Finances publiques : la France peut-elle éviter l'intervention du FMI ?

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Finances publiques : la France peut-elle éviter l'intervention du FMI ?

Alors que la France s’enlise dans un marasme budgétaire préoccupant, le ministre de l’Économie, Eric Lombard, a indiqué le 8 septembre que le risque d’une intervention du FMI en France existait… avant de rétropédaler dans la même journée face à la panique que cette annonce a provoquée sur les marchés financiers.

On se souvient que d’autres pays ont déjà eu recours à l’aide du FMI (ainsi que de la BCE et de la Commission Européenne), comme la Grèce en 2010 ou le Portugal en 2011. À chaque fois, cela s’est traduit par des coupes sévères dans les dépenses publiques, touchant notamment les salaires et retraites des fonctionnaires. Faut-il craindre un scénario similaire en France ? Voici quelques éléments de réponse.

La sortie polémique d’Eric Lombard

C’est ce qu’on appelle un couac de communication. Invité à commenter le vote de confiance risqué annoncé par François Bayrou le lundi 8 septembre, le ministre de l’Économie a également ajouté, mardi sur France Inter, qu’il « ne pouvait pas dire que le risque d’une intervention du FMI en France n’existait pas ».

La panique sur les marchés financiers français a ensuite obligé Eric Lombard à nuancer sa position sur X : « Nous ne sommes, aujourd’hui, sous la menace d’aucune intervention, ni du FMI, ni de la BCE, ni d’aucune organisation internationale », a-t-il précisé.

Dans le même message, le ministre du gouvernement Bayrou a appelé au calme et à la lucidité. « Le calme, c’est de constater que l’économie française est solide, que la signature de la France sur les marchés est reconnue et que nous finançons notre dette sans difficulté, estime-t-il [...] La lucidité, maintenant, nous impose d’agir pour rétablir nos finances publiques, dont le déséquilibre compromet durablement notre liberté en tant que nation. Penser que la France serait, par nature, exemptée de maîtriser sa dette et à l’abri de tout risque est une fable ».

Le cœur du problème : la dette

Pour comprendre pourquoi un pays peut être placé sous l’autorité d’une entité extérieure comme le FMI, la BCE ou la Commission européenne, il faut revenir à l’origine du problème : la dette.

Un pays qui n’arrive plus à assumer ses dépenses publiques à cause d’un endettement trop élevé peut se retrouver dans une situation catastrophique : le défaut de paiement. Les conséquences sont alors brutales, notamment pour les fonctionnaires et les personnes travaillant dans les services publics, en première ligne puisque « payés par l’État ».

Qu’est-ce que le déficit public ?

Le déficit public survient lorsque l’État, ainsi que l’ensemble des administrations publiques (collectivités locales, sécurité sociale, etc.), dépense plus qu’il ne perçoit de recettes sur une année. Pour combler cette différence, l’État doit donc emprunter de l’argent sur les marchés, ce qui augmente fatalement la dette publique. Plus un pays inspire confiance, plus il peut emprunter facilement. L’inverse est donc aussi vrai.

Aujourd’hui en France, la dette publique culmine à 3 345 milliards d’euros, soit 113,9 % du PIB, donc bien plus que la richesse produite par la France sur une année. Le déficit public s’élève quant à lui à 5,5 % du PIB, et cette situation fait peser un risque considérable sur les finances publiques françaises.

Ce déficit est en grande partie le résultat de plusieurs choix politiques effectués au cours des dernières années et pointés du doigt par la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2024, parmi lesquels :

  • Des prélèvements obligatoires nettement inférieurs aux prévisions ;
  • Une absence d’économies structurelles ;
  • Des baisses d’impôts estimées à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB.

La Cour des comptes note que la période 2018-2023 a aussi été marquée par d’importantes baisses d’impôts, alors même que 2022 devait marquer la fin de l’« onéreux quoi qu’il en coûte », terme désignant initialement les crédits budgétaires, exonérations de charges et aides sociales mises en place dès 2020 en pleine crise du Covid. Selon l’institution, cette politique du « quoi qu’il en coûte » aurait coûté près de 235 milliards d’euros à l’État.

