Licenciement économique : un chiffre d’affaires durablement en baisse peut suffire à caractériser des difficultés économiques

Dans sa décision du 17 septembre 2025, la Cour de cassation a apporté une précision importante en matière de licenciement économique.
Elle rappelle qu’en l’absence de justification d’une « baisse significative » du chiffre d’affaires ou des commandes, le juge peut apprécier la réalité des difficultés économiques globale au regard d’autres éléments objectifs, tels qu’une dégradation durable des résultats de l’entreprise.
Les indicateurs des difficultés économiques
L’article L. 1233-3 du Code du travail définit le licenciement économique comme un licenciement résultant de difficultés économiques. Pour caractériser celles-ci, plusieurs indicateurs peuvent être mobilisés : baisse des commandes ou du chiffre d’affaires (CA), pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation. Mais le texte ajoute également que tout autre élément qui permettrait de démontrer l’existence de difficultés économiques peut être retenu.
S’agissant de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, le législateur a prévu des critères objectifs : la diminution doit être constatée sur une période déterminée, variable selon la taille de l’entreprise, allant d’un trimestre pour une très petite entreprise (moins de 11 salariés), à 4 trimestres consécutifs pour une structure de plus de 300 salariés.
En ce qui concerne les autres indicateurs, aucune définition précise de ce que constitue « l'évolution significative » des difficultés économiques n’est donnée. La jurisprudence confie ainsi au juge l’appréciation concrète de la situation, au regard des éléments financiers présentés par l’employeur.
L’affaire jugée : une baisse non conforme aux critères, mais une dégradation persistante du chiffre d’affaire
L’affaire en question concerne une salariée licenciée pour motif économique en janvier 2021, après son adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle. Contestant son licenciement, la salariée a fait valoir que son employeur n’avait pas établi ladite « baisse significative » du chiffre d’affaires, exigée par la loi. Il se trouve qu’en effet, les documents fournis portaient sur des périodes semestrielles et non trimestrielles : ils ne permettaient pas d'apprécier la baisse du chiffre d'affaire au sens du Code du travail.
Le conseil de prud’hommes a donc donné raison à la salariée. De son côté, la cour d’appel de Bourges a jugé, au contraire, que les difficultés économiques étaient bien établies. Les juges ont relevé une baisse de 10 % du chiffre d’affaires et une diminution de près de 30 % du résultat d’exploitation entre 2019 et 2020, et ce malgré une réduction de la masse salariale et un allègement des loyers. Selon les juges, cette dégradation persistante traduisait bel et bien une situation économique fragile.
La position de la Cour de cassation
Dans sa décision, la Cour de cassation a donné raison à la cour d’appel de Bourges. Elle a rappelé que lorsque la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires n’est pas démontrée conformément aux critères légaux, le juge a pour mission d’examiner les autres indicateurs de difficultés économiques.
En l’espèce, la cour d’appel ne s’était pas contredite : elle avait écarté l’existence d’une baisse significative du chiffre d’affaires au sens du Code du travail, mais avait ensuite constaté, au regard de l’ensemble des données disponibles, une dégradation persistante de l’activité et du résultat d’exploitation. Une approche globale, conforme à la jurisprudence antérieure, qui a suffit à établir le motif économique du licenciement. Le pourvoi de la salariée a donc été rejeté.
Un rappel pour les employeurs
La Cour de cassation confirme ainsi que la logique de la preuve n’est pas seulement formelle : ce qui importe, c’est la réalité économique de l’entreprise, telle qu’elle peut être objectivement démontrée au jour du licenciement.