Complémentaire santé en entreprise : où en est-on après la fin des clauses de désignation ?

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État de la concurrence sur le marché de l’assurance santé collective, résistance des organismes assureurs désignés après la fin des clauses de désignation en santé-prévoyance, questions autour du « haut degré de solidarité » et du financement de l’action sociale des assureurs recommandés après le décret du 9 février 2017, bilan des contrats responsables, intérêt des surcomplémentaires santé : Roger MAINGUY, Directeur général d’April Santé Prévoyance, fait le point sur tous ces sujets pour Previssima.

Previssima - La concurrence sur le marché des complémentaires prévoyance-santé a-t-elle évolué favorablement au profit des salariés ces dernières années ?

Roger Mainguy. - Sans aucun doute et ce, depuis la censure par le Conseil constitutionnel des clauses de désignation d’organismes assureurs en santé et prévoyance du 13 juin 2013.

Rappelons que ce système permettait aux syndicats de salariés et patronaux, à travers d’un accord de branche, d’imposer l’assureur de leur choix à tous les salariés des entreprises d’un secteur professionnel.

Les partenaires sociaux ont défendu cette « obligation d’assurance », au motif qu’elle permettait une meilleure mutualisation des risques, afin de garantir aux assurés une bonne prestation au meilleur tarif.
Par mutualisation des risques, il faut entendre une solidarité élevée entre les salariés, quels que soient leur âge et leur état de santé.

Les intermédiaires d’assurance et plusieurs assureurs se sont battus contre cette interprétation, en faisant valoir que l’argument de la mutualisation était erroné, surtout en complémentaire santé, où l’on se situe plus sur des mécanismes de consommation/fréquence que d’assurance.

Après la décision du Conseil constitutionnel la loi a changé, interdisant aux partenaires sociaux d’imposer les complémentaires santé-prévoyance de leur choix.

Désormais, le pouvoir des syndicats se limite à la recommandation d’un organisme assureur, cette recommandation devant intervenir après un processus de mise en concurrence.

Fin 2016, les partenaires sociaux ont tenté, dans le cadre du projet de loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2017, de réintroduire les clauses de désignation ou plus exactement de co-désignation – l’idée étant de désigner plusieurs assureurs – mais uniquement pour la prévoyance lourde, c’est-à-dire pour les risques décès, invalidité et incapacité de travail, et non pour la santé.

En prévoyance lourde justement, la mutualisation n’est-elle pas pertinente ?

Sur les risques lourds, la mutualisation a plus de sens que sur les risques de fréquence de la santé.

Mais là aussi, affirmer que les organismes assureurs désignés par des accords de branche peuvent seuls, répondre à cette situation, est faux. Certaines branches professionnelles cherchent actuellement un organisme assureur pour assurer les termes de leurs accords.

Les entreprises des branches concernées ont dû trouver des garanties auprès d’assureurs différents de ceux qui étaient désignés par l’intermédiaire de leurs agents ou courtiers.

Reste que le Conseil constitutionnel a de nouveau rejeté fin 2016, les clauses de co-désignation en précisant que ce texte n’avait pas sa place dans une loi de Financement de la Sécurité sociale.

Les clauses de désignation sont donc en voie d’extinction. Bien entendu le risque d’un retour ne doit pas être totalement écarté. Mais ce sera difficile. Le sujet est bien mieux compris des pouvoirs publics aujourd’hui.

Le marché de la complémentaire santé est donc libéré ?

Une clause de désignation est valable 5 ans. La première décision du Conseil constitutionnel datant de 2013, les clauses de désignation seront toutes tombées d’ici au 31 décembre 2017.

Avant 2013, 95 % du marché était aux mains des institutions de prévoyance. Le système tournait en boucle. Les institutions de prévoyance, gérées par les syndicats, étaient désignées comme organismes assureurs par les mêmes syndicats qui négociaient les accords de branche.

Pourquoi une telle promiscuité était-elle maintenue ? En partie parce que les complémentaires santé servaient à financer les syndicats. Cette situation a été mise en avant dans les médias.

Bien entendu, il est normal que les syndicats aient des budgets de fonctionnement, mais il serait préférable pour tout le monde que l’on rentre dans un schéma de financement plus transparent du paritarisme, un peu comme celui du financement des partis politiques en laissant, surtout, la complémentaire santé et prévoyance des salariés en dehors du jeu.

Comment réagissent les assureurs désignés ?

Certains organismes assureurs résistent, en informant leurs entreprises clientes que toute tentative de résiliation du contrat d’assurance complémentaire santé ou prévoyance finira au contentieux. Ce comportement, qui part du principe que c’est à la justice de trancher, prend quelque peu en otage les employeurs et leurs salariés.

