Perte d’autonomie : près de 4 millions de personnes seront dépendantes en 2050 (étude INSEE)

De nouvelles données issues d’une étude INSEE-DREES, publiées jeudi 25 juillet 2019, évaluent à 4 millions le nombre de personnes qui seront en perte d’autonomie en 2050 et à 3 millions celles qui le seront en 2027. Ces prévisions sont presque deux fois plus importantes que celles retenues par le rapport Libault sur la dépendance remis le 28 mars dernier à la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn.

Des perspectives démographiques qui posent la question du financement de la dépendance.

En 2015, en tenant compte de la population à domicile et en établissement, le nombre de personnes dépendantes s’élevait à 2,5 millions de personnes, soit 15,3 % des plus de 60 ans. Parmi elles, 700 000 personnes pouvaient être considérées en perte d’autonomie sévère.

Si les tendances démographiques et l’amélioration de l’état de santé se poursuivent, 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie en 2050, soit 16,4 % des seniors. La projection de l’INSEE vise à illustrer les choix politiques qui devront être fait, dans les années à venir : ouvrir massivement des places en EHPAD ou modifier le partage de la prise en charge entre domicile et établissement ; une évolution qui rejoindrait l’objectif affiché des pouvoirs publics de favoriser le maintien à domicile.

Les régions touchées par la perte d’autonomie : le Massif central, les DOM

Les chiffres de la récente étude de l’INSEE se basent sur les taux de prévalence de la perte d’autonomie, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de personnes en perte d’autonomie et le nombre de seniors. L’étude révèle que ces taux sont particulièrement élevés dans les départements du Massif central, où la population des seniors est plus âgée, et dans les départements du Nord :

• 20,9 % des personnes sont en perte d’autonomie dans la Creuse
• 19,3 % sont en perte d’autonomie dans le Cantal
• 19,1 % sont en perte d’autonomie en Lozère
• 18,8 % sont en perte d’autonomie dans le Pas-de-Calais
• 17,9 % sont en perte d’autonomie dans l’Aisne
• 17,3 % sont en perte d’autonomie dans le Nord

Ils sont également supérieurs à la moyenne dans les DOM avec 19,1 % des seniors en perte d’autonomie (jusqu’à 20,6 % en Guadeloupe), alors même que les seniors y sont plus jeunes qu’en France métropolitaine. Le pourcentage de perte d’autonomie est le plus élevé en Guyane, avec 22,3 %, alors que la population y est aussi âgée que la moyenne française.

À l’inverse, les taux de prévalence sont inférieurs à la moyenne nationale en Île-de-France et dans les départements de l’Ouest.

Projections de la perte d’autonomie en 2050

Selon les projections de l’INSEE, la France (hors Mayotte) comptera 4 millions de seniors en perte d’autonomie en 2050, soit 16,4 % des personnes de plus de 60 ans (contre 15,3 % en 215). Les personnes en perte d’autonomie représenteront alors 4,3 % de la population des seniors (contre 3,7 % en 2015).

D’ici 2050, le pourcentage de personne en perte d’autonomie évoluerait en deux phases :

• De 2015 à 2027, il diminuerait légèrement de 15,3 % à 14,8 % notamment du fait de l’arrivée des baby boomers dans les âges seniors qui contribueraient à rajeunir globalement cette population.
• À partir de 2027, le pourcentage national augmenterait, passant de 14,8 % à 16,4 % en 2050 avec l’arrivée des baby boomers aux grands âges ; l’amélioration de l’état de santé moyen à chaque âge ne compensant plus

Répartition entre domicile et établissement

En 2015, 8,8 % des individus de 75 ans et plus vivent en institution. Ces taux sont plus faibles en Corse et dans les DOM ; ces régions bénéficiant d’une offre de places plus faible que la moyenne nationale.

Si l’on suit les projections de l’INSEE, d’ici 2050, en considérant que la répartition de la prise en charge entre domicile et établissement reste la même, pour un âge et un degré de perte d’autonomie donnés dans les départements, le nombre de personnes hébergées de façon permanente en établissement, qui est d’environ 600 000 en 2015, s’accroîtrait :

• De 0,8 % par an en moyenne jusqu’en 2021
• Entre 1,5 % et 2,0 % par an de 2023 à 2040
• Il dépasserait les 700 000 en 2030, soit + 20 %,
• Il s’élèverait à 900 000 en 2045, soit une augmentation de plus de 50 % entre 2015 et 2045

Remise en question du rapport Libault et réforme dépendance

Publié le 28 mars dernier, le rapport Libault faisait mention de projections qui s’appuyaient sur le nombre de bénéficiaire de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et qui prévoyaient qu’entre 2015 et 2030 :

• Le nombre de personnes dépendantes augmenterait d’environ 200 000, soit + 15 %, selon le scénario bas
• De 320 000 personnes, soit + 25 %, selon le scénario intermédiaire
• De 410 000 personnes, soit + 33 %, selon le scénario haut

Le scénario intermédiaire avait été retenu, dans lequel le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie passerait de 1 265 000 personnes en 2015, à 1 582 000 en 2030 et à 2 235 000 en 2050.

Basé sur ces chiffres, le rapport formulait 175 propositions censées alimentées le projet de loi sur la dépendance, attendu pour la fin de l’année. Il évaluait à 9,2 Milliards d’euros le besoin de financement supplémentaire pour la prise en charge de la dépendance à l’horizon 2030… Les nouvelles estimations de l’INSEE remettent-elles en cause ces prévisions sous-estimées ?