Maladie pendant les congés payés dans la fonction publique : une première réponse de la France à la Commission européenne

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Maladie pendant les congés payés dans la fonction publique : une première réponse de la France à la Commission européenne

Si un salarié tombe malade pendant un congé payé annuel, ses jours de congés peuvent-ils être gelés et reportés à plus tard ?

C’est ce qu’exige le droit européen, mais la France n’est pas totalement en règle sur ce point. Après une mise en demeure de la Commission européenne, le gouvernement a publié un décret, le 21 juin 2025, pour corriger le tir. Mais ce dernier concerne uniquement la fonction publique.

Arrêt maladie en congés payés : que dit le droit européen ?

Comme documenté dans notre précédent article sur le sujet, les articles 7 et 16 de la directive 2003/88/CE imposent aux États membres de garantir au moins quatre semaines de congés payés par an, même lorsque le salarié tombe malade pendant cette période. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts Schultz-Hoff et Heimann) affirme elle aussi que les jours de congés coïncidant avec une période de maladie doivent pouvoir être reportés ou indemnisés en cas de fin de contrat.

Dans sa procédure d’infraction du 18 juin 2025, la Commission européenne reprochait ainsi à la France de ne pas transposer correctement ces exigences, notamment en l'absence de mécanisme de compensation clair dans le Code du travail. Jusqu’à présent, un salarié malade pendant ses congés ne pouvait donc pas en exiger le report, sauf si une convention collective le prévoyait.

Fonction publique : ce qui change avec le décret du 21 juin 2025

Trois jours après la procédure d’infraction, la France a partiellement corrigé le tir en publiant un décret relatif aux régimes dérogatoires de report et d'indemnisation des droits à congé annuel dans la fonction publique. Celui-ci prévoit deux mesures clés.

1. Le report des congés annuels en cas d’empêchement

Dorénavant, lorsqu’un agent est dans l’impossibilité de prendre ses congés en raison d’un congé maladie ou familial/parental, il bénéficie d’un délai de report de 15 mois. Cette période débute à la reprise des fonctions pour les congés acquis avant l’arrêt, ou au plus tard à la fin de l’année d’acquisition si les congés ont été acquis pendant le congé maladie.

Le report est limité à 20 jours ouvrés par an (les 4 semaines garanties par le droit européen), sauf pour les congés parentaux ou familiaux. Les jours de congés dits « complémentaires » (supplément conventionnel ou au-delà du minimum légal) ne sont pas concernés. Par exemple, si un salarié a acquis 25 jours de congés, mais utilisé 5 avant son arrêt maladie, seuls 15 peuvent faire l’objet d’un report.

Les congés non pris peuvent être indemnisés en cas de rupture du contrat

En cas de départ (fin de contrat, retraite, etc.), les jours de congé non utilisés peuvent donner lieu à une indemnité compensatrice. Celle-ci sera à priori plafonnée aux 20 jours annuels européens, avec la formule de calcul suivante :

(Rémunération brute mensuelle × 12) ÷ 250

  • Sont inclus : le traitement indiciaire, les indemnités de résidence, le supplément familial de traitement, les primes fonctionnelles.
  • Sont exclus : les primes exceptionnelles, les remboursements de frais, les heures supplémentaires hors annualisation.

Pourquoi cela ne concerne que les agents publics ?

Le décret s’adresse aux fonctionnaires et contractuels des trois versants de la fonction publique (fonction d’État, hospitalière et territoriale), ainsi qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire. Un choix qui s’explique probablement par des raisons de compétence réglementaire immédiate : l’État peut agir plus rapidement par décret pour la fonction publique, là où une réforme du Code du travail nécessiterait une loi, donc un passage par le Parlement.

Ce décret permet donc au gouvernement d’envoyer une première réponse à la Commission, réponse toutefois limitée à la sphère publique - qui englobe environ 20 % des travailleurs en France.

Et pour les salariés du secteur privé ?

En ne couvrant que les agents publics, la France ne règle pas la non-conformité globale de son droit vis-à-vis des exigences européennes : le secteur privé reste, à ce jour, sans garantie de report ou d’indemnisation des congés non pris pour cause de maladie.

La Commission pourrait naturellement considérer cette réponse comme insuffisante. Si aucune mesure complémentaire n’est prise pour le secteur privé, la procédure d’infraction pourrait se poursuivre, avec un avis motivé, voire une saisine de la CJUE.

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