Manque de places en crèche : la Cour des Comptes préconise de miser sur la garde parentale

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Manque de places en crèche :  la Cour des Comptes préconise de miser sur la garde parentale

Face aux défis du système d’accueil des moins de trois ans en France – manque de place, pénurie de professionnels, inégalités territoriales –, le développement de la garde parentale apparaît comme une alternative intéressante.

Selon le rapport de la Cour des Comptes « La politique d’accueil du jeune enfant », publié le 12 décembre 2024, la garde parentale constitue un mode de garde encore peu favorisé par les dispositifs actuels, qui pourrait pourtant apporter des réponses concrètes aux besoins des familles, tout en soulageant les finances publiques.

Accueil de jeunes enfants : l’offre actuelle en difficulté

Depuis 20 ans, la politique publique a permis de structurer une offre d’accueil diversifiée pour répondre aux besoins des familles, en combinant l’accueil individuel (notamment par les assistantes maternelles) et l’accueil collectif (crèches, haltes-garderies, etc.).

Assistantes maternelles en déclin, crèches en expansion

Les assistantes maternelles représentent plus de la moitié des places disponibles en accueil formel (684 000 places proposées par 236 000 professionnelles agréées) mais elles sont de moins en moins nombreuses (recul de 116 000 places entre 2013 et 2022), principalement en raison des départs massifs à la retraite qui n’ont pas été compensés par de nouvelles recrues.

Les crèches collectives accueillent, elles, 40% des enfants. Elles connaissent à l’inverse une croissance notable, avec une augmentation de 25 % du nombre de places depuis 2013.

Les crèches restent le mode de garde privilégié à partir de la deuxième année de l’enfant : 45 % des familles y ont recours pour les enfants de deux ans et 52 % pour ceux de trois ans. En revanche, pour les enfants plus jeunes, l’accueil individuel par une assistante maternelle est souvent préféré, notamment entre six et douze mois.

Comparaison des modes de garde privilégiés et des dépenses publiques liés à eux.

1,31 million de places d’accueil disponibles pour les 2,17 millions d’enfants

Cependant, le rapport de la Cour des comptes montre que cette organisation rencontre de plus en plus de difficultés. La demande excède en effet l’offre disponible, particulièrement dans les structures collectives, où les listes d’attente sont longues. Les inégalités territoriales s’aggravent également, avec une meilleure couverture dans les zones urbaines et aisées, au détriment des territoires ruraux et plus défavorisés.

Fin 2022, 1,31 million de places d’accueil formel étaient disponibles pour les 2,17 millions d’enfants de moins de trois ans, ce qui équivaut à un taux de couverture de 60,3 %. Presque un tiers des parents ne bénéficiait ni d’une place d’accueil ni d’une aide, et seulement 11 % des familles avaient recours au congé parental indemnisé via la PREPARE (Prestation partagée d'éducation de l'enfant).

Une dépense publique jugée « mal maîtrisée »

Selon la Cour des comptes, « la dépense publique paraît mal maîtrisée » dans ce secteur, avec un coût particulièrement élevé pour l’accueil collectif. En 2022, les crèches représentaient l’un des modes d’accueil les plus coûteux pour les finances publiques, alors même que l’offre en assistantes maternelles, moins onéreuse, décline d’années en années. Une situation qui pourrait s’aggraver, compte tenu de projets ambitieux mais coûteux, comme l’objectif de créer 200 000 nouvelles places d’ici 2030, qui pourrait alourdir le déficit public de plusieurs milliards d’euros par an.

Dans ce contexte, les magistrats de la Cour des comptes invitent à repenser les priorités, en encourageant les modes d’accueil individuels et en misant davantage sur les congés parentaux, avec l’objectif de répondre aux besoins des familles tout en maîtrisant les dépenses publiques.

Une première solution : repenser le congé maternité

En France, les mères disposent d’un congé de maternité de 16 semaines pour leur 1er et 2ème enfant, dont 6 semaines avant la naissance et 10 semaines après. Bien que cette durée soit conforme aux standards européens, elle reste inférieure à celle de nombreux pays de l’OCDE et aux recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui préconise au moins 18 semaines.

