Primauté des accords de branche sur les accords d’entreprise : rien n’est gagné en protection sociale

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Primauté des accords de branche sur les accords d’entreprise : rien n’est gagné en protection sociale

Aurait-on finalement la possibilité de déroger aux accords de branche en concluant des accords d’entreprises moins favorables aux salariés en matière de prévoyance-santé collective ?
L’idée est loin d’être saugrenue si l’on fait une lecture stricte de l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective du 22 septembre 2017.

Comme Previssima l’indiquait dans son article du 12 octobre, le nouveau texte du Code du travail précise que l’accord de branche portant sur des garanties collectives complémentaires de protection sociale mentionnées à l’article L.912-1 du Code de la Sécurité sociale prévaut sur l’accord d’entreprise.

Le problème est que l’article en question ne vise que les garanties faisant l’objet d’une recommandation d’organisme assureur par les partenaires sociaux et présentant un degré élevé de solidarité.

Peut-on déroger aux accords de branche avec ou sans recommandations ?

De là à conclure que les entreprises peuvent dans les autres cas, c’est-à-dire en l’absence de recommandations d’organismes assureurs, déroger à des accords de branche par des conventions d’entreprise moins favorables aux salariés, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir.

Cette approche est pourtant très loin de celle retenue par la Place lors de la préparation puis de l’adoption de l’ordonnance. A l’époque, il n’était pas question d’établir une quelconque distinction entre les accords avec recommandation ou non, c’était bien toute la protection sociale collective définie par les branches professionnelles qui l’emportait sur les accords d’entreprise.

Mais si tel était le cas, le Code du travail aurait dû faire mention des articles généraux sur les garanties collectives de protection sociale complémentaire, c’est-à-dire, plus précisément, renvoyer aux articles L. 911-1 et L. 911-2 du Code de la Sécurité sociale, mettent en avant certains juristes et non au L.912-1 du même Code.

S’agit-il d’un « loupé » ou bien d’une mesure parfaitement maîtrisée de la part des pouvoirs publics ? Les juristes auront le loisir de s’affronter sur la question.

« Plusieurs interprétations sont possibles à ce stade, ajoute Florence Duprat-Cerri, avocat counsel chez CMS Bureau Francis Lefebvre, mais pour l’heure, il est vrai qu’une lecture stricte du texte pourrait laisser penser que seuls les accords de branche assortis d’une clause de recommandation prévalent sur les accords d’entreprise. Néanmoins, Il convient de rester prudent », poursuit l’avocate en sachant que le cabinet devrait livrer sa doctrine sur la question début novembre.

D’autres avocats sur la Place vont plus loin et estiment que : en ne visant que l’article L.912-1, l’impossibilité de déroger aux accords de branche serait ainsi limité au degré élevé de solidarité (aux garanties d’actions sociales).

Dès lors, les employeurs pourraient, par accord d’entreprise, déroger à toutes les garanties d’assurance prévues à l’accord de branche dans un sens plus défavorable aux salariés, que ces accords aient fait ou non l’objet d’une recommandation d’organismes assureurs.

Nul doute que cette vision ne sera pas partagée par tous.

Un nouveau problème de garanties équivalentes.

L’autre principal sujet qui embarrasse les professionnels a trait au niveau des garanties. Le Code du travail prévoit en effet que les conventions d'entreprise peuvent être maintenues à condition qu’elles assurent aux salariés des garanties au moins équivalentes à celles des accords de branche.

Compte tenu des difficultés rencontrées dans un tout autre domaine, celui de l’assurance emprunteur, sur la notion de l’équivalence des garanties, le gouvernement et le législateur auraient été bien inspirés de définir ce qu’ils entendent par garanties équivalentes. Le débat a déjà commencé sur la Place et il n’est pas prêt de se finir.

Attention aux interprétation hâtives

Dès lors, que faire dans la situation actuelle ? En l’absence d’accords de branche sans recommandation, certains DRH pourraient-ils être tentés de déroger en souscrivant pour leurs salariés des garanties à la baisse ?
En pratique, cela sera difficile des résistances des représentants du personnel qui ne manqueront pas de se lever.
Mieux vaut s’abstenir dans un premier temps pensent plusieurs avocats car il n’y a aucune certitude sur l’interprétation des tribunaux.

Alors qu’une partie des organismes assureurs et des directions des ressources humaines sont inquiets, pour l’heure, les juristes se penchent sur les débats parlementaires et les rapports à l’Exécutif pour bien comprendre « l’esprit de la loi ».

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