« L’ISR est demeuré pendant des années un vague concept, il est aujourd’hui de plus en plus concret et pragmatique » Catherine PAYS-LENIQUE, directrice générale d’EPSENS

Largement déployé ces dernières années, l’Investissement socialement responsable (ISR) consiste à intégrer de façon traçable des critères extra-financiers, environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions de placements financiers et la gestion de portefeuilles. Il peut prendre plusieurs formes : fonds socialement responsables ou de développement durable, fonds d’exclusion, engagement actionnarial ou activisme actionnarial, etc.
Avec l’obligation faite d’intégrer un fonds solidaire qui consacre 10 % de ses encours au financement des entités de l’économie sociale et solidaire, dans 5 à 10 % des encours aux plans d’épargne d’entreprise (PEE), l’épargne salariale est devenue un vecteur important de l’adoption de ce type de produits par les investisseurs particuliers.
Les acteurs de la finance proposent donc de plus en plus de gammes de fonds « tout ISR », comme le fait la société EPSENS qui a publié, le 15 juin 2020, une étude sur le comportement d’épargne des salariés français, dans cette période post-COVID.
Retour sur les résultats de cette enquête avec la directrice générale d’EPSENS, Catherine PAYS-LENIQUE.
Previssima - Pouvez-vous nous livrer les principaux résultats de votre enquête ?
Catherine PAYS-LENIQUE - Aujourd’hui, nous devons tous faire des efforts en termes d’écologie et nous estimons que la finance doit être en première ligne sur ce terrain-là. Nous avons à cœur d’investir dans les projets verts et dans les projets régionaux et nous souhaitions sonder le terrain pour connaitre la volonté des salariés épargnants sur ces sujets. Cela fait longtemps que nous nous intéressons aux obligations vertes. Il s’agit d’un titre obligataire qui permet de financer directement des projets écologiques avec un système de traçabilité.
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a généré une situation exceptionnelle et un questionnement sur les modes de consommation, qui nous sont apparus opportuns pour lancer cette étude sur le comportement des épargnants pour la période post-COVID.
Elle a été réalisée avec un institut d’enquête d’opinion sur un échantillon représentatif de salariés français, 500 personnes, qui ont répondu aux questions entre le 27 et le 29 mai 2020 alors que le déconfinement commençait.
L’objectif n’était pas de savoir si les salariés français souhaitent continuer à épargner parce qu’il y a une tendance de fond structurelle qui est maintenant clairement établie. Il s’agissait de vérifier si les salariés souhaitaient épargner autrement.
Nous avons été renforcés dans notre conviction puisque les résultats de l’enquête montrent que :
- 63 % des Français sont intéressés par les projets verts et la transition énergétique
- 63 % sont intéressés par les placements qui soutiennent l’économie locale, ce qui renforce notre conviction qu’il y a un ancrage régional fort
- 54 % des Français sont intéressés à investir dans des projets sociaux
Au-delà des aspects économiques et de performance, ces chiffres montrent que les Français s’intéressent aux aspects sociaux et sociétaux de leurs placements, avec une nette préférence pour l’investissement socialement responsable (ISR).
Est-ce que les salariés connaissent les placements ISR et plus largement l’épargne salariale ?
Notre étude montre que 80 % des salariés connaissent les dispositifs d’épargne salariale, ne serait-ce que de nom, 43 % des interrogés connaissent les dispositifs d’épargne salariale, mais n’en bénéficient pas, car leur entreprise ne leur en propose pas. Enfin, 37 % connaissent les dispositifs d’épargne salariale et en possèdent.
Par ailleurs, seulement 63 % des salariés qui ont de l’épargne salariale ont le sentiment d’être suffisamment informés. Or, nous sommes acteurs dans le domaine du « dialogue social » entre les ressources humaines et les organisations syndicales et pour nous, il est indispensable d’informer et former les salariés sur ces dispositifs. C’est pourquoi, nous mettons en place, pour nos clients, des formations à Paris et en Province visant à rendre plus transparents les dispositifs d’épargne salariale.
Est-ce que l’ISR séduit également les entreprises ?
Effectivement, certains de nos plus gros clients nous ont déjà sollicités pour réaliser des formations, sous forme de webinaires par exemple, sur l’intérêt des placements ISR.
De plus en plus d’entreprises mettent en place des accords d’intéressement dont les objectifs sont largement basés sur des critères liés à de « bonnes pratiques » (économies des ressources de la planète, vigilance sur les discriminations, etc.). Parallèlement à cela, il y a de plus en plus de référents en entreprise, responsables des questions sociétales et environnementales.
En termes de placements, les dirigeants demandent davantage à investir sur des fonds ISR. C’était un vague concept pendant de nombreuses années, il devient beaucoup plus concret et pragmatique.
Peut-on convaincre les dirigeants de mettre en place des dispositifs d’épargne salariale ?
Nous tentons de les convaincre par une approche qui a pour but de montrer aux dirigeants de TPE et PME et à des travailleurs indépendants (professionnels libéraux, artisans et commerçants), les intérêts de l’épargne salariale. Il s’agit de partir de leur besoin :
- Constituer un patrimoine fiscalement optimisé
- Fidéliser leurs salariés pour assurer l’avenir de l’entreprise
- Arriver à recruter dans un secteur particulier
- …
En fonction des besoins, l’épargne salariale peut être un atout intéressant pour les entreprises non équipées.
En effet, il y a actuellement moins de 13 % des entreprises de moins de 11 salariés qui ont un dispositif d’épargne salariale. Il y a donc clairement un potentiel.
Argument supplémentaire : les pouvoirs publics ont récemment autorisé la mise en place d’un accord d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur (DUE) dans les entreprises de moins de 11 salariés.
Quelles autres mesures législatives, pour simplifier ou rendre plus attractifs les dispositifs d’épargne salariale, pourraient être mises en place ?
Dans notre enquête, nous avons demandé aux salariés s’ils comptaient prendre autant de congés payés cette année, que l’année dernière. 27 % ont répondu qu’ils en prendraient moins.
Parallèlement à cela, 55 % des salariés ignorent qu’ils peuvent transformer des congés payés et/ou RTT en épargne salariale alors que 65 % des répondants se déclarent intéressés par cette possibilité (dont 25 % très intéressés).
En effet, avec des dispositifs d’épargne tels que le PERCO, il est possible d’épargner des jours de congé, notamment la 5ème semaine de congés payés et des RTT, à hauteur de 10 jours ouvrés par an. Il serait sans doute intéressant que ce plafond puisse être augmenté par les pouvoirs publics.
En outre, une proposition de loi visant à généraliser la participation, c’est-à-dire la redistribution d’une part des bénéfices aux salariés, à toutes les entreprises, même les plus petites de moins de 50 salariés, devrait être présentée à l’Assemblée nationale.
NDLR
Actuellement, seules les entreprises de plus de 50 salariés ont obligation de redistribuer annuellement une part de leurs bénéfices aux salariés..
La participation aux bénéfices est un dispositif compliqué en termes de mode de calcul. De plus, les bénéfices risquent de chuter en 2020 par rapport à 2019. Toutefois, sa généralisation et sa simplification par les pouvoirs publics seraient des mesures intéressantes, même si au regard du contexte économique, l’intéressement nous parait s’adresser à davantage d’entreprises.