Protection sociale et droit à l’erreur : la bienveillance de l’administration aura ses limites

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Protection sociale et droit à l’erreur : la bienveillance de l’administration aura ses limites

Tout contribuable, assuré social ou chef d’entreprise peut établir une déclaration erronée ou incomplète. Doit-il pour autant être systématiquement sanctionné ? Pour le gouvernement, la réponse est non.

Lundi 27 novembre, le ministre de l’Action et des Comptes publics a présenté en Conseil des ministres le projet de loi « pour un « État au service d’une société de confiance ». Le texte entend simplifier les relations des Français avec l’administration, avec notamment l’objectif suivant : 100 % des procédures dématérialisées à horizon 2022.

Le projet de loi consacre aussi le principe attendu par de nombreux professionnels (lire les propositions de l’Institut de la Protection sociale) du « droit à l’erreur », c’est-à-dire la possibilité pour chaque Français de se tromper dans ses déclarations à l’administration sans risquer une sanction administrative pécuniaire ou une privation de droit à prestation.

L’absence de sanction est rendue possible qu’en cas de première méconnaissance involontaire d’une règle applicable à sa situation et lorsqu’une personne rectifie son erreur de sa propre initiative ou après y a avoir été invitée.

Périmètre du droit à l’erreur

Le droit à l’erreur repose sur un a priori de bonne foi de l’usager ce qui conduit à un renversement de la charge de la preuve. Dans ces conditions, il reviendra à l’administration d’établir, le cas échéant, la mauvaise foi de la personne concernée ou l’existence d’une manœuvre frauduleuse.

Le droit à l’erreur a vocation à s’appliquer à tous les domaines de l’action publique pour lesquels un régime spécifique, comme c’est le cas en matière fiscale par exemple, n’existe pas.

EXEMPLE

Bénédicte est en congé parental et décide de reprendre le travail avant la date prévue. Mais elle oublie de le déclarer à la Caisse d’allocations familiales et continue donc de percevoir l’aide qui lui était versée. La CAF s’en rend compte : Bénédicte devra restituer les sommes versées mais, comme elle est manifestement de bonne foi, elle ne subira pas de pénalités !

Le droit à l’erreur a cependant des limites : il ne s’applique ni aux récidivistes ni aux fraudeurs.

Le droit à l’erreur n’est pas non plus un droit pour couvrir les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits. Ces derniers n’entrent pas dans son champ d’application, précise le gouvernement.

Sont ainsi exclues du champ du droit à l’erreur, par exemple, les obligations relevant de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme lorsqu’elles ne sont pas régularisables.

La bonne foi est par nature exclue pour les erreurs les plus grossières, telles que le défaut de transmission par l’employeur de la déclaration sociale nominative, qui constitue une forme de travail dissimulé.

Par ailleurs, le droit à l’erreur n’est réservé que lorsque :

  • La santé publique, l’environnement ou la sécurité des personnes ou des biens est en cause
  • La sanction pécuniaire applicable est requise pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ou lorsque cette sanction résulte d’une stipulation contractuelle.

A noter que les sanctions prononcées par les autorités de régulations à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle sont également sont exclues du bénéfice du droit à l’erreur.

EXEMPLE

Jennifer vit en concubinage. Elle ne l’a pas déclaré à la CAF pour ne pas voir diminuer son allocation personnalisée au logement. Masquer sa situation familiale relève d’une fraude aux allocations familiales, Jennifer ne pourra donc pas bénéficier du droit à l’erreur.

Avertissements avant sanctions et médiation

Le projet de loi instaure un « droit au contrôle », c’est-à-dire la faculté pour une entreprise de demander à une administration de la contrôler pour s’assurer qu’elle est en conformité et d’en rendre les conclusions opposables, à la manière d’un rescrit.

Il prévoit aussi la possibilité pour les inspecteurs du travail de prononcer, lorsque certains manquements limitativement énumérés sont établis, des avertissements à l’encontre des employeurs contrôlés et non pas des sanctions.

Le projet de loi généralise la médiation dans les URSSAF à la suite d’une expérimentation réussie en Île-de-France et ouvre une phase de test de limitation de la durée de contrôle sur une même entreprise à 9 mois sur 3 années dans les régions Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

EXEMPLE

Une PME agroalimentaire basée en Hauts-de-France a fait l’objet en 2 ans de plusieurs contrôles émanant des douanes, de la DGCCRF, de la DIRECCTE et de l’URSSAF, qui ont duré 7 mois au total. Pendant l’année qui vient, la durée de contrôle dont fera l’objet cette PME ne pourra pas dépasser 2 mois.

Généralisation du rescrit

Très utilisé dans l’administration fiscale (près de 18 000 rescrits réalisés en 2016), la procédure de rescrit sera étendue à d’autres administrations. Il permet de poser une question à l’administration sur un cas précis et de se prévaloir de sa réponse. A noter que le rescrit social auprès des URSSAF et d’autres organismes existe aussi depuis plus d’une dizaine d’années. Etendue en 2016, le rescrit social peut porter sur l’ensemble de la législation relative aux cotisations et contributions de Sécurité sociale.

Il sera aussi expérimentée la possibilité pour le demandeur de pré-rédiger lui-même une prise de position formelle – l’administration aura alors 3 mois pour répondre.

Enfin, à titre expérimental toujours, un « rescrit juridictionnel » sera mis en place dans le cadre d’opérations complexes. Un juge administratif pourra être sollicité afin d’évaluer la régularité d’une procédure d’adoption d’une décision et empêcher ainsi toute contestation à l’avenir sur ce fondement.

EXEMPLE

Delphine souhaite faire appel à un jardinier pour entretenir la propriété de sa mère, qui avec l’âge se déplace plus difficilement. Elle aimerait confier ce travail à un auto-entrepreneur et le rémunérer avec des chèques emplois services universels (CESU) qui ouvre droit à des avantages fiscaux, mais n’est pas sûre d’avoir le droit de le faire. Elle pose la question à l’Urssaf qui lui répond positivement par un rescrit. Le jour d’un contrôle, Delphine pourra opposer ce document à l’administration.

Réclamation des sommes indues

Les bénéficiaires des prestations sociales pourront rectifier une information leur permettant de justifier le paiement des indus réclamés. Lorsqu’un organisme de Sécurité sociale estime qu’une prestation sociale aurait été versée indument, il devra désormais en avertir le bénéficiaire afin de laisser à ce dernier le temps de rectifier les informations susceptibles de caractériser l’indu plutôt que d’en exiger le paiement immédiat.

EXEMPLE

Les parents d’Estelle perçoivent des allocations familiales. En septembre dernier, lorsqu’Estelle est partie s’installer à 300 km pour ses études, ils ont oublié de le déclarer à la CAF. Début décembre, ils reçoivent un courrier leur notifiant qu’ils doivent restituer 6 mois de prestations indues alourdies de pénalités, alors qu’Estelle n’est partie que depuis 3 mois… Avec cette loi, ils pourront faire rectifier le calcul des sommes réclamées si l’administration s’est trompée et rembourser les trop perçus sans payer de pénalités !

Transparence de la doctrine administrative

Le projet de loi prévoit la diffusion par Internet de toutes les instructions et interprétations produites par l’administration, à l’image du Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFiP-Impôts).

Toute personne pourra s’en prévaloir - sauf si les instructions et interprétations ont un impact sur les tiers. Elles deviendront opposables à l’administration, ce qui impose donc une mise à jour permanente.

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