La chute du gouvernement Bayrou replonge l’agenda social dans l’incertitude

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La chute du gouvernement Bayrou replonge l’agenda social dans l’incertitude

Le sort de François Bayrou s’est scellé dans la soirée du 8 septembre. Avec seulement 194 voix pour et 364 voix contre, l’Assemblée nationale a refusé la confiance au gouvernement sur sa déclaration de politique générale. Une première, sous la Ve république. En conséquence, François Bayrou a remis sa démission au président de la République. Et si ce dernier s’est empressé de nommer Sébastien Lecornu comme nouveau premier ministre, il n’en reste pas moins que l’avenir de plusieurs textes et annonces reste incertain. De quoi rebattre les cartes d’un certain nombre de réformes sociales en cours.

Un changement de cap qui survient en pleine séquence sociale

En présentant sa démission le 9 septembre, François Bayrou laisse derrière lui un agenda social chargé. Réforme de l’emploi des seniors, transparence des rémunérations, suppression de jours fériés… Les chantiers ouverts sont nombreux et parfois explosifs. Sébastien Lecornu, l’ancien ministre des Armées promu Premier ministre, va devoir consulter les différentes forces politiques représentées au Parlement en vue de trouver des accords. Première urgence pour ce proche d’Emmanuel Macron : faire adopter le budget 2026. Le point sur les dossiers en suspens.

Projet de loi Seniors : un texte à deux doigts d’être adopté

C’est sans doute le dossier le plus avancé. Après un accord en commission mixte paritaire en juillet, le projet de loi Seniors avait déjà franchi l’étape du Sénat. Il ne restait plus qu’un vote de l’Assemblée nationale pour qu’il soit définitivement adopté.

Ce texte vise à transposer deux accords majeurs conclus par les partenaires sociaux le 14 novembre 2024 et le 25 juin 2025, portant notamment sur l’emploi des seniors, le dialogue social, l’assurance chômage et les transitions / reconversions professionnelles. Si le calendrier parlementaire est aujourd’hui figé, le futur gouvernement pourrait rapidement remettre le texte à l’ordre du jour, sauf volonté politique de réouverture des débats.

Suppression de deux jours fériés et réforme de l’assurance chômage : les annonces estivales qui ont mis le feu aux poudres sur la sellette

Le sort des mesures annoncées mi-juillet par François Bayrou lors de la présentation de son plan budgétaire est plus incertain. Pour rappel, l’ex Premier ministre avait notamment proposé :

  • La suppression de deux jours fériés ;
  • Le doublement de la franchise annuelle sur les médicaments ;
  • Une réforme du remboursement des affections de longue durée (ALD) ;
  • Une nouvelle réforme de l’assurance chômage, visant à durcir les conditions d’accès au chômage (avoir travaillé 8 mois au cours des 20 derniers mois au lieu de 6 mois sur les 24 derniers actuellement), tout en rendant le régime de la rupture conventionnelle moins favorable (allongement du délai de carence) ;
  • « Modernisation du marché du travail » avec plusieurs assouplissements concernant le temps de travail (travail le dimanche et jours fériés, suppression du plancher hebdomadaire de 24h minimales du temps partiel, etc.)

Des lettres de cadrage avaient été envoyées début août aux partenaires sociaux pour lancer des négociations, mais celles-ci n’ont pas eu le temps de démarrer réellement. Les syndicats, vent debout contre ces mesures, espéraient déjà obtenir un infléchissement. Avec la chute du gouvernement, il est probable que le futur exécutif revoie ces annonces, soit en les abandonnant, soit en cherchant un compromis plus large.

Retraites : des ajustements promis mais fragilisés

L’échec du conclave sur les retraites, en juin dernier, avait conduit François Bayrou à promettre des mesures correctives dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Ces ajustements, censés atténuer certaines conséquences de la réforme adoptée en 2023, faisaient consensus entre syndicats et patronat sur quelques points techniques.

La question est désormais de savoir si le prochain gouvernement jugera opportun de reprendre ces engagements dans le futur PLFSS, ou s’il préférera ouvrir un nouveau cycle de concertations. Là encore, tout dépendra de la volonté politique de tourner la page Bayrou… ou de capitaliser sur ses pistes de compromis.

Directive européenne sur la transparence des rémunérations : le calendrier repoussé de facto

Adoptée le 10 mai 2023, la directive (UE) 2023/970 vise à renforcer l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de valeur égale. Elle impose davantage de transparence salariale, de nouveaux droits à l’information pour les salariés et candidats et des mécanismes de contrôle renforcés. Chaque État membre, dont la France, doit la transposer d’ici 2026.

Lancée en mai dernier, la concertation sur la transposition de cette directive européenne devait déboucher sur un projet de loi à l’automne. L’objectif affiché était une adoption avant fin 2025.

Mais les discussions traînaient déjà, et la dernière réunion en date (le 3 septembre) n’a pas permis de relancer véritablement la dynamique. La démission du gouvernement met de facto le dossier en pause : aucune nouvelle séance ne pourra avoir lieu tant que le futur ministre du Travail n’aura pas repris le flambeau. Il y a donc de fortes chances pour que le calendrier glisse doucement vers 2026.

Une séquence d’incertitude sociale

La transition gouvernementale s’annonce délicate : chaque semaine perdue retarde un peu plus les réformes, alors même que plusieurs d’entre elles étaient le fruit de négociations longues et complexes. Les partenaires sociaux s’interrogent déjà : Sébastien Lecornu choisira-t-il de poursuivre sur la lancée Bayrou, de détricoter certaines mesures, ou de rouvrir l’ensemble des dossiers ? Il devra en tout cas composer avec le même rapport de force au sein de l’hémicycle, dans un pays qui n’a ni la culture du compromis, ni l’habitude de gouverner en coalition. Autant dire que la rentrée sociale s’annonce plus qu’incertaine.

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