S’agissant du marché d’assurance de personnes, nous pouvons réellement parler de guerre tarifaire.
Résiliation infra-annuelle des contrats santé : « les assureurs devront proposer des garanties fidélisantes »

Résiliation infra-annuelle, protection sociale des travailleurs indépendants et la réforme des indemnités journalières pour les libéraux… Previssima vous propose une revue de presse sur la santé individuelle et la prévoyance des indépendants avec Philippe Saby, Directeur général de Solly Azar, un réseau de courtier grossiste mixte, proposant à la fois des assurances de personnes et des assurances de dommages aux biens.
Sur la résiliation infra-annuelle des contrats santé
La loi du 14 juillet 2019, relative au droit de résiliation sans frais des contrats de complémentaire santé est officiellement entrée en vigueur le 1er décembre 2020, qu'est-ce que cela va changer concrètement pour les assurés et pour les assureurs ?
La loi sur la résiliation infra-annuelle va permettre aux assurés de changer d’assurance à tout moment, passé la 1ère année. L’objectif du législateur étant de faciliter les mouvements des Français d’un assureur à l’autre et de voir les primes baisser sous l’effet de la concurrence.
Or, le marché de la santé est déjà un marché extrêmement concurrentiel et extrêmement cadré. Le contrat responsable, les garanties 100 % Santé, etc. Il n’y a plus beaucoup de place à l’imagination pour les promoteurs des offres Santé. Le cadre général des garanties est donc similaire, ce qui a pour effet de tirer les prix vers le bas pour se différencier.
Les prix baissent alors que les garanties du 100 % Santé augmentent, mais cela ne durera pas éternellement. Il ne faudrait pas que cette course au prix bas se traduise par une baisse de la qualité de services et des garanties pour l’assuré qui, au final, s’en trouverait lésé.
Nous constatons nous-même que les changements de nos tarifications entraînent directement des entrées et des sorties de portefeuilles. À terme, il faut être raisonnablement pessimiste : les tarifs ré-augmenteront.
Enfin, il reste encore un point important à trancher : la période de 12 mois doit-elle commencer à la prise d’effet du contrat ou à partir de la souscription ? Souvent en santé, le souscripteur d’un contrat voit les garanties prendre effet plusieurs mois plus tard.
De notre côté, nous avons pris la décision de suivre l’esprit du législateur, c’est-à-dire de tenir compte des 12 mois après la prise d’effet du contrat. Cette période permettra à l’assureur et son intermédiaire de pouvoir amortir le coût d’acquisition du client.
Avez-vous déjà constaté des changements dans la pratique ?
Nous avions sur le marché de la santé individuelle des pratiques de rémunération des distributeurs appelées « escompte sur effets futurs ». Des courtiers vendaient toute l’année des contrats santé qui prenaient effet au 1er janvier de l’année suivante. Pour les rémunérer, il leur était versé des commissions sur ces effets futurs. Très encadrée, cette pratique présente une certaine logique de rémunérer les efforts commerciaux réalisés. Malheureusement, elle a également donné lieu à des malversations. La résiliation infra-annuelle la rendra caduque.
Sur un plan plus technique, les assureurs sont en train d’adapter leur processus pour proposer aux assurés d’effectuer, pour leurs comptes, les démarches de résiliation et de souscription.
D’ailleurs, Solly Azar proposera à ses apporteurs dès le 1er décembre 2020 un parcours de souscription incluant : la prise en charge de l’envoi de la lettre recommandée de résiliation à l’ancien assureur et assurant la continuité de couverture.
Comment les assureurs peuvent-ils s’adapter ?
En proposant des garanties fidélisantes : par exemple, en mettant en place dans les contrats des garanties qui augmentant avec l’ancienneté du client.
C’est d’ailleurs ce que nous faisons sur nos offres santé avec des bonus de fidélité sur plusieurs types de prestations : hospitalisation, dentaire et médecines douces. Passé la première année, la deuxième année, la troisième année, les plafonds de garantie augmentent de 20 %, 25 %... sans impact sur le tarif.
Sur les contrats d’assurance santé et prévoyance des indépendants
Les indépendants n’ont pas été concernés par la généralisation de la complémentaire santé qui bénéficie aux salariés, quels sont les vides de garanties qui les touchent plus particulièrement ?
Les travailleurs indépendants se couvrent davantage en santé qu’en prévoyance. Moins de 3 indépendants sur 10 sont bien couverts en prévoyance. C’est ce que j’appelle l’illusion de la « faible fréquence », car ce risque se réalise moins souvent. Or si le salarié bénéficie d’un contrat collectif de prévoyance entreprise, ce n’est pas le cas pour le travailleur indépendant.
Ce dernier commencera toujours par se couvrir sur le plan de la santé, car il constate plus régulièrement ses besoins en remboursements santé (consultations, médicaments, examens médicaux, etc.) et il risque de négliger le risque prévoyance aux conséquences pourtant désastreuses.
Certes plus rare, mais catastrophique sur le plan des revenus, le risque prévoyance n’arrive pas qu’aux autres.
Comment les sensibilisez-vous aux risques santé et prévoyance pour leur proposer des garanties ?
