La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur le coût du pacte Dutreil

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La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur le coût du pacte Dutreil

Selon un rapport publié ce mardi par la haute juridiction, le mécanisme de transmission familiale des entreprises via le pacte Dutreil présenterait un coût élevé pour des résultats économiques jugés difficiles à démontrer.
Pourtant, plusieurs organisations patronales contestent ces conclusions, estimant qu’une révision trop sévère de ce dispositif ne ferait qu’ouvrir « grand les portes » aux rachats étrangers des entreprises françaises, et donc à une perte de savoir-faire national.

Une efficacité économique très contestée

Le rapport était très attendu et promettait déjà d’alimenter les tensions entre les défenseurs du pacte Dutreil et ses détracteurs, qui y voient une niche fiscale coûteuse pour l’État. Les conclusions publiées aujourd’hui par la Cour des comptes confirment l’ampleur du débat. Selon la haute juridiction, le pacte Dutreil aurait coûté « plus de 5,5 milliards d'euros » aux finances publiques en 2024, sans générer d’« effets économiques favorables » clairement identifiables.

Rappelons que ce dispositif offre un abattement de 75 % sur la valeur de l’entreprise transmise, une réduction particulièrement significative pour des sociétés à forte valorisation. Parmi les conditions requises, la principale est l’obligation pour les héritiers de conserver les titres pendant une durée déterminée.

Dès la publication du rapport, le ministère de l’Économie et des Finances a réagi, affirmant que « le système est efficace et qu’il est nécessaire de le préserver », tout en reconnaissant la nécessité de procéder à « certains ajustements notamment sur les biens somptuaires [c’est-à-dire des biens de luxe - NDLR ] pour lesquels il faudra ajuster le curseur ».

Toujours selon la Cour des comptes, la facture du pacte Dutreil ne cesse de croître : elle s’élevait à 1,2 milliard d’euros en 2020 et 2021, puis 3,3 milliards en 2023, des années marquées chacune par de très grosses opérations de transmission.

Des règles jugées « exagérément favorables »

Le rapport critique également des conditions jugées trop avantageuses, permettant selon lui des stratégies d’optimisation fiscale. Plusieurs pistes d’évolution sont proposées, parmi lesquelles :

  • Supprimer les biens non professionnels du régime,
  • Allonger la durée d’engagement de détention pour bénéficier des avantages,
  • Introduire un barème d’exonération progressif,
  • Réduire l’avantage pour les entreprises évoluant dans un secteur réglementé ou faiblement exposé à la concurrence internationale.

Selon le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, l’application de ces mesures « diviserait par plus de deux » le coût pour les finances publiques. « Je ne peux que souhaiter que les parlementaires s'emparent (du rapport) dans le cadre du débat budgétaire en cours », a-t-il ajouté.

Les organisations patronales inquiètes

Le Medef et le Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire) ont réagi immédiatement, dénonçant des « analyses et conclusions » qu’ils jugent « partiales et partielles ». Pour ces organisations, revoir les paramètres du pacte, comme le propose la juridiction financière, « reviendrait à ouvrir grand les portes aux rachats étrangers et prédations de nos produits, savoir-faire, PME et ETI ».
Elles estiment qu’une telle réforme « affaiblirait durablement le tissu productif français et l'activité économique de nos territoires ».

Elles soulignent également qu’en dépit de l’existence du pacte Dutreil depuis 2003, la France reste en retard sur la transmission familiale : 17 % d’entreprises sont transmises à un membre de la famille, contre 56 % en Allemagne et près de 70 % en Italie, deux pays disposant de régimes spécifiquement pensés pour faciliter la succession d’entreprises.

Une position gouvernementale nuancée

Face aux critiques croissantes, le gouvernement semble en tout cas prêt à adopter une approche équilibrée. Face à ceux qui « vont vouloir détruire le Dutreil » pour éviter « quelques dérives », Sébastien Lecornu prône de son côté « le bon sens », évoquant notamment la possibilité d’ajuster uniquement certains points précis du dispositif, comme l’exclusion des « biens somptuaires » des actifs éligibles au pacte Dutreil.

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