Retraite à 62 ans : le « non » de François Bayrou met le feu aux négociations

Le Premier ministre a affirmé dimanche, lors d’une interview, qu’il fermait la porte à un retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Cette déclaration a fait bondir les syndicats, menaçant l’avenir des négociations actuellement en cours avec le Gouvernement.
La prise de position du Premier ministre a également suscité une vive opposition de la plupart des partis politiques. Éric Lombard, le ministre de l’Économie, a tenté d’éteindre l’incendie en temporisant les propos du chef de gouvernement. Or la ministre déléguée aux Comptes publics, Amélie de Montchalin, a rebondi ce lundi matin en soutenant le Premier ministre.
Cette cacophonie au sein de l’exécutif pourrait sceller l’issue du conclave sur les retraites, qui apparaît plus fragilisé que jamais.
Le veto de Bayrou
Interrogé sur France Inter ce dimanche, François Bayrou a répondu d’un simple « non » lorsqu’on lui a demandé s’il envisageait un retour de l’âge légal à 62 ans.
Cette réaction a immédiatement déclenché de vives protestations, aussi bien chez les syndicats que dans l’opposition. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un « foutage de gueule » sur X (ex-Twitter), tandis que le vice-président du RN, Sébastien Chenu, y a vu « la fin du conclave ». Du côté du Parti socialiste, le député Jérôme Guedj a qualifié cette position de « faute » et de « mépris envers les partenaires sociaux ».
Les ministres se contredisent les uns les autres
Dans ce contexte tendu, Éric Lombard a pris ses distances avec François Bayrou. Sur BFMTV, il a déclaré que « c'est aux partenaires sociaux de décider », tout en reconnaissant qu’un retour à 62 ans aurait un « coût élevé ». Conscient que la déclaration du Premier ministre risquait de compromettre les discussions en cours, il a tenu à souligner que « le dialogue social est absolument essentiel ».
De quoi apaiser les relations avec les partenaires sociaux ? Rien n’est moins sûr. Car même du côté de l’exécutif, les violons ont du mal à s’accorder. Interrogée sur Europe 1 ce lundi, la ministre déléguée aux Comptes publics, Amélie de Montchalin, va ainsi dans le sens du chef du gouvernement. « Tout le monde voit bien que revenir à 62 ans ne permet pas de rétablir l'équilibre », a estimé la ministre.
Le cap des 62 ans : un enjeu clé pour les syndicats
Ces divergences au sein du gouvernement qui se multiplient rendent le contexte des négociations encore plus incertain. La déclaration du Premier ministre, alors que les discussions sont en cours, surprend donc par son timing et sa fermeté.
À l’exception de Force Ouvrière (FO), qui s’est retirée du conclave dès la première réunion, l’ensemble des organisations syndicales a vivement réagi. Yvan Ricordeau, négociateur de la CFDT, juge « incompréhensibles » les propos de François Bayrou, rappelant que c’est lui-même qui avait ouvert la discussion sur l’âge de départ à la retraite. Denis Gravouil, de la CGT, estime quant à lui que « l’on ne peut pas faire confiance à François Bayrou ».
De son côté, François Hommeril, président de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), considère qu’un retour à 62 ans reste envisageable, à condition d’ajuster d’autres paramètres comme « le niveau de cotisations, le taux d'emploi des seniors, le taux d'emploi en général ou la productivité des emplois ».
Au-delà des tensions avec les partenaires sociaux, cette prise de position fragilise également l’exécutif. Le Rassemblement national, par la voix du député Laurent Jacobelli, a évoqué la possibilité d’une alliance avec la gauche pour faire tomber François Bayrou. « C’est une éventualité que nous étudions, car le Premier ministre a tenté de tromper tout le monde », a déclaré le député sur Europe 1.
La semaine s’annonce donc explosive et risque de rendre encore plus difficile les négociations sur la réforme des retraites de 2023.