Si la clause devait être instaurée, l’IPS estime qu’il faudrait étudier une compensation financière des charges supplémentaires de gestion.
Réforme des retraites : l’IPS apporte un nouvel éclairage sur plusieurs points techniques

Faisant suite à une première analyse détaillée, rendue publique le 17 septembre, mettant en garde contre les dangers de la future réforme des retraites, l’Institut de la protection sociale (IPS) récidive, ce mardi 26 novembre, en publiant un nouveau dossier qui décortique en profondeur plusieurs points du rapport Delevoye.
S’appuyant sur les simulations proposées par le Haut-commissaire, l’IPS s’attèle à déconstruire l’apparente simplicité des mesures envisagées par le gouvernement concernant :
- Les droits familiaux
- Les dispositions relatives aux cadres supérieurs
- La réversion
- La « clause des droits acquis »
Alors que la seconde phase de concertation du projet de réforme est ouverte, ce rapport offrira un éclairage technique aux discussions à venir.
Les nouveaux droits familiaux désavantagent les mères
Majorations familiales. En premier lieu, l’Institut revient sur le dispositif de majorations familiales envisagé dans le rapport Delevoye : 5 % de majoration des points acquis par enfant et par assuré au moment du départ en retraite.
« Tel que formulé, le Rapport Delevoye laissait à penser que dans la plupart des situations, le dispositif serait plus favorable aux familles par rapport à la situation actuelle. » Pour l’IPS, ces nouvelles règles sont préjudiciables, notamment aux femmes seules et aux familles nombreuses, car elles suppriment deux dispositifs existants :
- La bonification pour les parents à partir du 3ème enfant
- La majoration de durée d’assurance qui apporte 8 trimestres par enfant à la mère
Comparant des simulations basées sur la situation de 2 femmes, la première bénéficiant du système actuel, la deuxième bénéficiant intégralement du nouveau régime, l’Institut établit plusieurs constats :
- Le niveau dispositif s’avère parfois moins avantageux pour les carrières validant 30 années
- Dans la plupart des situations pour lesquelles la carrière est insuffisante, le nouveau dispositif est défavorable aux mères de 1 à 2 enfants
- La pénalisation est également importante pour les mères de 1 et 2 enfants ayant travaillé de nombreuses années
- Pour les familles de 3 enfants, la perte de droits est d’une ampleur exceptionnelle
Transition vers le nouveau système. Si le régime universel s’applique au plus tôt à compter de 1963, il est prévu que les droits à retraite constitués au titre de la carrière professionnelle effectuée avant le 1er avril 2025 soient garantis à 100 %.
Or, pour l’IPS « Force est de constater que la solution préconisée par le HCRR sur la valorisation des droits familiaux dans la période de transition entraînera des pertes de retraites ».
Prenant l’exemple d’une femme née au 1er janvier 1963, l’Institut met en lumière le risque sévère de pertes des droits et rappelle au passage le risque systémique d’un transfert en une fois des droits antérieurs.
Plus encore, le think tank regrette que le gouvernement choisisse de mettre en place une réforme des retraites qui « va fortement relativiser la durée d’assurance », alors que sur ce point les carrières féminines s’améliorent.
Pour les cadres supérieurs, les droits perdus s’avèrent chers à reconstituer
Le rapport Delevoye prévoit que « Le système universel garantira pour tous les assurés un très haut niveau de protection sociale, avec l’acquisition de droits sur la totalité de leurs revenus d’activité (dans la limite de 120 000 € bruts annuels, soit 3 fois le plafond actuel du régime de base de la sécurité sociale). » Au-delà de cette limite, une cotisation déplafonnée de 2,81 %, non contributrice de droits s’appliquera. Pour compenser la perte de droits que cela engendre pour les hauts salaires, le gouvernement s’appuie sur la loi PACTE et les solutions facultatives d’épargne retraite qu’elle a mis en place : les Plan d’épargne retraite (PER).
Pour évaluer les impacts de la réforme sur les droits à retraite des cadres dirigeants, l’IPS a calculé les conséquences d’un remplacement des droits perdus par la souscription d’un PER Individuel avec pour objectif de maintenir le niveau de retraite d’avant la réforme. Il en ressort que les droits perdus s’avèrent très couteux à reconstituer particulièrement pour les jeunes cadres et ceux dont la rémunération est la plus forte.
Par ailleurs, l’Institut souligne que les contraintes de la législation limitent les entreprises qui souhaiteraient intervenir dans la couverture retraite des cadres concernés, par exemple par le biais d’un PER entreprise.
Le régime universel change la nature de la réversion
La pension de réversion correspond à une fraction de la pension principale du conjoint décédé versée au conjoint survivant. Elle vise à garantir au survivant du couple un certain niveau de ressources. Les règles de calcul et les conditions de versement des pensions de réversion varient fortement selon les régimes.
Dans le système universel, la personne survivante conservera 70 % des droits à retraite dont bénéficie le couple, soit la somme des pensions de retraite. Ainsi, le montant de la réversion sera calculé par la différence entre le montant que représentent 70 % des droits du couple et la retraite personnelle de la veuve ou du veuf. La personne devenue veuve conservera donc le même niveau de vie qu’avant le décès de son conjoint. Ce système sera ouvert à compter de 62 ans et réservé aux couples mariés.
L’IPS pointe toutefois un problème : la réforme envisagée entraîne un déficit de couverture pendant de nombreuses années, en raison de l’âge tardif d’ouverture des droits (62 ans). Il est reporté de 7 ans par rapport à la situation actuelle pour les salariés du privé. Or, le rapport Delevoye ne prévoit pas de mesures de compensation pour les personnes veuves avant 62 ans.
La « clause des droits acquis » ou « clause du grand-père »
Depuis la présentation du rapport Delevoye, les débats sur la réforme des retraites vont bon train. Ils ont notamment fait ressortir l’éventualité de mettre en place une « clause du grand-père » ; une mesure qui prévoirait d’appliquer la réforme des retraites aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail. Les personnes déjà actives garderaient leurs droits acquis.
Après étude de la question, l’Institut de la protection sociale constate d’une part que, dans le cadre du mouvement général de simplification de la gestion administrative des payes, cette clause obligerait les entreprises à :
- Faire modifier leurs outils de gestion des payes
- Former leurs salariés en conséquence
- Piloter deux types de salariés dans leur politique salariale, selon les niveaux de salaire
D’autre part, la mise en place de la « clause du grand-père » complexifierait les réformes financières des retraites à venir pour lesquelles il faudra tenir compte des ressortissants de l’ancien régime ou de ceux du nouveau.
Retrouvez toutes les simulations dans le rapport de l'Institut de la protection sociale.