Obligation d’aménagement raisonnable du poste de travail des salariés handicapés : un principe méconnu

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Obligation d’aménagement raisonnable du poste de travail des salariés handicapés : un principe méconnu
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La discrimination à l’emploi à l’égard des personnes handicapées semble être une réalité : un taux de chômage s’élevant à 19 %, deux fois donc supérieur à celui de l’ensemble de la population, un taux de retour à l’emploi plus faible, etc.

Actuellement, 37 % des requêtes relatives au handicap adressées au Défenseur des droits concernent l’emploi.

Outre le principe d’obligation d’emploi d’un quota de travailleurs handicapés, il existe la notion d’aménagement raisonnable du poste de travail d’un salarié handicapé. Pourtant fixée par décret, elle est peu connue des employeurs.

Et donc indubitablement, dans la majorité des cas, cette obligation d’aménagement raisonnable des employeurs à l’égard des travailleurs handicapés n’est pas respectée.

C’est pour informer les employeurs de l’existence de cette mesure et les accompagner dans sa mise en place que le Défenseur des droits a créé un guide intitulé « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable ».

Quel cadre législatif fixe le principe d’aménagement raisonnable du poste de travail ?

En France, c’est la loi du 10 juillet 1987 qui institue l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Ainsi, toute entreprise publique ou privée employant plus de 20 salariés est tenue d’employer à temps plein ou partiel au moins 6 % de travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés.

L’obligation d’aménagement raisonnable du poste de travail des salariés handicapés trouve sa source dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) mais également dans la directive européenne du 27 novembre 2000.

Ainsi, l’article 5 de la directive spécifie qu’ « afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées ».

En France, ce principe d’aménagement raisonnable du poste de travail est transposé dans la loi du 11 février 2005.

Attention cependant, la directive européenne a une acception de la notion de « personne handicapée » plus large que la législation française.

Au sens du Code des familles, le handicap constitue « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Afin peut-être de mettre en lumière la législation et ainsi contribuer à lutter contre les discriminations subies par les personnes en situation de handicap, le Défenseur des droits, Jacques Toubon a publié ce mois-ci un guide intitulé : « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable ». L’objectif de faire connaitre aux employeurs l’obligation d’aménagement raisonnable, qui reste trop souvent ignorée, et de les accompagner dans la mise en place de mesures appropriées pour l’emploi des travailleurs handicapés.

D’ailleurs, il convient de rappeler que la soustraction à cette obligation constitue une discrimination.

En principe, qu’est-ce que cet aménagement raisonnable du poste ?

La Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) définit « l’aménagement raisonnable » comme « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».

Le principe d’obligation d’aménagement raisonnable peut être relié à la notion de non-discrimination à l’égard des travailleurs handicapés.

Le but de cette mesure en faveur des personnes handicapées est la prise en compte, par l’employeur, des besoins spécifiques liés au handicap, notamment par la mise en place de mesures appropriées (1). Les potentiels effets défavorables du Code du travail ou de certaines pratiques de droit commun seraient ainsi palliées.

La nature des aménagements à réaliser est variable selon la situation du travailleur handicapé, la nature de son poste, de sa déficience, etc. Les aménagements peuvent notamment concerner :

  • L’adaptation du rythme de travail
  • L’accessibilité des locaux
  • L’installation d’un matériel de communication adapté aux personnes déficientes auditives, visuelles, cognitives, psychiques
  • Etc.

L’employeur doit engager un dialogue avec son salarié handicapé dans le but de définir l’engagement approprié.

(1) En cas de litige, c’est au juge d’apprécier la notion de mesure appropriée

Quels sont les bénéficiaires de l’obligation au sens de la loi ?

Selon le Code du tavail, les bénéficiaires de l’obligation d’aménagement raisonnable sont « les travailleurs handicapés », c’est-à-dire :

  • Les travailleurs reconnus handicapés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)
  • Les titulaires d’une allocation aux adultes handicapés (AAH)
  • Les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (AT-MP) ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente attribuée au titre du Régime général de Sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire
  • Les titulaires d’une pension d’invalidité attribuée au titre du Régime général de sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l’invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain des anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité
  • Les bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (victimes civiles de guerre, invalides titulaires d'une pension militaire d'invalidité en raison de blessures reçues ou de maladies contractées ou aggravées dans le cadre du service, sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident ou atteints d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service, etc.)
  • Les sapeurs-pompiers volontaires, titulaires d’une allocation ou d’une rente d’invalidité attribuée en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service
  • Les titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention « invalidité » (ex- carte d’invalidité)

Quelles sont les limites à l’obligation d’aménagement raisonnable ?

Il existe deux grandes limites à l’obligation d’aménagement raisonnable du poste de travail des travailleurs handicapés :

  • Les mesures prises dans ce sens ne doivent pas représenter des charges disproportionnées pour l’employeur. La directive du 27 novembre 2000 précise dans ce sens : « afin de déterminer si les mesures en question donnent lieu à une charge disproportionnée, il convient de tenir compte notamment des coûts financiers et autres qu’elles impliquent, de la taille et des ressources financières de l’organisation de l’entreprise et de la possibilité d’obtenir des fonds publics ou toute autre aide »
  • Si son but est de placer dans un pied d’égalité les travailleurs handicapés et les autres, l’obligation d’aménagement raisonnable ne doit pas permettre à la personne bénéficiaire d’accéder à des fonctions pour lesquelles elle n’est, par exemple, pas compétente

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