Solly Azar travaille avec un réseau de plus de 6 000 courtiers de proximité. Ces derniers jouent un rôle important de sensibilisation auprès des indépendants et ils ont un discours d’autant plus légitime qu’ils sont eux même des indépendants. Leur devoir de conseil en est facilité.
Ils sont en mesure de les sensibiliser aux impacts financiers qu’entrainent un défaut de couverture prévoyance lors d’incapacité temporaire ou permanente ou lors d’un décès.
Un des arguments mis en avant par nos courtiers concerne aussi le dispositif fiscal Madelin, qui permet au travailleur indépendant de déduire de leurs revenus les cotisations payées pour ces contrats prévoyance et santé.
Nos courtiers travaillent également en binôme avec les experts comptables. Conseillers avertis et écoutés par les entrepreneurs, ils ont également un rôle à jouer pour sensibiliser et valider les solutions d’assurance.
Quelles sont les exigences des indépendants lorsqu’ils souscrivent un contrat d’assurance santé ou prévoyance ?
En prévoyance, les indépendants ont une méconnaissance forte des prestations proposées par leur régime obligatoire. Ils attendent de leur assureur un accompagnement dans la mise en place de la solution la plus adaptée pour compléter leur protection sociale de base ou en combler les lacunes.
Chez Solly Azar, nous proposons à nos apporteurs une offre modulable leur permettant de personnaliser la couverture de chacun de leurs clients :
- Des garanties décès en capital, des rentes éducation, rentes de conjoint
- Des prestations forfaitaires en cas d’arrêt de travail avec de nombreuses options : choix de franchises, prise en charge des affections « dos » ou psychologiques, etc.
En santé, nous avons des clients très exigeants en termes de remboursements. D’ailleurs, certains ne sont pas intéressés par les limitations des contrats responsables.
Les travailleurs indépendants sont prêts à payer plus cher pour bénéficier de meilleurs plafonds de remboursements.
C’est pourquoi, au-delà de notre offre composée de 5 formules de garanties, nous proposons une sur-complémentaire, fiscalement « non responsable », qui permet aux travailleurs indépendants de renforcer leurs garanties le cas échéant.
Une solution également adoptée par certains salariés, qui bien que couverts, a minima, par un contrat santé dans le cadre de leur entreprise, prennent un contrat santé individuel. De ce point de vue, l’Accord national interprofessionnel (ANI) santé est un échec.
Leur conseillez-vous de se focaliser plutôt sur une couverture des risques lourds en prévoyance ou sur les risques santé moins couteux ?
Face à une hospitalisation, les frais peuvent s’avérer très lourds et une complémentaire santé a donc toute sa place dans la protection sociale du travailleur indépendant. Et nous savons les conséquences à moyen terme d’un renoncement aux soins par manque de moyens financiers. Il est donc autant indispensable de se couvrir en prévoyance qu’en santé. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais une combinaison des deux qui est nécessaire.
Notre expertise travaille à trouver la bonne combinaison entre la couverture prévoyance et la couverture santé.
Par ailleurs, il est fini le temps où « il ne fallait pas » parler de prévoyance. Ces sujets sont abordés avec beaucoup moins de difficultés aujourd’hui.
Sur la future couverture prévoyance des libéraux
Un amendement au PLFSS 2021 propose de mettre en place une indemnité journalière pour les professionnels libéraux en arrêt de travail, de quoi s’agit-il exactement ?
Il s’agit d’instaurer un dispositif obligatoire, unique et commun d’indemnités journalières maladie pour l’ensemble des professions libérales affiliées à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).
Ce dispositif entrerait en vigueur au 1er juillet 2021.
Quelles conséquences aura une telle mesure ?
Avec ce dispositif, l’ensemble de ces professions bénéficieront d’une indemnisation pendant les 90 premiers jours de leur arrêt, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
En effet, actuellement, toutes les professions libérales ne sont pas logées à la même enseigne en termes de couverture des arrêts de travail.
Certains bénéficient d’une prise en charge par leur caisse mais uniquement pour des arrêts supérieurs à 3 mois (auxiliaires médicaux, experts comptables, médecins par exemple).
D’autres ne peuvent prétendre à aucune indemnité de leur régime obligatoire. C’est le cas des professions relevant de la CIPAV, des huissiers, des agents généraux d’assurance ou encore des vétérinaires.
Un des points de vigilance sera la définition du taux de cotisation qui devra être supportable par l’ensemble des professions.
Les professions libérales seront-elles convaincues par cette nouvelle prestation qui entraînera nécessairement une cotisation ?
La crise sanitaire que nous traversons a été un révélateur pour beaucoup de la nécessité de disposer d’une couverture prévoyance. Ce sera une des leçons à tirer de cette période si difficile pour les indépendants.
Comment les assureurs pourront-ils se positionner par rapport à cette nouvelle couverture ?
Ce dispositif obligatoire est un premier niveau indispensable et pertinent mais le montant de l’indemnité journalière qui sera délivré ne couvrira pas intégralement la perte de revenus effective. Un complément d’indemnisation via une assurance privée reste donc plus que jamais d’actualité.
Cela entraînera un devoir de conseil pour les intermédiaires et incitera les assureurs à revoir leur contrat à destination de ces cibles : franchises, tarifs…