La « taxe Zucman » sur les patrimoines des ultra-riches, adoptée à l’Assemblée nationale

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La « taxe Zucman » sur les patrimoines des ultra-riches, adoptée à l’Assemblée nationale

Ce jeudi 20 février 2025, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi instaurant la « taxe Zucman », un impôt plancher destiné aux ultra-riches.

Inspirée par les travaux de l’économiste Gabriel Zucman, cette mesure établirait un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.

La taxe Zucman, impôt plancher pour les grandes fortunes

L’idée de la taxe Zucman repose sur un constat : en France, les 0,0002 % des contribuables les plus riches s’acquittent en moyenne d’un taux d’imposition global de 26 %, contre 46 % pour les 0,1 % les plus fortunés.

Les ultra-riches paient donc proportionnellement moins d’impôts que d’autres contribuables.

Cette disparité est due à des stratégies d’optimisation fiscale, qui permettent aux plus grandes fortunes de minimiser leur charge fiscale. On peut citer, par exemple, l'utilisation de sociétés écrans, de holdings, de trusts offshore, ou l’exonération fiscale sur certains types de revenus (comme les plus-values).

Cibler le patrimoine des ultra-riches

La taxe Zucman cherche donc à instaurer un impôt plancher sur le patrimoine, s’assurant que les 0,01 % les plus riches contribuent au minimum à hauteur de 2 % de leur fortune, sur des patrimoines excédant 100 millions d’euros.

Contrairement aux impôts basés sur le revenu, cette taxe cible donc directement le patrimoine des ultra-riches.

Si la mesure était appliquée, elle concernerait environ 1 800 personnes en France et pourrait rapporter entre 15 et 25 milliards d’euros par an à l’État, selon la députée du groupe écologiste et social Clémentine Autain, co-porteuse du texte avec Eva Sas.

La taxe Zucman, en attente d’un vote du Sénat

Le texte a été adopté ce jeudi à l’Assemblée nationale (116 voix pour, 39 contre), avec le soutien de la gauche, et l’abstention du Rassemblement national. Le groupe présidentiel a, quant à lui, largement boudé le vote, dénonçant une mesure « confiscatoire et inefficace ». De son côté, l’économiste Gabriel Zucman a salué une « immense avancée », estimant que cette mesure pourrait inspirer d’autres pays.

Cependant, l’adoption de la taxe Zucman n’est pas donnée d’avance : le Sénat - dominé par la droite et le centre - n’a pas encore inscrit le texte à son ordre du jour, et il est possible qu’il le rejette.

À noter :

Le Sénat peut bloquer une mesure en rejetant ou en amendant le texte, mais ce n'est pas lui qui a le dernier mot. Si un désaccord persiste entre les deux chambres, plusieurs options s'offrent : la navette parlementaire où les deux chambres se renvoient le texte pour trouver un compromis, la commission mixte paritaire qui réunit des membres des deux chambres pour concilier le texte, ou l'ultime recours de l'Assemblée nationale, qui peut adopter la loi définitivement si le Sénat persiste dans son opposition. En cas d’urgence, l'Assemblée peut aussi trancher seule.

Un « impôt minimal différentiel » proposé par le gouvernement

Opposé à cette mesure, le gouvernement Bayrou propose une alternative plus limitée : un « impôt minimal différentiel » égal à au moins 0,5 % du patrimoine - hors biens professionnels, qui ne rapporterait que 2 milliards d’euros par an.

Taxe Zucman : la crainte de l’exil fiscal

La principale crainte du gouvernement ? Un risque d’exil fiscal massif, impliquant une perte de capitaux, d’entrepreneurs et d’attractivité pour l’économie française. Un argument qui avait déjà été avancé en 2018, lors de la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), abandonné au profit d’un impôt recentré sur les seuls biens immobiliers.

Pour l’économiste Gabriel Zucman, les grandes fortunes disposent déjà de nombreuses stratégies pour minimiser leur imposition, et l’évasion fiscale n’aurait qu’un impact minime sur les recettes publiques : « Si [les grandes fortunes françaises] partaient toutes s’installer aux îles Caïmans, les recettes fiscales de la France baisseraient à peine. De l’ordre de 0,03% du PIB », dit-il sur France Inter.

Le projet de loi présenté par les députés écologistes prévoit également une mesure pour éviter l’exil fiscal : même si les ultra-riches choisissent de quitter la France, ils devront continuer de payer une taxe sur leur fortune jusqu’à cinq ans après leur départ du territoire.

Vers une coordination à l’échelle européenne ?

Par ailleurs, pour limiter ce phénomène d’exil fiscal, plusieurs économistes et politiciens émettent l’idée d’une taxe coordonnée à l’échelle européenne.

Une initiative en ce sens a déjà été évoquée au sein de l’Union européenne, mais reste difficile à mettre en œuvre en raison des divergences entre les pays membres. Toutefois, l’entrée en vigueur d’un impôt minimum mondial sur les multinationales en 2024, sous l’impulsion de l’OCDE, démontre qu’un consensus international sur la fiscalité est possible.

Fervent défenseur d’une taxe sur les ultra-riches à l’échelle mondiale, Gabriel Zucman prône ainsi cette coordination entre les pays européens afin de limiter la concurrence fiscale et assurer une taxation plus juste des grandes fortunes.

En attendant, l’Assemblée nationale devra poursuivre les débats et potentiellement affronter la résistance du Sénat et du Conseil constitutionnel.

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