Héritage, usufruit et indivision : la jurisprudence clarifie les droits des nus-propriétaires

L'indivision entre nus-propriétaires dans le cadre des successions a récemment été clarifiée par la jurisprudence.
Désormais, les nus-propriétaires ont la possibilité explicite de demander le partage des biens indivis, même en présence d’un usufruit. Cette évolution facilite la gestion des successions et leur offre une meilleure sécurité juridique.
Nue-propriété, usufruit, indivision… De quoi parle-t-on ?
Lorsqu’un bien est transmis dans le cadre d’une succession ou d’une donation, il peut faire l’objet d’un démembrement de propriété. Cela signifie que la propriété est divisée entre plusieurs droits : l’usufruit et la nue-propriété.
- L’usufruit donne à son titulaire le droit d’utiliser le bien (d’y habiter) et d’en percevoir les revenus (en le louant, par exemple). Il se doit, en revanche, d’entretenir le bien et d’en assumer les charges courantes.
- De son côté, le nu-propriétaire détient la propriété "à terme" du bien : il ne peut ni en jouir ni en percevoir les revenus tant que l’usufruit subsiste, mais il récupère la pleine propriété au terme de l’usufruit – qui arrive, le plus souvent, au décès de l’usufruitier.
Dans le cadre d’une succession, le démembrement de propriété est courant.
Prenons un exemple : une femme décède, son conjoint conserve l’usufruit des biens, tandis que les enfants héritent de la nue-propriété. Cela crée une cohabitation entre l’usufruitier et les nus-propriétaires, mais leurs droits étant de nature différente, il n’existe pas d’indivision entre eux.
À noter : L’indivision désigne une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes détiennent ensemble des droits sur un même bien, sans que ces droits soient matériellement divisés. Chaque indivisaire possède une quote-part abstraite, mais aucun ne peut prendre seul des décisions concernant le bien sans l’accord des autres, sauf pour certains actes de gestion courante. |
En revanche, lorsque plusieurs héritiers se partagent la nue-propriété d’un bien (par exemple des frères et sœurs), ils se retrouvent en indivision entre eux sur cette nue-propriété. Ils doivent donc gérer ensemble leurs droits, ce qui peut parfois engendrer des difficultés, notamment si l’un souhaite vendre ou demander le partage alors que d’autres s’y opposent.
Ce qui a changé avec la décision de la Cour de cassation
Avant la décision de la Cour de cassation, il n’était pas clairement établi si un nu-propriétaire pouvait demander le partage de la nue-propriété d'un bien lorsqu'il y avait un usufruit en place. En effet, bien que l’article 815 du Code civil permette à tout indivisaire de provoquer le partage, la jurisprudence ne précisait pas si ce droit s'appliquait également dans le cadre d’un démembrement entre usufruit et nue-propriété.
À noter : « Demander le partage » signifie demander la fin de l’indivision entre les co-indivisaires. Dans le cadre de la nue-propriété, cela consiste à répartir les parts de propriété entre les indivisaires, soit en attribuant les parts à certains d’entre eux (contre une compensation financière éventuelle), soit en prenant des mesures pour réorganiser les droits, sans forcément entraîner la vente du bien. La vente du bien, elle, ne peut avoir lieu qu’avec accord de l’usufruitier. |
Le flou résidait dans le fait que l'usufruitier et les nus-propriétaires ont des droits de nature différente : l'usufruitier a droit à l’usage du bien, tandis que les nus-propriétaires n'ont que la propriété à terme (après l'extinction de l'usufruit). Certains pouvaient donc se demander si, en l'absence de jouissance ou de pleine propriété sur le bien, les nus-propriétaires étaient tout de même en mesure de provoquer un partage de leur part, ou s'ils étaient contraints de rester dans l'indivision tant que l'usufruit existait.
Cette ambiguïté pouvait rendre difficile la gestion des biens indivis – c'est à dire sous le coup d’une indivision - et potentiellement bloquer les héritiers qui souhaitaient exercer leur droit.
Une possibilité de demander le partage en présence de l’usufruitier
La Cour de cassation a clarifié la situation dans sa décision du 15 janvier 2025. La haute juridiction a confirmé que les nus-propriétaires pouvaient demander le partage de leur nue-propriété, même en présence d’un usufruitier. En d’autres termes, ils ont la possibilité de mettre fin à la gestion commune de leur nue-propriété (en clarifiant leur quote-part) et ce, sans que l’usufruitier n'ait à être consulté.
Exemple : Une maison est démembrée : un parent est usufruitier et deux enfants sont nus-propriétaires en indivision (50 % chacun).
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Le partage de la nue-propriété permet donc une meilleure gestion des parts, mais pour des décisions comme la vente, l'accord de l'usufruitier reste essentiel.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter servicepublic.fr