Rapport de l’IGAS sur la complémentaire santé : Il est urgent de ne plus rien faire !

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Le Gouvernement a demandé à l’inspection Générale des Affaires sociales (IGAS) de plancher sur les différents systèmes de complémentaire santé et les aides fiscales et sociales accordées. *

Pas de « raton laveur » dans le rapport de l’IGAS, rendu en avril 2016, qui ressemble pourtant à un Inventaire à la Prévert, tant les dispositifs existants sont disparates.

A chaque catégorie d’assurés, des règles différentes, ce qui démontre une segmentation plutôt qu’une meilleure mutualisation du risque santé, note l’IGAS. Mais c’est surtout l’accumulation de réformes qui nuit à la compréhension des assurés et à la sérénité des entreprises souscriptrices des couvertures santé.

Si elle élabore divers scénarios de refontes des dispositifs et des aides, l’IGAS conseille d’observer préalablement l’impact des différentes réformes lancées avant de bouleverser une fois encore le paysage de la complémentaire santé.

Conclusion du rapport IGAS : Attendre et voir !

Inventaire

Avant même janvier 2016 et l’entrée en vigueur de l’obligation pour les entreprises de droit privé de proposer une couverture santé à leurs salariés, l’IGAS relève que 95 % de la population française déclare bénéficier d’un contrat de complémentaire santé (n’oublions pas que l’état de santé ne peut être un frein à la souscription, puisqu’il n’y a plus de questionnaire médical à remplir pour les garanties santé).

Les organismes assureurs prennent en charge en moyenne 13,4 % de la consommation de soins et de biens médicaux, en complément de la Sécurité sociale, ce qui contribue à diminuer le reste à charge particulièrement en matière de soins de ville, dépenses en optique et dentaire.

Les différents dispositifs d’accès à la complémentaire santé ont permis une atténuation globale du reste à charge, mais de manière inégale et encore imparfaite selon les publics, souligne l’IGAS. 

Et de lister :

  • Réforme des contrats santé responsables (dont, plafonnement des remboursements en optique et des dépassements d’honoraires des médecins non adhérents au contrat d’accès aux soins)
  • Généralisation de la complémentaire santé pour les salariés et panier de soins minimum
  • Réforme des dispositifs de participation financière de l’employeur public pour les fonctionnaires d’état et les territoriaux avec référencement, conventionnement, labellisation (constat de grands écarts dans les aides apportées à l’agent, de 2 € à 104 € versés par l’Etat à ses agents selon les ministères, et de 144 € à 684 € pour les agents des collectivités territoriales
  • Réforme de l’Aide à la Complémentaire Santé (avec l’encadrement et la labellisation des contrats ACS)
  • Réforme du dispositif santé pour certains salariés en CDD ou temps partiels (versement santé)
  • Réforme des conditions de maintien des garanties santé pour les salariés partant en retraite (loi Evin)
  • Lancement des contrats labellisés pour les 65 ans et plus…
  • Et un raton laveur

Faute de recul et de données stabilisées, l’IGAS avance par déduction et alerte sur les conséquences de ces réformes, notamment celle de la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés ayant exacerbé la concurrence sur le marché de la complémentaire santé.

Les craintes de l’IGAS :

  1. Un accroissement de la segmentation, par la mise en place de dispositifs ciblés par population et toujours plus encadrés (salariés, ACS, retraités, …) qui rompt la solidarité entre les groupes
  1. Une baisse des garanties ou hausse des cotisations, car l’IGAS note les résultats techniques déficitaires des contrats collectifs et la concurrence entre organismes complémentaires qui a pu conduire à des sous-évaluations des prix. Selon l’IGAS : « on constaterait une déconnection du prix « réel » du panier de soins, de l’ordre de 24 € à 28 € »

L’IGAS reconnaît également que les nombreuses réformes de ces dernières années ont eu un impact sur la gestion des organismes assureurs et engendré des coûts d’adaptation qui se sont répercutés sur les primes.

Aussi, les mouvements de restructurations du marché s’amplifient, notamment pour les mutuelles, même si le transfert des portefeuilles d’adhésions individuelles vers les contrats collectifs est encore progressif.

