Perte d’autonomie : un contrat d’assurance dépendance solidaire pourrait voir le jour !

Alors que l’hypothèse de la piste assurantielle dans le cadre du financement de la dépendance a émergé il y a déjà quelques années, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a relancé les débats à travers une recommandation publiée le 24 janvier dernier.
Le Comité plaide pour la mise en œuvre d’une assurance dépendance solidaire. Une idée déjà portée par France assureurs (ex-FFA) et la Mutualité française, et qui se heurtait jusqu’ici aux réticences d’une partie des partenaires sociaux. Le point dans cet article !
La dépendance est un phénomène d’ampleur
Selon l’INSEE, si les prévisions se confirment, la France compterait 4 millions de personnes âgées dépendantes en 2050, soit 16,4 % des séniors de 60 ans ou plus (contre 15,3 % en 2015). Quant aux personnes en situation de grande perte d’autonomie, elles représenteraient alors 4,3 % de la population des 60 ans ou plus (contre 3,7 % en 2015).
Le rapport Libault de 2019 sur la concertation Grand âge et autonomie estime qu'en France, les dépenses liées à la perte d’autonomie des personnes âgées à 30 milliards d’euros. Le rapport Libault évalue le besoin de financement annuel additionnel à environ 10 milliards d’euros à horizon 2030.
Une prise en charge de la dépendance complexe et insuffisante
Dans son avis, le CCSF point du doigt la problématique du financement de la perte d’autonomie. Selon le comité, l’État a mis au point un ensemble de dispositifs permettant de réduire le coût financier de la dépendance et de prendre en charge les personnes. Il s’agit pour l’essentiel de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui peut servir à financer, tout ou partie des dépenses nécessaires au maintien de la personne âgée dépendante à son domicile (adaptation du logement) ou à couvrir une partie du coût de l’hébergement en Ehpad.
Pour bénéficier de cette aide, il faut présenter un degré de perte d’autonomie évalué selon les Groupes Iso-Ressources (GIR) déterminés dans la grille nationale AGGIR, compris entre GIR 1 et GIR 4. Le montant de l’APA est modulé en fonction des revenus.
Fin 2020, 1,3 million de personnes de 60 ans ou plus percevaient l’APA. En décembre 2020, plus d’un tiers des personnes âgées de 85 ans ou plus en bénéficient.
Le nombre de personnes bénéficiaires de l’APA est amené à augmenter au cours des prochaines années.
Quant aux autres aides telles que l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’aide-ménagère ou l’aide au repas, elles sont attribuées sous conditions de ressources (inférieures à 1 000 € par mois pour une personne seule).
Perte d’autonomie : un reste à charge élevé pour les ménages
L’âge moyen de survenance de la dépendance totale est aux alentours de 78 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes. Pour les dépendants lourds, c’est-à-dire avec une dépendance totale (Groupe Iso-Ressource-GIR 1 ou GIR 2), la durée moyenne de perception de l’APA est de 3 ans.
Selon une étude de la DREES, le reste à charge pour les personnes en établissement, non pris en charge par l’allocation ou par les aides, est de 1 957 € par mois, ce qui dépasse souvent les ressources des personnes concernées par la dépendance.
Ce reste à charge représente près de 120 % de la pension moyenne brute tous régimes confondus (2021) et près de 90 % du salaire net médian brut (2023).
Les contrats d’assurance dépendance actuels chers et peu souscrits
S’il existe des contrats spécifiques d’assurance dépendance sur le marché, le Comité indique que ces contrats sont peu et tardivement souscrits (âge moyen de souscription 62 ans), ce qui ne permet ni une mutualisation du risque (et donc des coûts), ni d’offrir des couvertures suffisantes pour répondre aux attentes des assurés.
Sur le marché, on trouve principalement des contrats spécifiques dépendance (54 % des garanties dépendance) offrant des garanties viagères avec une prime moyenne élevée mais également des garanties dépendance annuelles incluses dans d’autres contrats dont notamment des contrats santé (23 %).
Face à ce constat, le Comité appelle à travailler à une solution plus large de financement de la dépendance par d’autres moyens, à travers notamment la mise en œuvre d’un contrat d’assurance dépendance solidaire.
Une assurance dépendance obligatoire et universelle
Afin d’apporter une réponse durable et efficace aux difficultés rencontrées par les familles dans le cadre de la prise en charge de la dépendance totale, le Comité consultatif du secteur financier recommande la mise en œuvre d’un contrat dépendance obligatoire.
Ce contrat reposerait sur la mutualisation la plus large pour en limiter le coût pour les personnes assurées, et sur un système de supervision confié à une instance collégiale réunissant les partenaires sociaux, les associations, l’État et les professionnels.
Ce dispositif devra intégrer les obligations qui pourront être éventuellement formulées par l’Autorité de la Concurrence, repose sur 3 piliers :
- Le Contrat dépendance solidaire présenterait les caractéristiques suivantes :
- Un contrat d’assurance obligatoire, adossé automatiquement aux contrats complémentaire santé responsables individuels et collectifs. Cet adossement automatique permettrait une prise en charge immédiate des personnes totalement dépendantes sans période de carence,
- Les mêmes garanties pour tous et une grille tarifaire unique : ce contrat dépendance obligatoire assurerait le service d’une rente en cas de dépendance totale (GIR 1 et GIR 2) et ce, quel que soit l’âge de l’assuré et dès la première année de souscription,
- Une mise en œuvre simplifiée : la mise en œuvre de la garantie dépendance proposée serait déterminée en fonction des critères objectifs de la grille AGGIR : dès lors que l’assuré reçoit l’APA au titre d’un GIR 1 ou 2,
- Des tarifs transparents et à la portée de tous : l’âge de démarrage de paiement des cotisations tel qu’il sera défini dans le dispositif final déterminera le niveau de la cotisation : plus la mutualisation est large, plus la cotisation est limitée,
- Le pilotage du risque dépendance propre à garantir la pérennité du système : le pool d’assureurs serait le porteur du risque a priori par le biais d’un mécanisme de coassurance. Le pool verserait les rentes et effectuerait le pilotage de long terme du risque en coordination notamment avec les pouvoirs publics : partage des statistiques, suivi, évolution de la grille AGGIR…
- Une gouvernance collégiale en charge de la mise en œuvre et de la supervision de ce contrat : le Comité recommande que la mise en œuvre et la supervision du Contrat Dépendance Solidaire soient confiées à une instance collégiale regroupant les partenaires sociaux, des représentant d’associations, des représentants de l’État et des professionnels de l’assurance ;
- Un pool d’organismes assureurs, opérateurs industriels, assurant la bonne exécution de l’ensemble du dispositif.
Cette publication du CCSF pourrait marquer un tournant, dans un contexte où des réflexions sur le financement de la perte d’autonomie devraient s'ouvrir dans le cadre d'une future loi de programmation sur le grand âge.