Prévoyance obligatoire des cadres : la non-assurance peut coûter très cher à l’entreprise

Malgré la sévérité des sanctions applicables, certaines entreprises ne sont toujours pas en règle avec la couverture obligatoire des cadres, également appelée « 1,50 % patronal » issue de la convention collective nationale de retraite et prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (1).
Qu’est que le 1,50 % patronal ?
La convention de 1947 impose aux entreprises qui emploient des cadres ou assimilés cadres (articles 4 et 4 bis de la convention) ainsi que, sous conditions, aux VRP relevant du régime AGIRC (régime de retraite complémentaire des cadres), de verser une cotisation patronale affectée par priorité à la couverture décès.
La convention ne prévoit pas de niveaux de garanties minimales, mais seulement un taux de cotisation dont le montant est fixé à 1,50 % de la tranche A, correspondant au plafond de la Sécurité sociale (39 732 euros en 2018).
En pratique, plus de la moitié de la cotisation obligatoire de 1,50 % doit être consacrée à la couverture du risque décès, soit une cotisation au minimum de 0,76 % de la tranche A, le surplus servant à des couvertures arrêts de travail (incapacité, invalidité), dépendance, voire santé.
La contribution doit, quant à elle, être versée à un organisme d'assurance.
L’obligation est considérée comme respectée lorsque la totalité des cotisations versées au régime de prévoyance par l'employeur est au moins égal à 1,50 % de la tranche A des salaires, soit 49,66 euros par mois en 2018, peu importe la façon dont ces cotisations sont ventilées entre les différentes tranches de salaire.
Attention : lorsque l’entreprise décide d’assurer la garantie maintien de salaire dans le cadre de la règle de mensualisation, les primes versées à l’organisme assureurs ne sont pas prises en compte pour le respect de l’obligation du « 1,50 % patronal » (la garantie maintien de salaire n'ayant pas la nature juridique d'une garantie de protection sociale complémentaire).
Non-respect du 1,50 % patronal : des sanctions lourdes
Les employeurs qui, lors du décès d’un salarié cadre ou assimilé, n’ont pas respectés l’obligation du « 1,50 % patronal », sont tenus de verser aux ayants droit du salarié décédé une somme équivalente à trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale en vigueur lors du décès (soit 119 196 euros en 2018).
La Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 24 avril 1997, que cette somme versée aux bénéficiaires doit être soumise aux cotisations de sécurité sociale, ce qui porte la somme à débourser par l’entreprise aux environ de 221 000 euros, si l’on rajoute les charges patronales et les charges salariales.
Cette somme conséquente peut vite déséquilibrer les comptes d’une TPE/PME et mettre en péril la poursuite de son activité.
On notera que cette somme versée aux ayants droit du salarié ne provient d’un contrat d’assurance et pourra être soumise aux droits de succession.
Par ailleurs, cette somme versée aux ayants droit du salarié ne provient d’un contrat d’assurance et pourra être soumise aux droits de succession.
On notera aussi que la responsabilité de l’expert-comptable peut être recherchée (lire encadré).
Responsabilité de l'expert-comptable à l'égard du 1,50 % patronal
« (…) Mais attendu que l'arrêt retient qu'il est manifeste que le défaut de mise en garde de l'employeur par son expert-comptable sur les conséquences du défaut d'affiliation obligatoire d'un cadre à un organisme de prévoyance constitue un manquement à l'obligation générale de conseil à laquelle les experts-comptables sont soumis à l'égard de leurs clients ; qu'il résulte de la lettre de mission du (…) a été chargée de l'établissement de la paye et des charges sociales jusqu'au 31 décembre 2002 ; que, contrairement à ce qu'elle prétend, sa responsabilité est recherchée précisément sur cette période puisque l'embauche (du salarié)... a été effective au 1er septembre 2002 et qu'il lui appartenait à ce titre de vérifier l'affiliation obligatoire à compter de cette date et dans le cadre de la présentation des comptes annuels pour l'année 2002 de vérifier les cotisations sociales et leur montant (…). »
Cour de cassation, chambre civile 2, mercredi 12 mai 2010, N° de pourvoi: 09-13496
Quel avenir pour le 1,50 % patronal ?
L’accord du 30 octobre 2015, qui a débouché sur la fusion des régimes AGIRC et ARCCO a prévu de définir les principaux éléments permettant de caractériser l’encadrement, notamment technique et managérial, et de revoir le dispositif de prévoyance des cadres en pérennisant le taux de cotisation de 1,50 %.
Il précise que les organisations syndicales et patronales de branche doivent définir, par accord collectif conclu à leur niveau, l’affectation de la cotisation de 1,5 % qui pourrait financer des garanties telles que le décès, l’incapacité ou l’invalidité, mais également d’autres garanties collectives que les partenaires sociaux de la branche jugeraient utiles.
Rien n’est précisé quant à la modification ou non des sanctions. Le texte indique cependant qu’à défaut d’accord global sur l’encadrement, les entreprises devront continuer d’appliquer le chapitre de la convention de 1947 relatif à la prévoyance des cadres (donc avec les sanctions).
Conclusion : mieux vaut conseiller aux entreprises d’être en règle.
(1) La convention de 1947 a été révisée par l’accord du 17 novembre 2017 instaurant la fusion des régimes AGIRC/ARRCO à compter du 1er janvier 2019).