Pour les grossesses multiples ou à partir du 3ème enfant, la durée du congé est étendue, mais ces situations concernent une minorité des familles. Le congé maternité peut être prolongé dans certains cas par un congé pathologique, mais celui-ci est moins bien indemnisé et n’est pas systématique.

Prolonger le congé maternité d’un mois

En conséquence, les mères doivent souvent reprendre leur activité professionnelle avant que leur enfant n’ait trois mois, période pendant laquelle trouver une solution de garde est particulièrement difficile.

Prolonger le congé de maternité d’un mois, comme le préconise la Cour des comptes, pourrait non seulement mieux répondre aux besoins des familles, mais aussi libérer 35 000 places dans les structures d’accueil formel. Cette mesure, soutenue par une grande partie des employeurs et salariés - selon une enquête du rapport -, coûterait environ 350 millions d’euros par an.

Utiliser le levier du congé parental, actuellement peu attractif

En complément des congés de maternité et de paternité, les parents peuvent demander un congé parental d’éducation, permettant de réduire ou d’interrompre temporairement leur activité pour garder leur enfant. Ce dispositif est ouvert à partir du deuxième mois suivant la naissance et jusqu’aux trois ans de l’enfant.

La PREPARE, une indemnité relativement faible

Cependant, ce choix s’accompagne d’un coût financier important pour les familles, car la PREPARE (Prestation partagée d’éducation de l’enfant), qui fait partie des indemnités dudit congé, reste relativement faible : 448,43 € par mois pour un congé à plein temps, avec un montant décroissant si le parent travaille à temps partiel.

De plus, la durée maximale de perception est réduite si un seul des deux parents en bénéficie (tombant à six mois pour le premier enfant et 24 mois à partir du deuxième). Cette contrainte avait initialement pour but d’encourager un partage des responsabilités entre les deux parents, mais en pratique, les pères utilisent très rarement ce congé.

Revaloriser le congé parental pour réduire la pression sur les structures d’accueil

Selon la Cour des comptes, réformer le congé parental pourrait contribuer à réduire la demande en modes d’accueil formel, tout en offrant une plus grande flexibilité aux parents, notamment ceux ayant des horaires de travail atypiques. Pour ce faire, la Cour préconise de :

  • Revaloriser la PREPARE, avec une indemnité plus attractive pour encourager les familles à choisir la garde parentale.
  • Rendre cette indemnisation plus temporaire, sur une durée plus courte mais mieux rémunérée, pour répondre à un besoin précis dans le temps sans alourdir durablement les finances publiques.
  • Favoriser le partage entre les parents, avec des incitations spécifiques pour les pères, afin de garantir un équilibre dans la gestion des responsabilités familiales.

Ces ajustements permettraient de libérer 70 000 places d’accueil tout en coûtant environ 360 millions d’euros par an, un investissement raisonnable par rapport aux 3 milliards d’euros nécessaires pour créer 200 000 places supplémentaires.

Ce qu’il faut retenir : les avantages d’une garde parentale renforcée

Face aux défis posés par l’accueil des jeunes enfants, la Cour des comptes présente la garde parentale comme une solution sous-exploitée mais prometteuse. Cette dernière combinerait ainsi des avantages économiques, une réponse rapide à des problèmes structurels, tout en apportant une flexibilité précieuse pour les familles.

Voici, en résumé, les mesures clés recommandées par la Cour des comptes :

  • Prolonger d’un mois le congé de maternité, pour mieux accompagner les premières semaines de vie et réduire la pression sur les crèches.
  • Revaloriser la PREPARE tout en limitant sa durée, pour un soutien mieux ciblé et temporaire.
  • Encourager le partage des responsabilités, notamment via des incitations pour les pères.
  • Mieux informer les familles, pour leur permettre de tirer parti des options disponibles.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le rapport de la Cour des Comptes « La politique d’accueil du jeune enfant », publié le 12 décembre 2024.

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