100 % Santé : retour sur la réforme et les dernières mesures concernant l’audiologie, avec Julien Mouchet (Kovers)

Au départ baptisée réforme du reste à charge zéro ou « RAC 0 », la réforme du 100 % Santé est née d’un constat simple : trop de Français renoncent à s’équiper dans les domaines de l’optique, des soins dentaires et de l’audiologie, car ces postes de dépenses laissent un reste à charge important.
Amorcée par le Gouvernement en juin 2018, la réforme du 100 % Santé s’inscrit dans la Stratégie nationale Santé 2018-2022, avec une montée en charge progressive qui a commencé au 1er janvier 2019 et s’est poursuivie en janvier 2020. La dernière échéance de cette réforme aura lieu le 1er janvier 2021, date à laquelle toute l’offre 100 % Santé sera effective dans les 3 secteurs.
Déjà en place en optique et une partie du dentaire, depuis le 1er janvier 2020, les dernières évolutions de la réforme sont intervenues au 1er janvier 2021 en audiologie. Retour sur cette ultime étape avec Julien Mouchet, directeur général de l’Assurtech Qape, concepteur et distributeur de la mutuelle santé Kovers.
Previssima - Pouvez-vous nous expliquer ou nous rappeler les objectifs de la réforme 100 % santé ?
Julien Mouchet – La réforme a été décidée par le candidat Macron pendant sa campagne présidentielle de 2017 au cours de laquelle il a identifié un stress d’accès à la santé, notamment en ce qui concerne plusieurs postes de dépenses : l’optique, le dentaire et l’audiologie.
La réforme du 100 % Santé nait de cette volonté de réduire ou d’annuler le reste à charge des assurés sociaux pour ces 3 postes de soins par une prise en charge de ces dépenses par la Sécurité sociale et les complémentaires santé.
Pour y parvenir, le ministère de la Santé a regroupé un ensemble de prestations de soins et d’équipements identifiés dans des paniers de soins spécifiques, dit « panier 100 % santé ».
Avant le 1er janvier 2021, quelles étaient les mesures déjà mises en place concernant l’audiologie ?
En ce qui concerne l’audiologie, deux plafonnements successifs du prix de vente des appareils auditifs sont intervenus, en 2019 puis en 2020. Parallèlement à ces mesures, les bases de remboursement de la Sécurité sociale ont été revalorisées.
Désormais, dans le domaine de l’audiologie, 2 catégories appelées « paniers » ont été créées :
- La catégorie I correspond au panier 100 % Santé : les prothèses auditives qui y figurent sont sans reste à charge ; le choix des modèles et des options est limité, mais en contrepartie, l’assuré n’a rien à payer
- La catégorie II correspond au panier libre : il contient les appareils hors catégorie I ; leur prise en charge (sécurité sociale + complémentaire santé) est encadrée et plafonnée à 1700 € maximum par oreille ; les matériels y sont plus sophistiqués, mais l’assuré devra assumer un reste à charge
Comme le dentiste et l’opticien, l’audioprothésiste doit indiquer les 2 types d’offres correspondant aux équipements 100 % Santé et du panier libre, dans son devis. Cela implique pour le professionnel un travail plus lourd en amont, mais également une information standardisée pour le patient. En ce sens, cette réforme devrait permettre une meilleure transparence des prises en charge.
Quelles mesures sont intervenues au 1er janvier 2021 ?
Pour l’audiologie, un dernier rehaussement de la base de remboursement de la Sécurité sociale a été franchi et l’ensemble des assureurs doivent désormais prendre en charge le ticket modérateur de l’équipement 100 % Santé.
Les audioprothésistes peuvent pratiquer des dépassements d’honoraires sur les équipements libres.
Quels sont les dispositifs auditifs concernés par le panier 100 % santé ?
