Le projet ambitieux de Bruxelles pour développer l'éducation financière des Européens

Alors que les ménages européens affichent l'un des taux d'épargne les plus élevés au monde, une part significative de cette épargne reste inutilisée, dormant sur des comptes bancaires à faible rendement.
Face à ce paradoxe, la Commission européenne a dévoilé mardi une stratégie visant à réorienter cette épargne vers des investissements productifs au sein du continent. En filigrane, il s’agirait aussi de participer à l’éducation financier des citoyens européens.
Une épargne sous-exploitée
Mardi, la Commission européenne a présenté ses principales idées pour inciter les citoyens à mieux utiliser leur argent. Une décision forte, rare, et qui mérite d’être soulignée, car l’éducation financière n’a jamais été un des points forts de la politique européenne. L’objectif affiché via cette action serait donc d’aider les citoyens à « prendre des décisions financières judicieuses ».
Pourquoi ce choix ? Selon les dernières analyses croisées de la Commission, près de 10 000 milliards d’euros dorment actuellement sur des comptes bancaires sans rendement. On ne parle pas ici de Livret A ou de LDDS, mais bien de comptes courants qui ne proposent aucun taux d’intérêt.
Selon un rapport de la Banque de France, l’encours moyen des Français sur les comptes courants était de 7 701 euros en 2024. Ce chiffre est exagérément élevé pour des fonds conservés sur des comptes qui ne génèrent pas de rendement. En plus des prélèvements habituels (factures, retraits, etc.), l’inflation réduit inévitablement la valeur de cette épargne. Ces sommes pourraient ainsi être mieux utilisées sur des livrets réglementés (Livret A, LDDS, LEP) ou des supports plus dynamiques, comme l’assurance-vie, le PEA ou le compte-titres ordinaire.
Une stratégie en deux volets
Pour remédier à cette situation qui touche des millions d’épargnants en Europe, la Commission européenne a élaboré une stratégie en deux volets :
- Renforcer l’éducation financière : L’un des principaux obstacles à l’investissement réside dans le manque de connaissances financières des citoyens. La Commission propose donc de développer des programmes d’éducation financière pour aider les Européens à prendre des décisions éclairées en matière d’épargne et d’investissement.
- Faciliter l’accès à des produits d’investissement attractifs : La Commission envisage la création de comptes d’épargne-investissement simples, transparents et fiscalement avantageux, afin d’encourager les citoyens à investir leur épargne dans l’économie européenne.
Selon la Commission, « moins d’un cinquième » des citoyens de l’UE ont un niveau « élevé » de connaissances en matière de finance. « Avec la bonne combinaison de connaissances et de compétences financières, les citoyens peuvent mieux budgétiser, éviter les escroqueries et la fraude, économiser plus efficacement et se sentir mieux équipés pour investir pour leur avenir », poursuit-elle.
Une opportunité pour l’économie européenne
Concernant la création de ces nouveaux comptes, un des objectifs de la Commission est également d’éviter la fuite de capitaux vers d’autres pays, notamment les États-Unis. L’ancien ministre de l’Économie, Éric Lombard, rappelait à ce titre que « 20 à 30 % de l’épargne des Européens partait financer l’économie américaine ».
En bout de course, l’objectif serait d’inciter les investisseurs à soutenir le financement d’entreprises européennes, afin de « stimuler la croissance économique et la création d’emplois dans toute l’Europe. »
Un chantier titanesque
Si la mission que s’est fixée Bruxelles mérite d’être saluée, tant l’éducation financière reste encore aujourd’hui trop peu prise en compte par les gouvernements nationaux, le défi est de taille. Créer de nouveaux comptes, sans les accompagner d’une véritable campagne de sensibilisation et d’information, risquerait de rester inefficace. L’éducation financière est un chantier qui doit être mené à 360°, aussi bien au niveau des institutions financières qu’au sein de l’école.
À titre d’exemple, les investisseurs français ne reçoivent aujourd’hui de leur banque que le DIC (Document d’Information Clé pour l’Investisseur), aussi appelé KYC, préalablement à chaque souscription. Ce document concerne essentiellement certains produits d’investissement ou d’assurance, comme les SCPI et les contrats d’assurance-vie. En dehors de ce cadre, il faut reconnaitre que l’information financière reste très limitée.
Rappelons que selon une autre étude de la Banque de France, 81 % des Français considèrent que l’éducation financière devrait commencer dès l’école.
À NOTER
Depuis 2023, le gouvernement a généralisé à toutes les classes de 4e le dispositif EDUCFI (Éducation économique, budgétaire et financière). Celui-ci porte sur :
- La gestion du budget personnel ou familial
- L’apprentissage des outils bancaires et d’assurance : comptes et moyens de paiement, crédit, épargne, assurance
- La compréhension des notions économiques
Bien que la durée consacrée à EDUCFI soit laissée à l’initiative des établissements, le corps d’inspection a préconisé 2 à 3 heures au collège. Une durée clairement insuffisante pour aborder un sujet aussi crucial que la gestion des finances personnelles et pour former des adultes responsables, avertis et capables de gérer leur argent de manière éclairée.