« Il faut se battre contre cette idée selon laquelle de toute façon, on n’aura pas de retraite »

Alors que la question des retraites cristallise de nombreuses tensions sociales et politiques, un nombre croissant de cadres en fin de carrière cherchent des solutions concrètes pour optimiser ce qui représente souvent leur principal patrimoine : leur retraite. Entre carrières internationales, statuts d’indépendants ou perte d’emploi à l’approche de l’âge de départ, les enjeux sont multiples, complexes et profondément individuels.
Rencontre avec Jérémy Léonard, consultant retraite et gérant de la société Impacto Conseil, qui nous éclaire sur les démarches à entreprendre pour piloter efficacement la fin de carrière.
Quel accompagnement proposez-vous aux salariés ?
La société Impacto Conseil est spécialisée sur le conseil retraite et l’assistance à la liquidation, avec une approche globale qui intègre l’ensemble des enjeux de fin de carrière. Je travaille conjointement avec ma salariée Valérie Bernard-Poivre, conseillère retraite. Notre expertise couvre à la fois les régimes obligatoires — souvent complexes à décoder — et les dispositifs d’épargne retraite, qu’il convient de mobiliser au bon moment et dans les bonnes conditions. Nous accompagnons principalement des personnes de 57 à 64 ans, souvent cadres ou assimilés, qui disposent déjà d’une retraite confortable mais souhaitent en maximiser le rendement. Notre particularité, c’est que près de la moitié de nos clients ont connu une carrière internationale, notamment en Angleterre, Suisse, Belgique, Luxembourg, Canada, Etats-Unis... Hier encore j’étais en visio avec un client en Chine, on voyage pas mal !
Appréhender sa retraite, c’est encore plus difficile quand on a travaillé à l’étranger ?
Le système de retraite français est le plus compliqué au monde, avec presque autant d’exceptions que de personnes. Non seulement il existe 42 régimes de retraites différents, mais chaque régime comporte en plus ses propres règles, ses tranches, ses cas particuliers... Cette complexité devient vertigineuse dès lors qu’une personne a travaillé à l’étranger ! Beaucoup pensent qu’il faut « rapatrier leurs trimestres », mais ce n’est pas la bonne approche. L’enjeu n’est pas de transférer quoi que ce soit, mais de comprendre comment les périodes travaillées à l’étranger sont reconnues, intégrées ou non dans le calcul des droits français, et ce qu’elles génèrent en parallèle dans le pays concerné.
Quels sont les enjeux en fin de carrière ?
Après des décennies de cotisations, les personnes concernées prennent pleinement conscience de la valeur de ce patrimoine social qu’elles ont accumulé. Elles tiennent à le sécuriser, à l’optimiser, à en tirer le meilleur. Et c’est précisément à ce moment-là que le besoin d’accompagnement devient le plus fort.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est jamais trop tard pour agir. Même entre 57 et 60 ans, il existe encore des leviers à activer. Des dispositifs comme la retraite progressive peuvent s’avérer extrêmement pertinents. Le paradoxe, c’est que certaines personnes sont déjà à temps partiel sans savoir qu’elles pourraient bénéficier de ce dispositif. Résultat : elles passent à côté de droits importants, parfois sans même le savoir.
Dans le même ordre d’idées, il faut prêter attention au moment où l’on choisit de liquider sa retraite. Il y a quelques jours encore, une personne de 70 ans m’a contacté en m’annonçant qu’elle souhaitait enfin liquider ses droits. C’est regrettable, car elle aurait pu le faire plus tôt tout en continuant à travailler dans le cadre d’un cumul emploi-retraite. Elle serait ainsi déjà en train de percevoir sa pension, tout en conservant une activité rémunérée !
Qu’en est-il pour les personnes en fin de carrière qui perdent leur emploi salarié ?
