Portage salarial à l’étranger : un schéma d’évasion fiscale dans le viseur de l’administration fiscale

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Portage salarial à l’étranger : un schéma d’évasion fiscale dans le viseur de l’administration fiscale

L’administration fiscale française poursuit son offensive contre les montages fiscaux visant à éviter l’impôt sur le revenu.

Dans une mise à jour de sa « carte des pratiques et montages abusifs », un nouveau schéma - déjà bien connu des services de contrôle - a fait son apparition : celui du portage salarial international, utilisé pour dissimuler des revenus professionnels imposables en France.

Un mécanisme de portage pratique pour éluder l’impôt

Le principe de ce montage est simple : un contribuable résidant en France crée (ou rejoint) une société à l’étranger, souvent dans un État à faible fiscalité. Cette société facture ensuite, à des clients français, les prestations exécutées en France par ledit contribuable. En contrepartie, la société étrangère verse à l’intéressé un salaire, déclaré comme revenu de source étrangère.

Sur le papier, le contribuable est (ou devient) salarié d’une société étrangère. En pratique, il continue d’exercer la même activité qu’auparavant, pour les mêmes clients français, le tout sous couvert d’un faux lien de subordination avec une entreprise étrangère. Un montage qui permet de dissimuler la nature réelle de la relation économique, et de réduire drastiquement la charge fiscale et sociale en France.

L’article 155 A du Code général des impôts, un garde-fou anti-fraude

Toutefois, ce type de montage tombe sous le coup de l’article 155 A, I du Code général des impôts, conçu pour neutraliser les dispositifs d’interposition de sociétés étrangères à des fins d’évasion fiscale. Le texte prévoit que lorsque des revenus sont perçus par une structure étrangère, mais correspondent en réalité à des services rendus personnellement par un contribuable et résident français, lesdits revenus doivent être imposés entre les mains du contribuable, comme s’il les avait perçus directement.

Autrement dit, l’administration considère que la société étrangère n’a aucune existence économique propre et n’assure qu’un rôle administratif -facturation, gestion de contrats, transferts de fonds- sans participation réelle à la prestation de services. Dans ce cas, les sommes encaissées par la société étrangère sont réattribuées fiscalement au prestataire français, qui est réputé comme les ayant perçues à titre personnel dans le cadre d’une activité indépendante.

Une requalification des revenus et des sanctions lourdes

Les revenus dissimulés par ce biais sont donc réintégrés dans la base imposable du contribuable français, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) lorsqu’il s’agit d’une activité libérale. L’administration procède alors à un redressement intégral : rappel d’impôt sur le revenu, suppression des crédits d’impôt indûment obtenus et application d’un intérêt de retard, assorti d’une majoration pouvant atteindre 80 % pour manœuvres frauduleuses…

Et les conséquences ne s’arrêtent pas là : les sociétés françaises qui ont accepté ces « factures de complaisance » émises par les entreprises étrangères peuvent elles aussi être sanctionnées. En vertu de l’article 1737, I du CGI, elles s’exposent à une amende équivalente à 50 % des montants facturés, lorsqu’il est établi qu’elles ont sciemment participé au montage d’évasion fiscale.

Des effets collatéraux sur le plan social

Au-delà du problème même de la fraude fiscale, ce type de dispositif a également des effets sur le plan social : en se présentant comme salarié d’une société étrangère, le prestataire échappe aux cotisations sociales dues au titre de son activité indépendante en France, tout en continuant à bénéficier du régime social français. Des situations qui créent un déséquilibre de l’équité devant les impôts et du financement de la protection sociale. Elles sont donc désormais signalées par l’administration fiscale aux organismes de sécurité sociale partenaires, afin de permettre un traitement coordonné des fraudes.

Une vigilance renforcée de l’administration fiscale

Le fait d’avoir ajouté ce schéma d’évasion fiscale à la cartographie publique des montages abusifs illustre la volonté de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) de renforcer l’obligation de transparence auprès des contribuables et des professionnels du conseil, et de dissuader l’utilisation de ces manœuvres frauduleuses.

En matière de portage salarial international, la DGFiP rappelle donc que le critère déterminant reste la réalité de l’activité exercée et la réalité des revenus perçus. Toute dissimulation volontaire de cette réalité expose le contribuable à une requalification fiscale, à des pénalités lourdes et, dans les cas les plus graves, à des poursuites pénales pour fraude.

Pour consulter la présentation complète du dispositif et des schémas recensés : Ministère de l’Économie et des Finances, « Carte des pratiques et montages abusifs », Direction générale des finances publiques, 2025.

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