Fonctionnaires enceintes : le gouvernement corrige une mesure d’indemnisation jugée discriminatoire

Depuis mars 2025, une des réformes budgétaires de la loi de finances a baissé de 100 % à 90 % l’indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique.
Cette mesure s’est appliquée sans exception aux femmes enceintes, suscitant l’indignation des syndicats de fonctionnaires qui ont souligné son caractère discriminatoire, dans une lettre adressée au gouvernement. En réponse, ce dernier s’est engagé à rétablir une indemnisation intégrale pour les agentes publiques concernées.
Une réforme budgétaire pour aligner public et privé
Adoptée dans la loi de finances pour 2025, la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie était l'une des mesures phares de la réforme de la fonction publique. Depuis le 1er mars 2025, les agents publics ne perçoivent ainsi que 90 % de leur rémunération pendant un congé maladie ordinaire, contre 100 % auparavant. Seuls les congés longue durée, congés longue maladie et arrêts liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle restent indemnisés intégralement.
Soutenue par le ministre de la Fonction publique Laurent Marcangeli, cette réforme avait pour objectif d’aligner les règles du secteur public avec celles du secteur privé, pour près de 900 millions d’euros d’économies annuelles attendues.
Les femmes enceintes pénalisées par une mesure générale
Seul hic, cette réforme s’est appliquée sans distinction, y compris aux femmes enceintes, dès lors que leur arrêt ne relevait ni du congé maternité ni du congé pathologique. Ces deux congés spécifiques - l’un prévu avant et après l’accouchement, l’autre en cas de complications médicales liées à la grossesse – sont, eux, indemnisés à 100 % depuis le départ.
En revanche, les femmes enceintes dont l’état nécessite un arrêt temporaire pour fatigue, douleurs, ou précautions médicales (mais sans pathologie reconnue) relèvent, selon la dernière réforme, du congé maladie ordinaire. Résultat : une fonctionnaire enceinte, arrêtée quelques jours sur avis médical, voit sa rémunération diminuer, tout comme certaines composantes annexes de son salaire calculées en proportion du traitement principal.
Un choix qui a été jugé paradoxal, alors même que la grossesse bénéficie, en droit, d’un statut protecteur renforcé : en 2018, le gouvernement avait déjà tenté d’appliquer un jour de carence aux arrêts maladie des femmes enceintes. La disposition avait finalement été écartée, au nom du principe d’égalité de traitement et de la prise en compte des spécificités de la grossesse. Principe qui, selon les syndicats, devrait à nouveau guider une adaptation du dispositif.
Une réaction syndicale immédiate
Dès la mise en œuvre de la réforme, les organisations syndicales de la fonction publique ont vivement réagi. Huit d’entre elles - dont la CGT, Solidaires, la CFDT, FO ou encore l’Unsa - ont adressé une lettre au Premier ministre François Bayrou, ainsi qu’aux ministres Laurent Marcangeli (Fonction publique) et Aurore Bergé (Égalité entre les femmes et les hommes), déplorant une « mesure discriminatoire d’une gravité inacceptable à l’encontre des femmes en situation de grossesse exerçant dans la fonction publique ».
Au cœur de leur critique, le fait que les femmes enceintes placées en arrêt maladie ordinaire subissent une perte de rémunération immédiate de 10 %, alors même que ces arrêts, médicalement prescrits pour fatigue, douleurs ou nécessité de repos soient liés à la grossesse : la grossesse n’est, par conséquent, pas considérée comme un motif de protection, ce qui crée selon eux une « discrimination sexiste manifeste ».
Les syndicats ont donc exigé le retrait immédiat de cette disposition et la garantie du maintien intégral de la rémunération pour toute femme enceinte placée en arrêt maladie sur avis médical, quel qu’en soit le motif.
Une question écrite sénatoriale au gouvernement
En parallèle, du côté du Sénat, le sénateur Gérard Lahellec a également saisi le gouvernement par voie de question écrite, soulignant que la grossesse, bien que non considérée comme une maladie, nécessite parfois des arrêts médicaux essentiels pour protéger la santé de la mère et de l’enfant. Gérard Lahellec pointe le risque que certaines femmes renoncent à se faire arrêter par crainte d’une perte de salaire, au détriment de leur santé. Le sénateur appelle ainsi à une modification du dispositif, sur le modèle des exonérations déjà prévues en cas de congé maternité ou de pathologie liée à la grossesse.
Une correction gouvernementale en cours
Face à cette mobilisation syndicale et politique, le gouvernement a reconnu l’existence d’un effet collatéral injuste et a promis d’entamer un « travail technique » correctif d’ajustement du dispositif. Le ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, a ainsi affirmé qu’« aucune mesure, même involontaire dans ses effets, ne saurait introduire une discrimination aussi injuste », soulignant qu’il est « impensable que des règles budgétaires puissent conduire à créer une inégalité au détriment des femmes enceintes ».
Une correction législative serait donc en préparation… Affaire à suivre.