Pour l’Institut de la protection sociale (IPS), plusieurs grands thèmes de protection sociale sont absents du débat présidentiel

À l’approche de l’élection présidentielle, l’Institut de la protection sociale (IPS) s’est penché sur les propositions des différents candidats en matière de protection sociale. L’objectif ? Examiner s’il existe un débat argumenté entre les candidats sur les réformes clés de la protection sociale, ou bien si au contraire, les thèmes importants sont oubliés.
Pour procéder à cette étude, le think tank spécialisé en protection sociale identifie six grands thèmes, dans lesquels sont évaluées les principales propositions des candidats :
- La retraite ;
- La santé ;
- La dépendance ;
- La prévoyance ;
- Le financement ;
- La protection sociale des indépendants.
Les résultats sont « des plus instructifs » : l’IPS déclare que la campagne présidentielle « escamote une partie des problèmes de notre système de protection sociale ». Zoom sur cette analyse.
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Des propositions insuffisantes en matière de pension de réversion
Sur le sujet de la retraite, l’IPS estime qu’il est nécessaire de reporter l’âge de départ d’au moins 2 ans et de maintenir le pouvoir d’achat des retraites, et reconnaît que ces mesures sont plutôt prises en considération par la plupart des candidats.
Le think tank regrette en revanche que la retraite des femmes ne soit pas un sujet prioritaire dans la campagne présidentielle actuelle. Seules deux mesures émergent parmi les candidats daignant s’exprimer sur le sujet :
- La réinstauration de la demi-part fiscale pour les veufs et les veuves ;
- L’augmentation de la réversion du régime de base.
Ainsi, « les principales pistes d’une modernisation de la réversion – dont les femmes sont les principales bénéficiaires – sont totalement oubliées » :
- L’ouverture aux couples pacsés de l’accès à la réversion ;
- La libéralisation du partage des droits de l’assuré au profit du conjoint survivant ;
- L’harmonisation des situations entre les différents régimes au regard des conditions de ressources.
Soins et hôpital : l’IPS suggère des pistes d’amélioration
Sur ce sujet, l’IPS a un avis mitigé.
La crise sanitaire a permis de mettre en évidence les dysfonctionnements anciens de notre système hospitalier. À cet égard, des mesures sont proposées par les candidats pour augmenter les moyens de l’hôpital. Mais ces dernières, pour l’IPS, « s’attaquent plus aux symptômes qu’aux véritables causes des problèmes ». Ainsi, certaines actions essentielles, qui permettraient de réformer en profondeur l’hôpital, n’apparaissent pas dans les programmes, parmi lesquelles :
- Revenir aux 39 h avec une forte augmentation de salaire pour le personnel l’acceptant ;
- Remettre en cause le principe de précaution, qui entraîne de nombreux effets pervers, liés à une volonté de surprotection permanente ;
- Valoriser les pratiques vertueuses pour ne plus rembourser les actes médicaux inutiles dont on estime qu’ils représentent 30 % de l’ensemble des actes.
Par ailleurs, les candidats proposent dans leur majorité des mesures pour améliorer la santé des Français en traitant le problème à la source. Pour autant, l’IPS relève que les complémentaires santé (mutuelles, institutions de prévoyance, assureurs), qui ont pourtant montré jusqu’alors une réactivité bien plus grande que l’État en termes d’action de prévention santé, sont écartées des propositions de réforme des candidats.
Des progrès sur le thème de la dépendance
L’IPS relève que les candidats ont, à juste titre, bien conscience de la nécessité de mettre en place une politique sérieuse de prise en charge de la dépendance. En attestent les multiples propositions relatives à ce sujet dans les programmes. Surtout, une majorité des candidats a émis des propositions sur l’accompagnement des aidants, ce qui est un « véritable progrès » pour le think tank.
L’IPS regrette toutefois qu’il n’y ait pas de mesures financières propres à financer sérieusement le risque de la dépendance.
Prévoyance : les salariés non-cadres, éternels oubliés
L’IPS estime qu’il serait de bonne augure de supprimer les discriminations entre les cadres et les non-cadres en matière de prévoyance. Les salariés non-cadres sont en effet moins bien indemnisés en cas d’arrêt de travail ou de décès : leurs prestations s’avèrent en moyenne entre deux à trois fois moins bonnes que celles des cadres. Cette question, essentielle, est totalement absente du débat entre les candidats.
Le financement de la protection sociale, sujet peu abordé
L’IPS relève que les candidats abordent peu le sujet du financement de la protection sociale, alors que ce dernier devrait être modernisé : « notre dette sociale n’a pas cessé d’augmenter et le déséquilibre des comptes sociaux s’avère toujours plus structurel ». Cette question est « l’une des grandes absentes du débat présidentiel ».
Par ailleurs, l’IPS estime qu’il faudrait revoir la cohérence entre les prélèvements d’assurance et de solidarité, pour que le système de financement de la protection sociale soit simple à comprendre pour chacun. Or, le problème n’est même pas évoqué par l’un des candidats. L’IPS suggère de réorganiser le système selon les principes suivants :
- Revenus de remplacement (prévoyance et retraite) : cohérence absolue entre l’assiette de calcul des prestations et celle des cotisations ;
- Revenus de solidarité au titre de la retraite et de la prévoyance : prélèvements fiscaux ou parafiscaux ;
- Droits généraux (famille et santé) : prélèvements fiscaux ou parafiscaux.
Des mesures à prévoir pour les indépendants
L’analyse se termine sur le sujet des indépendants. Pour l’IPS, une discrimination existe envers les indépendants, car ces derniers, en cas d’arrêt de travail, sont moins bien traités que les salariés. Si les indépendants ont la possibilité de souscrire des contrats Madelin pour se protéger en cas d’arrêt de travail, et qu’ils bénéficient, à ce titre, d’une déduction fiscale de leurs cotisations versées, l’Institut estime qu’il n’est pas cohérent que les cotisations Madelin ne soient pas déductibles de la base de calcul des charges sociales, alors que le montant des indemnités journalières est quant à lui réintégré dans la base de calcul des cotisations sociales. Injuste, cette situation devrait être revue, mais aucun candidat ne s’est emparé de la question.
Par ailleurs, l’IPS relève deux sujets majeurs qui ne sont toujours pas réglés en matière de protection sociale des indépendants :
- La liberté de choix du statut social pour les dirigeants de SAS (société par actions simplifiée) ;
- La différence de traitement des dividendes au détriment des gérants de SARL.
L’IPS regrette que les candidats n’aient pas pris position sur ces sujets importants pour les entrepreneurs.