Non-recours aux prestations sociales : l’étude de la DREES

Selon le Baromètre d’opinion de la DREES, en 2018, 74 % des personnes majeures et résidant en France métropolitaine pensent que « beaucoup de personnes ne bénéficient pas des droits ou allocations auxquelles elles peuvent prétendre » ; un chiffre élevé mais en recul de 6 points par rapport à 2016.
Les principales raisons proposées pour expliquer que certaines personnes se retrouvent dans des situations de non-recours sont : le manque d’information et la lourdeur administrative.
Risque pauvreté et exclusion sociale
En 2010 et 2011, la DARES a monté une enquête spécifique pour estimer le recours au RSA quelques années après sa mise en place. Le RSA était alors constitué d’une partie « socle », correspondant au RSA actuel, et d’une partie « activité », fusionnée en 2016 avec la prime pour l’emploi pour créer la prime d’activité.
Selon cette enquête, au dernier trimestre 2010, le taux de recours au RSA était en moyenne de 50 % : 64 % parmi les éligibles au RSA socle seul, 67 % parmi les éligibles au RSA socle et activité et 32 % parmi les éligibles au RSA activité seul. Il a été estimé que près de 1,7 million de personnes éligibles au dispositif n’en étaient pas bénéficiaires, soit près de 432 millions d’euros.
La principale raison de ce non-recours est la méconnaissance du RSA.
À partir du 1er janvier 2016, la prime d’activité a remplacé le RSA activité et la prime pour l’emploi. Cette année, le taux de recours trimestriel moyen au dispositif a été estimé à 73 % en effectifs et 77 % en masses financières.
Le non-recours à la prime d’activité est donc évalué à 27 %. Toutefois, il n’a pas été remesuré depuis la revalorisation du dispositif en 2019, alors que les statistiques publiées par la CNAF font état d’une forte hausse du nombre de bénéficiaires dès les annonces de revalorisation de la prime fin 2018.
Risque famille
Le recours aux prestations familiales n’a pas fait l’objet d’estimation. Seules deux enquêtes de la DREES nous renseigne sur le recours au congé de paternité.
En 2013, parmi les pères d’un enfant de moins de 3 ans éligibles à ce congé : 68 % y ont eu recours à la naissance de leur benjamin. Un taux stable depuis 2004. Il est très lié au statut de l’emploi : les travailleurs indépendants, les pères exerçant un emploi précaire et les chômeurs prennent plus rarement leur congé de paternité que les salariés bénéficiant d’un emploi stable.
En ce qui concerne la Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) qui remplace le Complément de libre choix d’activité (CLCA), il semblerait qu’au moins 40 000 mères pouvant bénéficier de ces prestations n’en font pas la demande.
Risque vieillesse
Les informations regroupées par la DREES montrent qu’à l’âge de 70 as, 68 % des assurés des régimes de retraite français nés en 1942 ont liquidé l’intégralité des pensions de retraite auxquelles ils ont droit. En revanche, 32 % n’ont pas demandé tout ou partie de leurs pensions de retraite.
Pour les 7 % des assurés, pour lesquels aucune pension n’a été liquidée à l’âge de 70 ans, les trois quarts des assurés sont nés à l’étranger.
24 % des assurés ont liquidé une partie seulement des pensions de retraite auxquelles ils ont droits. Les droits non liquidés correspondent le plus souvent à des régimes de retraite que ces retraités ont quittés depuis plusieurs années et dans lesquels ils ont acquis peu de trimestres ou peu de points retraite.
Les droits non liquidés correspondent souvent à de faibles montants.
Le taux de non-recours au droit à pension varie d’un régime à l’autre : la quasi-totalité des assurés ayant validé des droits dans les régimes de la Fonction publique les ont liquidés, c’est le cas de 60 % des contractuels de la Fonction publique affiliés à l’IRCANTEC.
Au régime général, 13 % des assurés n’ont pas liquidé leurs droits à retraite.
Risque de la perte d’autonomie
Le compte-rendu de la DREES sur le non-recours aux prestations sociales affirme qu’une évaluation du non-recours à l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) est complexe à définir et qu’un enrichissement des données sera nécessaire.
En ce qui concerne l’Aide sociale à l’hébergement (ASH), le rapport établit qu’avant la prise en compte de l’ASH, 3 résidents sur 4 sont dans l’impossibilité de financer leurs frais de séjour dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées. Or, 20 % des personnes éligibles seulement y ont recours.
L’origine de ce non-recours vient probablement du caractère récupérable de l’ASH, car cette aide financière constitue une avance qui peut être récupérée par le département auprès des obligés alimentaires ou du bénéficiaire si sa situation s’améliore.
Risque santé
Le renoncement aux soins
Selon l’enquête de la DREES, l’accessibilité financière des soins est la principale raison évoquée au renoncement aux soins. Elle dépend de plusieurs paramètres : le coût des soins, leur remboursement par l’assurance maladie obligatoire, le fait de bénéficier d’une assurance complémentaire, le niveau de couverture de celle-ci, la possibilité d’avancer les frais et le niveau de revenu en général.
Le renoncement aux soins dépend également de facteurs spatio-temporels : l’éloignement des médecins ou leurs délais d’attente, traduisant un déséquilibre entre demande de soins et offre.
Les dispositifs d’aide sociale à l’accès aux soins : CSS, CMU-C, ACS et AME
En 2018, le taux de recours à la CMU-C est estimé entre 56 % et 68 %, celui de l’ACS entre 33 % et 47 %. En 2020, ces deux dispositifs ont fusionné pour donner la Complémentaire santé solidaire (CSS).
Selon les données recueillies par la DREES, 51 % des personnes qui y sont éligibles bénéficient de l’Aide médicale d’État en 2019. Près de la moitié des personnes sans titre de séjour déclarant souffrir de pathologies nécessitant des soins, comme le diabète ou les maladies infectieuses, ne sont dans les faits pas assurées pour la santé, ni par l’AME, ni par l’assurance maladie de droit commun.
Si le recours à l’AME augmente avec la durée de séjour sur le territoire, même après 5 années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas l’AME. La plus grande difficulté rencontrée par les migrants reste la capacité à se saisir d’un dispositif complexe : un tiers des non-recourants n’en ont jamais entendu parler. Parmi les autres, l’absence ou l’abandon des démarches s’expliquent en grande partie par le manque d’information sur les démarches ou leur complexité, ou par l’incapacité à fournir l’ensemble des justificatifs.