Indemnisation des maladies professionnelles : un système qui décourage les victimes ?

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Indemnisation des maladies professionnelles : un système qui décourage les victimes ?

Lorsqu’un salarié tombe malade du fait de ses conditions de travail, il peut solliciter la reconnaissance et l’indemnisation de sa maladie professionnelle. En théorie, c’est un droit.

Mais dans les faits, ce droit s’avère souvent difficile à exercer — au point d’en décourager plus d’un. C’est en tout cas ce que souligne avec gravité la Cour des comptes dans son dernier rapport.

Un dispositif à bout de souffle

Dans un rapport publié vendredi, la Cour décrit un système lourd, peu lisible et aux procédures très lentes. « La complexité du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles et les contraintes liées aux procédures n’en facilitent pas l’appropriation par les médecins et peuvent décourager de nombreuses victimes », résume notamment la Cour.

En 2023, plus de 85 000 maladies professionnelles ont été reconnues - essentiellement des troubles musculo-squelettiques (TMS), suivis par les affections psychiques - mais de nombreux cas restent dans l’ombre. La procédure de reconnaissance, elle, demeure entachée par la complexité des démarches.

Des chiffres inquiétants

La Cour des comptes met en lumière des données alarmantes :

  • 39 % des victimes n’ont pas entamé de démarche de reconnaissance en maladie professionnelle ;
  • 12 % ont commencé la démarche mais ont abandonné en cours de procédure.

Les raisons qui expliquent pourquoi les personnes n’ont pas souhaité aller au bout de la procédure de reconnaissance sont multiples :

  • Méconnaissance du dispositif (50 %) ;
  • Procédure trop longue (43 %) ou trop complexe (43 %) ;
  • Absence de tableau pour leur pathologie (40 %) ;
  • Conséquences au sein de leur entreprise (31 %) ou pour leur recherche d’emploi (12 %) ;
  • Coût de la démarche (16 %).
  • 6 % ne voient tout simplement pas l’intérêt de cette reconnaissance.

Le cercle vicieux de la sous-déclaration

Autre point alarmant : la Cour estime que des millions de cas liés à des pathologies professionnelles ne sont jamais reconnus — un phénomène appelé « sous-déclaration », et « massif », selon le rapport. Cette sous-déclaration serait surtout due au fait que « les victimes et leurs médecins ne font pas toujours le lien entre l’apparition d’une pathologie et l’activité professionnelle ».

Vers une réforme urgente et ambitieuse

Pour sortir de ce système décourageant, la Cour des comptes formule sept recommandations majeures :

  • Simplifier et dématérialiser les formulaires (objectif à atteindre d’ici 2027) ;
  • Actualiser les tableaux de reconnaissance, notamment celui des TMS ;
  • Harmoniser les barèmes d’incapacité entre territoires ;
  • Améliorer les données statistiques, en publiant chaque année des indicateurs détaillés (par sexe, âge, nature de maladie, zones géographiques) ;
  • Mieux informer les médecins et les assurés des examens complémentaires nécessaires pour appuyer les dossiers ;
  • Rapprocher les procédures du régime agricole avec celles du régime général ;
  • Limiter les questionnaires successifs et appliquer le principe « Dites-le nous une fois », dispositif visant à simplifier les démarches des usagers en évitant de leur demander plusieurs fois les mêmes informations ou pièces justificatives.

La Cour rappelle que ces réformes ne constituent pas de simples « ajustements techniques », mais bien une refondation du système, destinée à redonner du sens à la reconnaissance et à la réparation, tout en renforçant la prévention au sein des entreprises.

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