La Cour des comptes recommande de mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants

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La Cour des comptes recommande de mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants
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La Cour des comptes a publié jeudi dernier un rapport thématique de 180 pages sur la formation en alternance. Dans ce document, les magistrats financiers ont examiné les effets de la réforme de l’alternance lancée en 2018 et dressent un premier bilan.

L'alternance marque une hausse importante, mais manque sa cible

Le rapport met en lumière une hausse inédite des effectifs en alternance (contrats d’apprentissage et de professionnalisation). En effet, entre 2016 et 2021, l’entrée en alternance progresse de 82 % (de 438 000 à près de 800 000 entrées en alternance). S’agissant de l’apprentissage seul, les entrées ont augmenté de 98 % entre 2019 et 2021.

Cette croissance sans précédent des effectifs est essentiellement due à la réforme de l’apprentissage intervenue en 2018, laquelle a facilité la création de places, et aux aides exceptionnelles à l’embauche d’alternants accordées aux employeurs pendants la crise sanitaire (notamment les aides du plan #1jeune1solution).

Les magistrats de la rue Cambon révèlent que « cette hausse des effectifs s’est accompagnée d’une évolution du profil des apprentis ». En effet, en 2016, 63 % du total des apprentis préparaient un diplôme d’un niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel, contre 49 % en 2020. Autrement dit, l’alternance s’adresse aujourd’hui majoritairement aux jeunes préparant un diplôme supérieur au baccalauréat (51 % de l’effectif en 2020). Ces derniers sont pourtant « moins concernés par les difficultés d’insertion sur le marché du travail ».

En parallèle, la répartition par secteur d’activité des entrées en apprentissage a connu des évolutions significatives. L’essor de la formation en alternance a surtout eu lieu dans le secteur du tertiaire (commerce, ressources humaines, banque…), plutôt que dans les secteurs traditionnellement concernés (artisanat, industrie, construction, agriculture…).

Pour les magistrats de la Cour des comptes, cette hausse inédite des effectifs en alternance manque sa cible puisqu’elle est en décalage avec « les objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage », à savoir : améliorer l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés (CAP, baccalauréat professionnel).

Un cout important pour les finances publiques de l’Etat

En plus de ne pas véritablement bénéficier aux jeunes ayant le plus de difficultés à s’insérer sur le marché de l’emploi, la Cour des comptes pointe le coût important de l’apprentissage pour les finances publiques de l’Etat.

L’essor de l’apprentissage a entraîné « plus qu’un doublement des dépenses ». En effet, si le coût de l’apprentissage représentait 5,3 milliards d’euros en 2018, il pourrait bien atteindre, selon les premières estimations, 11,3 milliards d’euros en 2021 du fait de l’augmentation du coût des aides (5,7 milliards d’euros) et des contrats d’apprentissage (5,3 milliards d’euros).

Face à ce constat, les juridictions financières ont donc formulé 10 recommandations et enjoignent les pouvoirs publics à adopter une stratégie nationale pour l’alternance qui « veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets d’aubaine. ».

Parmi ces recommandations, la Cour préconise notamment de mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants, dispositif qu’elle juge trop coûteux. Ce n’est, pour l’heure, pas une solution qui semble envisagée par le Gouvernement, lequel vient d’annoncer la prolongation des aides à l’embauche jusqu’à la fin de l’année 2022.

La situation financière de France compétences jugée préoccupante

La Cour des comptes, parallèlement à son enquête sur les effets de la réforme de l’alternance, a procédé au contrôle de France compétences, un établissement public créé en 2019 notamment pour assurer la régulation et le financement de la formation professionnelle et de l’alternance.

Le rapport met en lumière la situation financière préoccupante de cette instance. Dès 2020, l’instance de régulation affichait un déficit de 4,6 milliards d’euros. En 2021, malgré la subvention exceptionnelle de l’Etat de 2,75 milliards d’euros, son déficit s’élevait à 3,2 milliards d’euros. Et, en 2022, il pourrait bien approcher les 5,9 milliards d’euros. Cette situation de déséquilibre financier appelle donc « des mesures fortes de la part de l’Etat pour maîtriser les dépenses et ajuster les recettes ».

Pour y parvenir, le rapport préconise d’activer plusieurs leviers : baisse des niveaux de financement des contrats d’apprentissage, resserrement du CPF sur les formations les plus qualifiantes ou encore mieux proportionner le montant de la contribution financière de France compétences en faveur de la formation des demandeurs d'emploi.

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