Retraités ayant cotisé en France et en Suisse : attention au traitement fiscal des pensions versées en capital

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Retraités ayant cotisé en France et en Suisse : attention au traitement fiscal des pensions versées en capital

Les retraités dits « polypensionnés », ayant cotisé simultanément en France et en Suisse, perçoivent une pension de retraite de chaque pays. Mais les modalités de prélèvements sociaux français varient en fonction de la forme de versement de leur pension suisse.

Une décision du Conseil d’État du 25 octobre 2024, mobilisée au Sénat dans une réponse ministérielle publiée le 15 mai 2025, a durci le traitement social des pensions suisses perçues sous forme de capital. En toile de fond : la jurisprudence européenne Nikula, la question du pouvoir d’achat des retraités frontaliers, et l’égalité devant les prélèvements sociaux.

Les conséquences du choix de mode de versement de la pension suisse

Les retraités frontaliers ayant cotisé à la fois au régime français et au régime suisse peuvent percevoir deux pensions : l’une de la France, l’autre de la Suisse. La pension d’origine suisse peut être versée de façon régulière, sous forme de rente, ou bien de façon temporaire, sous forme de capital. Un choix de mode de versement qui est loin d’être neutre sur le plan fiscal, puisqu’il déterminera le régime des contributions sociales françaises applicables.

Jurisprudence Nikula : un plafonnement protecteur pour le versement sous forme de rente

Lorsque la pension suisse est versée en rente, la jurisprudence Nikula de la Cour de justice de l’Union européenne s’applique. Celle-ci prévoit que le retraité affilié au régime français et bénéficiant de prestations de l’Assurance maladie, soit redevable des prélèvements sociaux français (CSG, CRDS, CASA) sur l’ensemble des pensions perçues, y compris celles en provenance de Suisse. Toutefois, le montant total de ces prélèvements ne peut excéder le montant de la pension française : un plafonnement dont l’objectif est d’éviter une surimposition des revenus étrangers.

La jurisprudence Nikula

La jurisprudence Nikula pose le principe selon lequel un État membre ne peut prélever de cotisations sociales sur des pensions étrangères que dans la mesure où il assure des prestations en nature (notamment maladie) en contrepartie.

Appliquée aux retraités polypensionnés affiliés à l’assurance maladie française, cette règle permet le prélèvement de la CSG, CRDS et CASA sur l’ensemble des pensions (française et étrangère), mais dans la limite du montant de la pension française.

Ce plafonnement est prévu pour éviter un assujettissement disproportionné, en l’absence de lien direct entre la pension étrangère et le bénéfice des prestations françaises.

Cotisations sur les pensions suisses : le Conseil d’État exclut le versement en capital du plafonnement Nikula

La situation est différente lorsque la pension suisse est versée en capital, c’est-à-dire en versements uniques plutôt qu’en rente mensuelle. Jusqu’en 2024, faute de précision claire, le plafonnement des prélèvements sociaux prévu par la jurisprudence Nikula s’appliquait aussi aux versements sous forme de capital.

Mais dans sa décision du 25 octobre 2024, le Conseil d'État a explicitement exclu les pensions suisses perçues en capital du champ d’application de la jurisprudence. En conséquence :

  • Les capitaux sont désormais intégralement soumis aux prélèvements sociaux français, sans plafonnement ;
  • Les polypensionnés ayant opté pour le versement en capital ont un traitement fiscal moins favorable, alors même qu’ils ont pu faire ce choix à l’époque, sans connaître les implications fiscales d’aujourd’hui.

Le Conseil d’État justifie cela en invoquant l’égalité entre assurés : il considère que plafonner les prélèvements pour les pensions en capital reviendrait à accorder une exonération injustifiée par rapport aux rentes, à montant de retraite équivalent.

Revirement jurisprudentiel ? Le gouvernement infirme

Le débat a été relancé au Parlement par une question écrite de la sénatrice Patricia Schillinger (Haut-Rhin, RDPI), adressée à la ministre chargée des comptes publics. La sénatrice s’inquiétait des effets concrets de la décision du Conseil d’État sur les retraités frontaliers polypensionnés, en évoquant ce qu’elle qualifie de "revirement jurisprudentiel" sur le plafonnement des prélèvements sociaux : en effet, le plafonnement des versements en capital qui permettait d’éviter une double charge excessive, notamment pour les retraités modestes en situation de fragilité économique, n’est plus applicable.

Le gouvernement répond qu’il ne s’agit pas d’un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt Nikula, mais d’une clarification de son champ d’application. Reste que pour les retraités ayant fait le choix du versement en capital sans en connaître les implications fiscales à l’époque, la conséquence est immédiate : alourdissement brutal de la charge fiscale (pouvant atteindre plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros), perte de pouvoir d’achat, manque d’information claire.

Le gouvernement envisage-t-il un moratoire sur l’application de ces nouvelles règles fiscales ? Faute de suspension, des mesures compensatoires seront-elles prévues pour limiter l’impact sur les retraités concernés ? À ce jour, aucune annonce n’a été faite.

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