Dans le même temps, il n’est pas surprenant que les organismes assureurs désignés veuillent défendre leur activité et leur fonds de commerce.

Le problème vient des pouvoirs publics qui n’ont pas édicté de sanctions en cas de non-respect de la loi. Certaines institutions de prévoyance, quant à elles, jouent avec les règles du marché. Résultat : sur certains accords de branche il y a des chefs d’entreprise et leurs salariés pénalisés qui ne peuvent faire jouer la concurrence sur les garanties et les tarifs.

Mais il convient d’être honnête. D’autres institutions de prévoyance jouent le jeu. En 2015, une grosse désignation a pris fin. Nous avons pu présenter nos offres auprès des entreprises de la branche professionnelle. Nous avons proposé un tarif inférieur à 15 %, avec une hausse des garanties.

La généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés et la nouvelle mouture du contrat responsable constituent-elles un progrès réel ?

Je pense que le premier bilan, un an après la généralisation de la complémentaire santé, est assez mitigé. Il y a beaucoup de communication positive de la part des pouvoirs publics autour du sujet. Or la réalité est la suivante : avant les dispositions de la loi sur la complémentaire santé pour tous, 95 % des Français étaient couverts, soit directement, soit par l’intermédiaire de leur conjoint.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Malgré la réforme il reste encore des personnes non-couvertes qui font l’objet de dérogations… et il y en aura toujours.

Il en est de même pour le contrat responsable. Aujourd’hui, les assurés découvrent la non prise en charge du dépassement d’honoraires pour les médecins n’ayant pas signé le Contrat d’accès aux soins (CAS), qui se nomme à présent OPTAM. Il fallait s’y attendre : qui demande à son médecin les conventions qu’il a signées avec la Sécurité sociale ? Et dans le cas hypothétique où le patient le demanderait, pourrait-il changer de praticien facilement ?

Dans le même temps, les contrats responsables ne sont pas suffisamment encadrés sur d’autres postes. C’est le cas sur l’optique, pour laquelle les plafonds sont très élevés afin de satisfaire les revendications des opticiens.
Par ailleurs, il n’y a pas de contrainte en pratique sur le dentaire. Or optique et dentaire sont les postes les plus chers pour les assurés et leurs complémentaires santé.

Conclusion, les assureurs travaillent de plus en plus sur des surcomplémentaires non responsables, légèrement plus chères mais financées intégralement par les assurés, sans aide de l’employeur. L’assurance à deux vitesses se conforte. Voilà pourquoi il est grand temps d’arrêter le dogmatisme sur la prise en charge des frais de soins par les complémentaires santé.

Et plus globalement, il convient de cesser la petite musique qui tente de faire croire que les complémentaires santé pourraient être supprimées afin de tout transférer sur la Sécurité sociale. La Sécurité sociale représente 80 % des dépenses, contre 13 % seulement pour les complémentaires santé. Ces dernières ne sont pas responsables des dérives.

« Haut degré de solidarité » et financement du fonds dédié aux prestations non contributives dans les recommandations de branche.

Pour pouvoir recommander un organisme assureur, les partenaires sociaux doivent négocier un accord collectif santé comportant un haut degré de solidarité. Cette obligation qui amène à la création d’un fonds de financement dédié aux prestations non contributives n’est-elle pas une forme de désignation déguisée ? Le décret sur le fonds de financement du 9 février 2017 est-il satisfaisant ?

Sur ce dossier, Roger Mainguy explique qu’il convient d’être vigilant sur plusieurs points.

Le premier porte sur la définition des prestations non contributives en tant que telles. À ce niveau, nous avons vu apparaître des prestations assez exotiques dernièrement, ayant pour but de dissuader de nouveaux acteurs à concourir.

Le deuxième point concerne le mode de financement. Lorsqu’il est forfaitaire par salarié ou établi en pourcentage de la prime, cela ne pose pas de problème. Par contre, la solution qui consiste à retenir un mixte des deux, risque d’avoir pour conséquence d’introduire des règles compliquées qui n’auraient d’autre objectif, à nouveau, que de dissuader de nouveaux acteurs assureurs ou mutuelles.

Le troisième point de vigilance concerne la gestion mutualisée du fonds d’action sociale, et notamment la possibilité, pour la commission paritaire de branche, de définir les conditions de choix du gestionnaire chargé du pilotage du fonds. Les conditions d’attribution du choix du gestionnaire restent trop opaques dans les exemples qui existent déjà.

Par exemple, dans la branche de la récupération de métaux, l’avenant précisait pour le fonds contributif, que tous les assureurs de la branche devaient cotiser à ce fonds unique, ce qui revient à transmettre les fichiers clients qui n’ont pas choisi l’organisme recommandé.

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