Le nombre de décès dépasse pour la première fois celui des naissances en France : quel impact pour notre modèle social ?

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Le nombre de décès dépasse pour la première fois celui des naissances en France : quel impact pour notre modèle social ?

Pour la première fois, la France enregistre plus de décès que de naissances. Cette inversion historique du solde naturel résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : le vieillissement de la population, la baisse continue de la fécondité, et l’allongement de l’espérance de vie.

Si les démographes alertaient depuis plusieurs années sur cette évolution, sa concrétisation soulève désormais des interrogations majeures sur l’avenir du modèle social français.

Une transition démographique accélérée

La baisse de la natalité était anticipée, mais pas à un rythme aussi rapide. D’après les données compilées par l’économiste François Geerolf de l’Observatoire français des conjonctures économiques, à partir des chiffres de l’Insee, 651 000 décès ont été enregistrés en France en mai dernier sur 12 mois glissants, contre seulement 650 000 naissances. Un « solde naturel négatif » de 1 000 donc. Ce basculement n’était pas attendu avant 2036 selon les prévisions antérieures de l’Insee.

Rappelons que jusqu’à récemment, la croissance démographique française était encore portée par une natalité relativement dynamique, notamment en comparaison avec ses voisins européens. Mais cette vitalité s’est essoufflée. Tous les observateurs s’accordaient à dire que la France finirait par rejoindre la tendance continentale, marquée par une faible natalité : 1,46 enfant par femme en moyenne en Europe, contre 1,79 en France selon les dernières données de 2022.

En France, il faut remonter à 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour retrouver un choc démographique d’une telle ampleur. Et, en dehors des périodes de guerre, une situation comparable n’était plus survenue depuis 1935.

Les conséquences économiques et sociales d’un tel basculement

Ce basculement démographique n’est pas sans effet sur les grands équilibres de la société française. « Si on garde les mêmes règles et aides de notre État-providence, qui ont été conçues pour une société jeune avec beaucoup de naissances, alors qu’on passe à une société où les gens sont plus âgés et où il y a moins de naissances, le système ne va pas s’effondrer immédiatement, mais il ne pourra pas durer sur le long terme, c’est sûr », avertit l’économiste et sociologue Julien Damon, auteur des Batailles de la natalité (Éditions de l’Aube), sur Europe 1.

La hausse du nombre de décès, inévitable avec le vieillissement des générations du baby-boom, va profondément affecter le système de retraites et plus largement les mécanismes de solidarité. Car la baisse de la natalité entraîne mécaniquement une diminution des cotisations sociales, alors même que les besoins liés à la vieillesse et à la santé représentent aujourd’hui près de 50 % des prestations sociales versées par l’État. Le système par répartition, malgré les nombreuses réformes dont il a fait l’objet, se heurte donc à une réalité démographique de plus en plus contraignante.

Prenons l’exemple des retraites : selon un rapport présenté à l’Assemblée nationale par le député Pierre Cazeneuve, le ratio entre actifs et retraités – le fameux « ratio de dépendance » – se dégrade progressivement. En 2021, on comptait encore près de 2,5 cotisants pour un retraité. Ce ratio pourrait tomber à 1,4 d’ici 2040, selon le rapport. Concrètement, cela signifie que chaque actif devra contribuer davantage, soit en versant des cotisations plus élevées, soit en travaillant plus longtemps.

Des actions gouvernementales… insuffisantes ?

Le gouvernement se trouve donc aujourd’hui à un tournant décisif face à ce défi démographique aux répercussions à la fois sociales, économiques et politiques. Pour tenter de relancer la natalité, plusieurs pistes sont à l’étude, parmi lesquelles la création d’une allocation versée dès le premier enfant, ainsi que la mise en place d’un « congé de naissance ». La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a récemment indiqué qu’elle souhaitait inscrire cette dernière mesure dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026.

Dans cette optique, la ministre s’est rendue en juin à Rome pour échanger avec ses homologues italiens sur les enjeux liés à la natalité et à la démographie. En Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni a d’ailleurs décrété la « mobilisation générale » contre l’« hiver démographique ». Avec un taux de fécondité de seulement 1,12 enfant par femme - l’un des plus faibles d’Europe - le pays fait face à une véritable urgence. Pour inverser la tendance, l’exécutif italien a multiplié les aides sociales et les dispositifs de défiscalisation à destination des familles. Les résultats restent toutefois encore difficiles à mesurer.

Les Français inévitablement appelés à se responsabiliser davantage ?

En France pourtant, alors même que l’exécutif cherche par tous les moyens à contenir le déficit public, les mesures incitatives fortes en faveur de la natalité tardent à émerger. Faute d’un soutien public suffisant à court terme, les Français pourraient être amenés à prendre en main une plus grande part de leur avenir, notamment en matière de retraite - via des dispositifs comme le Plan d’Épargne Retraite (PER) - ou de santé, avec un recours accru aux complémentaires santé. L’inversion durable du solde naturel rend ces comportements de plus en plus nécessaires, voire inéluctables.

Dans le même temps, une réflexion de fond devra être relancée sur les politiques familiales et natalistes. Comment redonner envie aux couples de faire des enfants ? Comment sécuriser les parcours professionnels des femmes et mieux articuler vie professionnelle et vie familiale ? Ces leviers seront déterminants pour éviter que le vieillissement de la population ne pèse durablement sur les équilibres sociaux du pays.

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