Assurance vie : pourquoi la future taxe sur la fortune improductive inquiète le secteur financier et les épargnants ?

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Assurance vie : pourquoi la future taxe sur la fortune improductive inquiète le secteur financier et les épargnants ?

Alors qu’une majorité de députés s’est prononcée en faveur de la transformation de l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un « impôt sur la fortune improductive », les professionnels de l’épargne ont vivement manifesté leur mécontentement.

Et pour cause : si cet impôt est censé viser les patrimoines les plus élevés, il toucherait également les produits d’assurance vie en fonds euros. Sauf que, cette fois, tout le monde serait concerné.

Comment définir « l’improductivité » ?

Dans sa quête d’économies budgétaires et de nouvelles recettes fiscales, le gouvernement fait preuve d’imagination. Mais cette imagination va-t-elle parfois trop loin ? Face à la volonté de l’Assemblée nationale d’étendre la taxation de la fortune aux contrats d’assurance-vie en fonds euros, le secteur financier s’est élevé pour dénoncer une mesure jugée injuste et dangereuse.

Rappel des faits : vendredi dernier, les députés ont voté en faveur de la transformation de l’actuel IFI en impôt sur la fortune improductive. Mais que recouvre exactement ce terme ? Pour l’heure, le périmètre reste flou.

Seraient principalement visés : les métaux précieux, bijoux, voitures de collection, cryptomonnaies… et désormais, les sommes placées en fonds euros dans les contrats d’assurance-vie. À l’inverse, les placements investis en actions, PME ou ETF - considérés comme participant au financement de l’économie - resteraient exclus du dispositif.

Cependant, la profession s’insurge contre cette distinction qui impacterait près d’un français sur deux, puisque 45% des ménages en détiendraient une. Rappelons également que l'assurance vie « représente en stock la moitié des principaux placements financiers des ménages français », selon France Assureurs.

Fonds euros et unités de compte : une distinction contestée

Lors d’un point presse, Florence Lustman, présidente de France Assureurs, a parlé d’une « grave erreur » de la part des députés. Elle rappelle que « plus de la moitié des contrats d’assurance-vie ont un encours de moins de 10 000 euros », et souligne que ce produit n’est pas réservé aux plus aisés. Selon elle, « un agriculteur sur deux » et « un ouvrier sur trois » détiennent un contrat d’assurance-vie, ce qui en fait « le grand vecteur d’épargne populaire ».

Florence Lustman ajoute que la répartition des investissements du fonds en euros « n’est pas très différente de l’ensemble de l’assurance-vie ». Ce support représente « 1 700 milliards d’euros » sur les 2 084 milliards d’encours totaux, dont « 57 % dans les entreprises et 30 % dans les dettes souveraines ».

Les députés auraient-ils commis une erreur d’appréciation aux conséquences potentiellement lourdes pour l’épargne des Français ? C’est en tout cas ce que laisse entendre Adrien Couret, directeur général d’Aéma Groupe (Macif et Aésio), interrogé le 4 novembre sur BFM Business.

« On a vu en fin de semaine dernière que les apprentis sorciers étaient de sortie à l’Assemblée », a-t-il déclaré, se disant « choqué » par le vote de cet impôt sur la fortune improductive et par le « manque de culture flagrant, délibéré ou non je ne sais pas », qui a traversé les bancs de l’Assemblée.

Adrien Couret a rappelé que l’assurance-vie finance aujourd’hui les entreprises et la dette de l’État : « la dette de l’État, ce sont des hôpitaux, des écoles, des infrastructures… ».

Selon lui, s’attaquer à la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie reviendrait à risquer « des centaines de millions, voire des milliards d’euros » de retraits.

Vers un profond bouleversement de l’épargne des Français ?

L’assurance vie est depuis des décennies considérée comme le placement préféré des Français. Les avantages fiscaux qu’elle propose, la possibilité d’investir sur des supports diversifiés – qu’il s’agisse des fonds en euros, sécurisés, ou des unités de compte, plus rémunératrices mais aussi plus risquées – répondent aux besoins des épargnants français.

Mais modifier sa fiscalité, ne serait-ce pas ouvrir la boîte de Pandore ? Si les fonds en euros venaient effectivement à être taxés (sous quelle forme et dans quelle mesure, personne ne le sait encore), deux conséquences majeures pourraient en découler.

  • La première serait un détournement des investisseurs de l’assurance vie vers d’autres produits. La question est de savoir lesquels, les comptes réglementés tels que le Livret A ou le LDDS affichant actuellement des rendements très faibles, à 1,7 % depuis août 2025. Le faible niveau de l’inflation, couplé à la politique monétaire accommodante de la BCE, pourrait même laisser présager d’une nouvelle baisse du taux à 1,5 % en février 2026.
  • La seconde conséquence possible serait une réallocation « forcée » des flux financiers vers davantage d’unités de compte au sein des contrats d’assurance vie, au détriment des fonds en euros, afin d’éviter la taxation. Si les unités de compte apportent davantage de dynamisme au contrat, en contrepartie d’une prise de risque plus importante, un tel mouvement imposé irait à l’encontre du profil de nombreux investisseurs. Que ce soit en gestion libre, sous mandat ou déléguée, les épargnants les plus prudents seraient ainsi poussés à assumer un niveau de risque supérieur à celui qu’ils jugent acceptable.

Or, si une prise de risque plus élevée peut effectivement redonner du souffle à un portefeuille, ce n’est pas sous la contrainte qu’un investissement doit être envisagé.

Rappelons qu’à l’heure actuelle, le texte n’a pas encore été définitivement adopté. Il doit encore franchir l’étape délicate de la validation par le Sénat, au cours de laquelle des modifications peuvent être apportées.

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