Les audioprothèses du panier 100 % Santé répondent à des critères de qualité techniques et esthétiques :
- Au minimum 12 canaux de réglages pour corriger les troubles auditifs et un système d’amplification des sons extérieurs (amplification minimale de 30 dB)
- Au moins 3 options parmi les suivantes : système anti-acouphènes, réduction de bruit de choc ou du vent, connectivité sans fil, synchronisation binaurale, directivité microphonique adaptative, bande passante élargie ≥ 6 000Hz, apprentissage de sonie, traitement de la réverbération
- Le service et les entretiens inclus
- Une période d’essai de 30 jours
- 4 ans de garantie
Les équipements compris dans le panier libre doivent répondre aux exigences suivantes :
- Inclure les dispositions du panier 100 % santé
- Une bande passante élargie ≥ 10 000 Hz permettant de capter des sons sur une étendue de fréquences de 0 à 10 000 Hz
- Au moins 20 canaux de réglages permettant une amplification du son différente sur 20 plages de fréquences non chevauchantes différentes
- Un réducteur de bruit impulsionnel permettant d’augmenter le confort d’écoute du patient en réduisant les bruits de durée inférieure à 300 ms
- Une batterie rechargeable et son chargeur branché sur secteur associé, permettant de s’affranchir de l’utilisation de piles traditionnelles.
Les offres de prothèses auditives sans reste à charge sont-elles de qualité ?
Les équipements sont de marquages CE, c’est-à-dire qu’ils correspondent aux normes européennes en termes d’équipement médical. Ce qui est un gage de sécurité.
En audiologie, la question de la qualité est centrale, car dans le cadre du 100 % Santé, le patient ne pourra renouveler son équipement qu’au bout de 4 ans minimum. Si l’entretien des audioprothèses est prévu dans le panier sans reste à charge, que se passera-t-il en cas bris ou si la qualité de l’appareil décline trop rapidement ? Il faudra veiller à ce que la qualité de l’équipement soit suffisante pour tenir 4 ans.
Êtes-vous convaincu par l’efficacité de la réforme 100 % Santé ?
Indépendamment du fait qu’elle apporte un bénéfice certain pour le patient, en terme de communication, de transparence et de prise en charge, la réforme du 100 % Santé masque les défaillances d’une réforme précédente : celle des contrats responsables en 2005.
La réforme des contrats responsables bride la capacité du patient à bénéficier de garanties réellement adaptées à ces besoins. Pour rappel, le contrat responsable encadre la prise en charge de l’assuré par un plancher minimum de garanties, mais également un maximum. Or tous profils confondus (salariés, indépendants, libéraux, auto-entrepreneurs ou retraités), nous constatons que le reste à charge dégagé par les contrats d’assurance santé augmente. La réforme du 100 % Santé vient améliorer le remboursement et la prise en charge des patients concernant 3 postes de remboursement lésés par la réforme des contrats responsables.
L’Option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) qui a remplacé le Contrat d’accès aux soins au 1er janvier 2017 est un échec. Conclu entre l’Assurance maladie et les médecins, afin d’inciter ces derniers à modérer leurs dépassements d’honoraires, l’OPTAM n’est pas reconduit par de nombreux praticiens qui y voient un frein dans le modèle économique de leurs cabinets, notamment en terme de charges administratives. Pour le patient, ces dépassements d’honoraires constituent un reste à charge non remboursé par son contrat santé responsable.
Il y a eu un manque d’informations sur ces évolutions pour les assurés. La mise en place des contrats responsables s’est faite à l’insu des assurés qui ont vu leur garanties et prises en charges diminuées et plafonnées sans s’en rendre compte. Ils ont probablement reçu un avenant à leur contrat santé, qu’ils n’ont pas forcément signé, dans lequel ils n’ont peut-être pas su lire les changements instaurés par la nouvelle réglementation des contrats responsables.
Enfin, la réforme du 100 % santé masque d’importantes augmentations de restes à charge sur d’autres postes de dépenses.
Ces réformes successives finissent par constituer un imbroglio de règles, difficilement lisibles pour le patient, il y a-t-il encore un travail d’information à faire ?
Je pense qu’il faut poursuivre en permanence un travail d’information pour que les assurés sociaux puissent avoir la possibilité de comprendre la prise en charge de leurs soins, tant du côté de l’assurance santé que du professionnel de santé.
Par ailleurs, ils doivent être conseillés sur leurs besoins, les garanties qui y répondent et leurs financements.
Nous recevons beaucoup de demandes en ce sens. Les assurés veulent souscrire une mutuelle et nous questionnent sur notre niveau de prise en charge au regard de leur devis dentaire. Nous tentons d’y apporter une réponse en contextualisant ce devis dentaire dans la fourchette des prix moyens pratiqués dans les régions.
Par ailleurs, certains viennent à nous avec un devis estampillé « 100 % santé », alors qu’en réalité l’acte proposé ne relève pas du 100 % santé.
Il est donc important de continuer à réduire cette asymétrie de l’information entre un patient et un médecin et entre un assureur et un assuré.