Logements invivables l'été : les bailleurs bientôt forcés d'agir ?

Journées étouffantes, nuits sans sommeil… Alors que la France suffoque sous des températures record en cette fin juin, une nouvelle urgence s’impose au cœur du débat immobilier : celle des logements surchauffés. Ces « bouilloires thermiques », longtemps oubliées des politiques publiques, pourraient prochainement être visées par une réglementation spécifique.
Un phénomène quotidien pour des milliers de Français
Les températures exceptionnellement élevées de cette fin juin ont-elles enfin poussé le gouvernement à prendre ses responsabilités face aux logements mal isolés ? Car on l’oublie trop souvent : un logement mal isolé l’hiver l’est aussi en été. Et si, pendant les saisons froides, il laisse entrer le froid, il capte aussi toute la chaleur estivale.
Résultat : des milliers de Français voient actuellement leurs conditions de vie se détériorer dès que le thermomètre grimpe. Une situation qui se répète chaque année, au point de devenir structurelle. C’est ce constat qui a amené la Fondation pour le Logement des Défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) à interpeller publiquement les pouvoirs publics.
« Il y a peu de temps, la précarité énergétique en France était traitée uniquement du point de vue du froid (...). Or, avec le réchauffement climatique (...), des millions de logements se transforment en véritables bouilloires et deviennent inhabitables plusieurs semaines par an », a déclaré mercredi Christophe Robert, délégué général de la Fondation.
Pour appuyer son propos, la Fondation s’appuie sur son étude « Chaud Dedans », selon laquelle 42 % des Français ont souffert de la chaleur chez eux en 2024, alors même que cette année n’a pas été classée comme particulièrement caniculaire.
Une urgence sanitaire aggravée par le climat
Il faut dire que, contrairement aux passoires énergétiques, les bouilloires thermiques sont longtemps restées dans l’angle mort des politiques publiques. Et pourtant, ce sont bien les deux faces d’une même pièce, qui traduisent une réalité trop souvent ignorée : la vulnérabilité thermique ne connaît pas de saison.
En été, cette vulnérabilité se transforme même en risque de santé publique, notamment pour les personnes âgées, fragiles ou précaires, souvent locataires de logements mal conçus, mal ventilés, sans protection solaire. Et la situation n’est pas près de s’inverser si l’on se fie aux statistiques de Météo-France :
- Avant l’an 2000, la France a connu 17 vagues de chaleur ;
- Depuis, 32 épisodes ont été enregistrés.
Et selon les modélisations de Météo France, l’Hexagone doit se préparer à un réchauffement moyen de +2,7 °C d’ici 2050, en lien direct avec les activités humaines. Une perspective inquiétante, surtout quand on sait que, selon le syndicat d’industriels Ignes, un logement sur trois (soit 35 %) pourrait déjà être considéré comme une bouilloire thermique en France.
Une nouvelle réglementation en préparation ?
Face à cette urgence croissante, une proposition de loi transpartisane, portée par sept groupes politiques, doit être prochainement déposée à l’Assemblée nationale. Objectif : accélérer la rénovation énergétique des logements bouilloires et anticiper les conséquences sanitaires des futures vagues de chaleur.
Élaboré en concertation avec la Fondation pour le Logement des Défavorisés, le texte prévoit plusieurs leviers d’action concrets :
- Interdire aux bailleurs de louer des bouilloires thermiques ;
- Inciter les Architectes des Bâtiments de France à intégrer la question du confort d’été, au-delà des seules considérations patrimoniales ;
- Faciliter l’installation de protections solaires en copropriété (volets roulants, stores extérieurs…) ;
- Obliger les propriétaires à équiper leurs logements de deux dispositifs minimums de rafraîchissement passif, comme des brasseurs d’air et des protections solaires extérieures (volets, persiennes, etc.)
Rappelons qu’en matière de performance énergétique, les logements classés G sont interdits à la location depuis janvier 2025. Les F seront exclus du marché locatif en 2028 et les E suivront en 2034.
À terme, cette logique d’exclusion pourrait être étendue aux bouilloires thermiques, élargissant ainsi la notion de décence énergétique à la période estivale, et plus seulement aux conditions hivernales.