La confiance : un facteur clé

Pour l’instant, ce qui permet à la France d’emprunter à des taux acceptables sur les marchés, c’est la confiance des investisseurs, soutenue par les notes des agences de notation. 90 % du marché est dominé par Standard & Poor's, Moody's et Fitch. La meilleure note est la triple A (AAA) : plus la note est élevée, plus le risque est faible.

Pour l’instant, la France bénéficie encore de bonnes notes, mais elle a déjà perdu le triple A et les perspectives restent prudentes :

Agences

Notation

Perspective

Dernière décision

Date prévisionnelle de la prochaine décision

DBRS

AA (high)

Négative

21 mars 2025

19 septembre 2025

Fitch

AA-

Négative

14 mars 2025

12 septembre 2025

Moody's

Aa3

Stable

11 avril 2025

24 octobre 2025

Standard & Poor's

AA-

Négative

30 mai 2025

28 novembre 2025

Scope

AA-

Stable

4 avril 2025

26 septembre 2025

KBRA

AA

Négative

13 juin 2024

12 décembre 2025

Les conséquences directes d’une intervention du FMI et de la BCE

Pour mieux mesurer les conséquences d’une intervention potentielle du FMI, de la BCE, de la Commission européenne, ou des trois réunies, il suffit de prendre l’exemple des plans de redressement adoptés en Grèce ou au Portugal. L’injection de milliards de capitaux par la Troïka ne se fait qu’à condition que les pouvoirs publics acceptent de réduire drastiquement leurs dépenses de fonctionnement. C’est le point central. Cette réduction a entraîné les conséquences suivantes dans les pays concernés :

  • Hausse des impôts : TVA relevée, impôt sur le revenu et sur les sociétés alourdis, augmentant la charge fiscale pour les ménages comme pour les entreprises.
  • Baisse des salaires et des retraites : réduction des salaires des fonctionnaires, suppression de certaines primes et diminution des pensions de retraite.
  • Licenciements dans la fonction publique : dizaines de milliers de postes supprimés, gel des embauches.
  • Réduction des dépenses publiques : coupes dans la santé, l’éducation et les infrastructures, entraînant une dégradation des services publics et moins d’investissements.
  • Privatisations massives : vente d’actifs publics stratégiques comme des aéroports, des entreprises d’énergie ou des ports pour renflouer les finances de l’État.
  • Réformes structurelles : flexibilisation du marché du travail pour faciliter les licenciements et réforme du système de retraites avec un âge de départ repoussé.

Les conséquences sociales d’une mise sous tutelle seraient donc loin d’être indolores. La France demeure, à l’heure actuelle, en capacité de gérer ses finances grâce à la confiance des marchés et des investisseurs, mais il est indéniable qu’un contrôle plus strict de ses comptes s’impose.

Cité par l’AFP, Eric Dor, professeur à l’école de commerce parisienne IESEG, rappelle d’ailleurs qu’ « il n’existe pas une théorie qui définit une crise de confiance ». Selon lui, il s’agit plutôt d’ « une hausse progressive des taux avec l’érosion de la confiance », sans que les marchés ne s’emballent pour l’instant.

À cela s’ajoute une situation politique particulièrement chaotique, qui complique toute prise de décision forte, alors même que les travaux préparatoires de la loi de finances 2026 doivent s’achever d’ici décembre. Le gouvernement vise 44 milliards d’euros d’économies pour ramener le déficit public à 4,6 % du PIB via une « année blanche ».

Concrètement, les retraites de base, les allocations logement, les aides familiales ou encore les minima sociaux ne seraient pas revalorisés. Autrement dit, une perte de pouvoir d’achat pour les ménages, et qui risque d’alimenter encore davantage le climat social déjà tendu.

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