Les crèches et assistantes maternelles réduisent les inégalités de développement entre les enfants

Le nouveau numéro de l’e-ssentiel, publié par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), se penche sur la question des politiques d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants. Il démontre que « l’accueil en crèche ou par une assistante maternelle constitue un levier pour accompagner les acquisitions fondamentales et atténuer l’impact des inégalités socio-économiques, sous réserve de la qualité de cet accueil et de son accessibilité à tous ».
Le développement des enfants marqué par des inégalités dès le plus jeune âge
De 0 à 3 ans, l’enfant développe des compétences acquises au cours de ses expériences personnelles. Sont citées principalement dans l’étude :
- Les capacités langagières
- Les capacités pré-mathématiques
- Des capacités socio-comportementales
- Des capacités motrices
« L’apprentissage étant un processus constant et cumulatif, le développement de chaque capacité pose les fondations pour les apprentissages futurs, et pas uniquement scolaires ». Or, pour chacun de ces domaines de compétences, de fortes inégalités ont été constatées entre les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés et ceux issus de milieux plus aisés, dès le plus jeune âge.
L’accueil en crèches et les assistantes maternelles jouent sur la réduction des inégalités
L’analyse des preuves scientifiques établies au niveau international en matière de politiques d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants a permis de démontrer que « la fréquentation d’une crèche ou d’une assistante maternelle a pour effet de réduire les inégalités de développement entre les enfants ».
En effet, ces modes d’accueil de l’enfant permettent un plus grand développement cognitif et socio-émotionnel dont les bénéficies sont plus forts chez les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés : la fréquentation de ces structures a ainsi un effet égalisateur qui semble perdurer sur le long terme, au moins jusque l’adolescence. Les études démontrent également que « les effets les plus positifs concernent le développement du langage et les capacités pré-mathématiques ».
Sur les capacités socio-comportementales et le bien-être des enfants, les effets sont positifs à condition que « le mode d’attachement parent-enfant soit déjà sécurisé et que le qualité des modes d’accueil soit élevée ». La qualité de l’accueil est généralement articulé entre deux dimensions : qualité des processus (expérience quotidienne des enfants comme le nombre et le type d’activité) et qualité structurelle (groupes de petite taille, ratio professionnels-enfants suffisant, niveau de formation initiale et continue de ces derniers, etc.)
Les études suggèrent que ces effets bénéfiques sont visibles même en cas de prise en charge à temps partiel.
Le paradoxe Français
Un certain nombre de particularités des politiques françaises liées à la durée des congés de maternité (plus courte que ceux de la moyenne des pays de l’OCDE) ou à la coupure de l’offre de services proposée aux 0-3 ans d’une part et aux 3-5 ans d’autre part « sont à prendre en compte lorsqu’on essaie de transposer ces résultats internationaux au cas français. ». Elles peuvent expliquer pourquoi les effets rapportés en France sont « moindre que ceux de certains travaux étrangers, même s’ils vont dans le même sens ».
L’étude se penche ainsi sur « le paradoxe français : une part élevée d’enfants dans les modes d’accueil « formels » mais des inégalités socio-économiques d’accès très marquées ».
En France, deux spécificités sont ainsi relevées : les enfants sont – au regard des autres pays de l’OCDE – plus souvent accueillis dans des modes d’accueils formels, avec un volume horaire de garde plus important. D’autre part, les inégalités sociales sont plus fortes en France : « Elle se situe en effet juste au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE pour le pourcentage d’enfants défavorisés accueillis, alors qu’elle est très au-dessus de la moyenne pour le taux d’enfants plus favorisés accueillis. Alors que les enfants des milieux défavorisés bénéficieraient le plus d’une telle prise en charge, ce sont donc en réalité ceux qui y ont le moins accès. »
Mais alors, pourquoi les enfants des familles défavorisées sont-ils moins représentés dans les crèches et chez les assistantes maternelles en France ?
Au sein des pays de l’OCDE, les principales barrières identifiées sont les contraintes de places (nombre, critères d’attribution) et les contraintes financières (coût pour les familles). En outre, l’étude explique que « les familles défavorisées pourraient se tourner plutôt vers la garde parentale ou amicale, du fait notamment de croyances et normes socialement construites et intériorisées, et parce que les situations où les deux parents travaillent (raison principale pour avoir recours aux modes d’accueil) sont moins fréquentes au sein de ces populations. ». Un manque d’information est également possible (il est possible que les populations défavorisées ne soient pas informées que l’inactivité d’un des parents n’est pas un frein à l’accès à la crèche) ainsi qu’une faible maîtrise des procédures administratives qui pourrait gêner la constitution des dossiers d’inscription et de demandes de prestations.
En France, les inégalités persistent alors même que les critères d’attribution des places en crèche visent à privilégier les familles défavorisées, pour un coût pour ces dernière relativement faible en raison de tarifs fortement dégressifs : les dimensions informationnelles et socio-culturelles sont donc susceptibles de jouer un rôle significatifs en France.
Malheureusement, ces inégalités sont encore trop peu étudiées par des travaux de terrain : « une compréhension fine de ces barrières en France pourrait contribuer à promouvoir un accès plus égalitaire aux modes d’accueils formels au travers des politiques publiques adaptées ».