Il existe toute une catégorie de cadres expérimentés, au parcours solide, souvent à des postes à responsabilité, qui se retrouvent sans emploi à l’approche de la soixantaine. Ils quittent leur société soit par choix, soit de façon contrainte, et rencontrent alors des difficultés à retrouver un poste salarié. Non pas par manque de compétences, mais parce que leur niveau de rémunération devient un frein à l’embauche. Beaucoup cherchent donc à se mettre à leur compte, et ont besoin d’aide pour trouver le meilleur statut. SASU ? EURL ? Portage salarial ? En fonction de leur situation personnelle, de leurs objectifs et de leur retraite, on ne leur conseillera pas la même chose.
Qu’est-ce qui vous a poussé à suivre la formation pour obtenir le certificat « Retraite » de Factorielles ?
Factorielles et Previssima sont des références dans le domaine de la protection sociale. J’étais assez intrigué par ce certificat de 5 jours. Même si je me considère comme un spécialiste, je suis dans une quête d’apprentissage permanente et toute source d’information est bonne à prendre ! La formation était dense, j’ai pu retirer de nombreux enseignements du certificat. Pouvoir échanger avec d’autres professionnels était également très enrichissant, cela m’a permis de découvrir d’autres manières de procéder – notamment sur la mise en place de dossiers – pour gagner du temps.
Une idée reçue contre laquelle vous vous battez ?
Au-delà du fait qu’il faut penser à la retraite à tout âge, je pense qu’il faut se battre contre cette idée selon laquelle « de toute façon, on n’aura pas de retraite ». Non seulement elle est fausse, mais elle pousse à l’inaction alors même que la retraite reste un sujet incontournable. Que cela nous plaise ou non, nous cotisons tous, alors autant s’y intéresser et en tirer le meilleur parti.
Que pensez-vous de la capitalisation ?
C’est très bien. C’est une excellente manière de compléter les régimes obligatoires, surtout quand on sait que ces derniers vont, à terme, perdre en générosité. Mais attention : une stratégie exclusivement basée sur la capitalisation peut se heurter à la réalité de la vie. J’ai de nombreux clients qui, à 60 ans, m’appellent en me disant : « J’avais tout misé sur une belle stratégie d’épargne, mais avec le divorce, je dois finalement compter sur les régimes obligatoires. » Décès d’un proche, accident professionnel, maladie, marché boursier baissier… La vie est ponctuée d’épreuves qui peuvent mettre à mal sa stratégie de capitalisation.
Finalement, c’est la même logique que pour un portefeuille d’investissement : il faut diversifier. Et dans cette diversification, les régimes obligatoires ont toute leur place. Cela ne signifie pas qu’il faut leur faire une confiance aveugle ou s’en remettre entièrement à l’État. Mais les ignorer serait une erreur.
Les régimes obligatoires doivent donc faire partie intégrante de sa stratégie retraite ?
En pratique, aujourd’hui, la retraite constitue le principal patrimoine de nombreux Français. Prenons un exemple concret : un cadre qui perçoit 3 500 € de retraite mensuelle, avec une espérance de vie de 25 ans, cumule au total plus d’un million d’euros de revenus. Or, très peu de personnes disposent d’un tel capital en patrimoine financier. Et il en va de même pour les revenus plus modestes. Pour un couple touchant chacun une retraite moyenne de 1 500 € par mois, on arrive à près de 900 000 € sur 25 ans. Ce n’est pas anodin. Et pourtant, rares sont ceux qui réalisent que ce patrimoine social pèse plus lourd que leur épargne ou leur immobilier.
Quel est l’intérêt de réaliser un bilan retraite ?
Faire un bilan retraite en fin de carrière est capital. Bien sûr, cela permet de repérer des erreurs ou d’activer des dispositifs méconnus. Mais c’est surtout une démarche qui apporte de la clarté, de la sérénité. Les gens ont besoin de savoir ce qu’ils vont toucher, comment cela fonctionne, quelles options ils ont entre retraite de base, complémentaire, capitalisation, droits au chômage, etc.
En France, on a la chance de disposer d’un système de protection sociale solide, particulièrement en fin de carrière. Trouver un emploi à 60 ans reste compliqué, mais il existe des mécanismes pour amortir la transition, comme le maintien des droits au chômage jusqu’au taux plein. Ce sont ces dispositifs qu’il faut connaître, activer et piloter, pour transformer l’incertitude en stratégie.