Vieillissement, dépendance : quelle place dans le débat politique ?
Alors que le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 est attendu ce soir à l’Assemblée nationale, le sujet du grand âge reprend sa place dans le débat politique. Entre promesses présidentielles inachevées, tensions budgétaires et mutations démographiques, l’accompagnement du vieillissement cristallise les débats et oblige le gouvernement, comme les collectivités, à remettre à plat la structuration de son financement.
Les prises de position de responsables politiques et de professionnels du secteur, rapportées notamment par Le Monde, éclairent les arbitrages en cours, à un moment où l’exécutif cherche à stabiliser un financement durable de la dépendance.
Une réforme attendue, toujours reportée
Emmanuel Macron avait annoncé, en 2018 puis en 2020, une grande « loi » destinée à « répondre aux défis du vieillissement ». Le projet a depuis été abandonné, laissant sans réponse durable la question du financement de la dépendance. Pourtant, le sujet a refait surface ces dernières semaines, dans un contexte porté à la fois par les débats autour du PLFSS 2026, et la réflexion sur la décentralisation que Sébastien Lecornu souhaite présenter début 2026.
Un compromis budgétaire pour tenter d’éviter un rejet
Jeudi dernier, pour rallier une majorité, le gouvernement a ainsi proposé une hausse de la CSG sur certains revenus du capital (de 9,2 % à 10,6 %) dans l’optique de dégager 1,5 milliard d’euros de recettes. Le compromis, conçu pour allier Les Républicains comme les socialistes, prévoyait que cette somme soit affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont le déficit est anticipé à 1,7 milliard d’euros pour 2026.
Une orientation budgétaire qui doit beaucoup au député Horizons Paul Christophe, déjà à l’origine de la création, en 2020, de la cinquième branche de la Sécurité sociale. Avec cette piste, son objectif reste le même : sécuriser une ressource durable pour la dépendance, alors que les besoins progressent et que les budgets locaux s’essoufflent.
Un plan de décentralisation qui ravive des tensions
Parallèlement aux débats budgétaires, le Premier ministre dessine les contours d’une future réforme de décentralisation. Dans un courrier aux présidents de département, il propose de leur confier pleinement «la planification, l’organisation et la responsabilité du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie », ajoutant qu’une part de CSG pourrait leur être transférée, au nom de leur rôle croissant dans les politiques sociales.
D’un côté, certains élus départementaux y voient la seule voie pour préserver leurs finances : « On ne peut plus financer les solidarités et la protection sociale avec les seules recettes issues du marché immobilier ou de la consommation (…) Nous sommes au bout de l’exercice. Aujourd’hui, il nous faut une ressource nouvelle pérenne. Le transfert d’une part de CSG est un impératif », explique par exemple Jean-Luc Gleyze (Président PS en Gironde) dans son entretien au Monde.
Mais cette piste soulève aussi des inquiétudes chez les professionnels du secteur : 18 fédérations de l’aide à domicile ont écrit au Premier ministre pour lui demander de renoncer à un « transfert de compétences » qui pourrait renforcer des disparités territoriales déjà marquées. « Ce qui nous inquiète, c’est d’abord le projet de verser directement aux conseils départementaux une part de CSG qui ne transiterait plus par la CNSA », explique Jean-Pierre Riso, président de la Fnadepa. Marc Bourquin, de la Fédération hospitalière de France, parle d’un risque de « cadeau empoisonné », les départements n’étant « pas en position d’assurer à eux seuls la montée en charge financière (…) qui va exploser à partir de 2030 ».
Le vote des 1,5 milliard d’euros pour la CNSA a néanmoins apporté un peu d’air. En reste que certains acteurs regrettent une décision prise « sans stratégie d’ensemble pour le grand âge » (comme Franck Nataf, président de la Fédésap) là d’autres jugent que « l’évolution exponentielle des besoins nécessitera quoi qu’il arrive une recette dédiée » compte tenu de la situation démographique – explique Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée aux personnes âgées et handicapées.
Un plan 2050 annoncé, mais suspendu à l’issue du vote
En parallèle du débat actuel, Charlotte Parmentier-Lecocq prépare un plan à horizon 2050. Elle dit « souhaiter présenter d’ici début janvier un plan grand âge » mais prévient que ce plan ne pourra voir le jour que si le PLFSS est voté. Son objectif est de dresser une cartographie spécifique des besoins à l’échelle nationale, alors que la part des plus de 60 ans va progresser fortement avec l’arrivée des baby-boomers.
Ce plan entend aussi promouvoir l’habitat partagé comme alternative aux Ehpad, avec 10 000 places financées dans le PLFSS 2026 et un objectif de 110 000 places d’ici à 2030. Sur la question des financements, la ministre annonce l’ouverture d’un débat national pour définir un modèle durable mêlant solidarité nationale et nouvelles ressources. Reste à savoir comment ces dernières seront dégagées.
Et maintenant ?
En attendant, le vote de ce soir conditionnera la trajectoire à venir sur la question des seniors. Le gouvernement cherche une majorité introuvable depuis plusieurs sessions budgétaires, les départements demandent un partage plus clair des responsabilités, et les professionnels du vieillissement attendent une stratégie qui ne se limite pas à des ajustements fiscaux. Qu’il en soit, le PLFSS 2026 aura au moins fait du grand âge un sujet important de la vie politique.