi une dégradation structurelle des conditions de travail, une hausse des troubles psychiques (dépressions, burn-out, anxiété), et un accès inégal aux soins qui retarde la prise en charge.

Autrement dit, la hausse des dépenses d’IJ ne serait pas tant le résultat d’un excès de prescriptions que le symptôme d’une société du travail fragilisée et de la désorganisation du système de soins. Autant de fragilités structurelles que la limitation des arrêts de travail à 15 jours ne viendra non seulement pas corriger, mais pourrait même aggraver, en multipliant les consultations inutiles et en fragilisant davantage les patients déjà vulnérables.

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