Zoom sur les accords de branches en santé

L’IGAS reprend l’analyse de la Direction de la Sécurité sociale sur 46 accords conclus depuis septembre 2015 :

  • Le niveau global de la couverture est supérieur au panier de soins minimum dans la quasi-totalité des cas
  • 63 % des accords prévoient la mise en place d’options facultatives
  • Plus de la moitié des accords ne prévoit pas la couverture des ayants droit: seuls deux accords sur 46 la prévoient à titre obligatoire et un tiers des accords la prévoit à titre facultatif, à la charge exclusive du salarié
  • La participation de l’employeur est de 50 % dans plus de 90 % des cas
  • Le montant mensuel de la cotisation va de 12 € à 56 € pour la couverture obligatoire de base du seul salarié. Le montant moyen de la cotisation forfaitaire est de 33 €
  • Près de 60 % des accords comportent une clause de recommandation, qui ne vise dans 85 % des cas qu’un seul organisme assureur
  • Dans la quasi-totalité des recommandations, la solidarité est financée par un prélèvement de 2 % du montant de la cotisation

Quels avantages fiscaux et sociaux persistent à ce jour ?

En dehors des aides financières attribuées aux personnes en situation financière difficile (CMU-C, ACS), les aides purement fiscales et sociales ne bénéficient pas à toutes les catégories.

Ainsi, les dispositifs santé spécifiques aux fonctionnaires ne leur donnent pas droit à des exonérations. Agriculteurs, étudiants, chômeurs (hors période de portabilité) ne sont pas mieux lotis.

Restent les avantages des salariés et des Professionnels indépendants.

Les salariés ont déjà remarqué que la part payée par leur employeur pour la complémentaire santé d’entreprise était dorénavant ajoutée à leur salaire net imposable (cette contribution patronale n’est plus exonérée d’impôt sur le revenu depuis la loi de finances de 2014). Et pourtant le financement de la complémentaire santé, à hauteur d’au moins 50 % par l’employeur, est devenue obligatoire pour toutes les entreprises du privé depuis le 1er janvier 2016.

Les salariés adhérant à la couverture collective santé d’entreprise, conservent deux avantages :

  1. Au niveau fiscal : la part prélevée sur leur salaire pour financer cette couverture obligatoire est encore déductible du net imposable
  2. Au niveau charges sociales : la part que l’employeur finance n’entre pas dans l’assiette des charges sociales patronales et salariales, sous certaines conditions et limites (en revanche, la part de salaire prélevée sur leur paye pour financer cette couverture santé ne bénéficie pas de l’exonération des charges sociales)

Les Professionnels indépendants, peuvent déduire de leur bénéfice professionnel imposable (BIC ou BNC), ou du traitement de gérance (article 62 du CGI), les cotisations aux contrats complémentaire santé « Madelin », dans certaines limites. En revanche, ils ne bénéficient d’aucune exonération de charges sociales sur ces sommes versées pour leur couverture.

Aux séniors (65 ans et plus), une réforme engagée par la loi de financement de la Sécurité sociale 2016, mais en attente de décret, promet un modeste crédit d’impôt de 1 % sur des contrats labellisés.

Pour tous les assurés en complémentaire santé faut-il saluer un taux minoré de taxe à 7 % sur les contrats santé responsables ou plutôt voir une majoration à 14 % pour ceux qui choisissent une complémentaire santé, ou une sur-complémentaire, ne respectant pas les critères responsables fixés par la règlementation ?

L’IGAS peu enthousiaste sur ses propres scénarios

Ces divers systèmes sont déjà difficilement compréhensibles pour les assurés et l’instabilité de leur cadre est pénalisante pour les entreprises souscriptrices de contrats collectifs.

Aussi, selon l’IGAS : « L’étude de scénarios de refonte conduit à considérer avec la plus grande prudence toute réforme de « remise à plat » globale, dont les effets pervers seraient supérieurs aux gains dans le contexte socio-économique actuel. La stabilisation des réformes afin d’en évaluer et documenter les effets et l’étude d’ajustements, moins ambitieux, afin notamment de limiter les « restes à charge » qui restent importants sur certains segments, paraissent, à ce stade, préférables. »

Il n’en reste pas moins que la suppression des déductions d’impôt sur le revenu pour les salariés et les travailleurs indépendants ou la réforme des plafonds d’exonération de charges sociales font partie des pistes étudiées dans ce rapport remis au Gouvernement. 

* La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, qui a instauré par son article 1 la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés des entreprises du privé, avait indiqué dans son article 2 :
« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 septembre 2014 (...), un rapport sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé ainsi que sur une refonte de la fiscalité appliquée aux contrats. Il réalise également un pont d’étape des négociations de branche en cours.
Cette étude de la refonte de la fiscalité est réalisée au regard de l’objectif fixé de généraliser la couverture complémentaire santé à tous les Français, à l’horizon de 2017 ».

D’où le rapport de l’IGAS demandé par le Gouvernement.

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