La France, championne d’Europe de la dépense sociale, pour quels résultats ?
Avec plus de 31 % de son PIB dédié aux prestations sociales en 2023, la France s’impose comme le leader européen de la dépense sociale. Ce niveau de dépenses, fruit de décennies de politiques publiques ambitieuses, illustre un modèle protecteur singulier qui permet de limiter la pauvreté mais pose aussi la question de sa viabilité dans un contexte de vieillissement accéléré.
Une trajectoire ascendante sur fond de crises
Quels sont les pays qui font les plus grands efforts budgétaires en matière de dépense sociale ? La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié début décembre les conclusions d’une étude menée en France et en Europe de 2007 à 2023. Et le résultat est sans appel : la France est championne d’Europe des dépenses sociales.
Celles-ci représentent d’ailleurs « le premier poste de dépense publique », soulignent les analystes de la Drees. Encore deuxième du classement il y a environ quinze ans, avec 28,9 % de son PIB, elle est passée désormais en tête avec 31,7 %, pour un total de 888 milliards d’euros. C’est plus que la Finlande (31,1 % du PIB) et l’Autriche (30 %).
Globalement, les dépenses sociales sont passées en moyenne de 24,9 % à 27,2 % du PIB entre 2007 et 2023 dans l’Union européenne à 27, pour un total de 4 600 milliards d’euros.
Des dépenses sociales globalement orientées à la hausse
La France se distingue par un niveau de dépenses élevé dans la plupart des domaines de protection sociale. En 2023, plusieurs postes ont continué de progresser :
- Risque vieillesse : environ 14,3 % du PIB, soit +1,4 point depuis 2007 (5ᵉ rang européen).
- Dépenses de santé : près de 9,5 % du PIB, en hausse d’un point, ce qui place la France au 2ᵉ rang.
- Risque emploi : autour de 1,8 % du PIB, soit +0,2 point, 1ʳᵉ position parmi les pays comparés.
- Risque pauvreté/exclusion : environ 1,3 % du PIB, en progression de 0,5 point, 2ᵉ place.
À l’inverse, deux postes seulement reculent depuis 2007 :
- Aides à la famille : -0,3 point de PIB.
- Dépenses liées au logement : -0,2 point de PIB.
Quels leviers derrière cette politique sociale ?
Les analyses de la Drees montrent un lien clair entre le niveau d’investissement social et les résultats concrets pour les citoyens.
Sur la période 2007-2023, la hausse continue de l’effort de dépense français s’est traduite par des progrès tangibles : les pensions ont mieux lissé les inégalités de revenus chez les seniors, le reste à vivre après frais de santé s’est stabilisé pour la majorité des ménages, et le taux de pauvreté a reculé.
Seul le Danemark a réussi à réduire légèrement la part de ses dépenses consacrées aux retraites tout en maintenant un risque de pauvreté très faible chez les plus de 65 ans grâce à un mix équilibré entre public et capitalisation privée.
La question qui se pose désormais est de savoir quelle est la soutenabilité de cette importante dépense publique. Rappelons que, dans un rapport de la Cour des comptes publié début novembre, l’institution notait que les dépenses progresseraient dès 2026 plus vite que les recettes (21,3 milliards contre 15,6 milliards). La Cour des comptes appelle à ce titre à trouver « d’urgence » une « solution de financement pérenne » pour la dette sociale, au risque d’arriver au bout d’un système qui ne peut plus supporter ses nombreuses dépenses.