« Droit à l’aide à mourir » : que contient le texte historique adopté à l’Assemblée nationale ?

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« Droit à l’aide à mourir » : que contient le texte historique adopté à l’Assemblée nationale ?

Mardi 27 mai, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi instaurant un « droit à l’aide à mourir ». À l’issue de plusieurs jours de débats nourris, parfois empreints d’une forte charge émotionnelle, les députés ont validé un texte qui pourrait représenter un tournant majeur dans la législation sur la fin de vie en France.

Ce droit s’inscrit néanmoins dans un cadre légal strict et rigoureusement encadré. Revue des principaux éléments.

Un débat éthique et sociétal de fond

Le recours au référendum, un temps envisagé par le président de la République en cas d’impasse politique, ne semble désormais plus d’actualité. L’Assemblée a en effet voté en faveur du texte par 305 voix contre 199. Une majorité claire, même si les sensibilités personnelles ont souvent primé sur les appartenances partisanes, chaque groupe ayant laissé à ses membres la liberté de vote sur ce sujet profondément intime.

Un second texte, relatif au développement des soins palliatifs, a également été approuvé – cette fois à l’unanimité. L’objectif affiché : renforcer l’accès à l’accompagnement en fin de vie, alors qu’à ce jour, seule une personne sur deux pouvant bénéficier de soins palliatifs y a effectivement accès.

Mais c’est bien le texte sur le « droit à l’aide à mourir » qui a cristallisé toutes les attentions, en raison notamment de ses considérations éthiques. « Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s'ouvre peu à peu. Avec dignité et humanité », a réagi sur X Emmanuel Macron, saluant « une étape importante ».

Un encadrement strict

La loi établit cinq critères cumulatifs pour pouvoir bénéficier du dispositif :

  • Être âgé d’au moins 18 ans ;
  • Être de nationalité française ou résider de manière stable en France ;
  • Être en capacité d’exprimer une volonté « libre et éclairée » ;
  • Être atteint d’une maladie grave et incurable, engageant le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ;
  • Présenter une souffrance physique ou psychologique « réfractaire ou insupportable ».

Les troubles psychiatriques isolés sont exclus du dispositif. Enfin, une personne dont le discernement est jugé « gravement altéré » ne pourra pas y accéder.

Une mise en application extrêmement encadrée

Si un patient remplit l’ensemble des cinq conditions requises, il devra adresser une demande formelle à un médecin. Ce dernier sera alors tenu de consulter un collège composé d’au moins un membre de l’équipe soignante du patient et d’un médecin spécialiste.

La décision, qu’elle soit favorable ou non, devra ensuite être rendue dans un délai maximum de quinze jours. Cependant, l’avis du médecin en contact avec le patient est jugé prioritaire.

Enfin, si l’autorisation est accordée, le patient devra s’administrer lui-même le produit létal. Cette « auto-administration » est la règle. Toutefois, en cas d’incapacité physique, l’acte pourra être réalisé par un professionnel de santé – médecin ou infirmier – désigné à cet effet. C’est à la Haute autorité de santé (HAS) de définir « les substances létales susceptibles d’être utilisées ».

La clause de conscience autorisée pour les médecins et les infirmiers

Autre point sensible au cœur des discussions : la place des soignants dans ce nouveau dispositif. Le corps médical, divisé sur le sujet, avait exprimé de vives préoccupations concernant sa participation à l’aide à mourir. Pour répondre à ces inquiétudes, le texte adopté introduit une clause de conscience spécifique. Celle-ci permet aux médecins et aux infirmiers de refuser de réaliser l’acte létal, une position confirmée en amont des débats par Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles : « Aucun soignant ne sera obligé de pratiquer l’acte létal » avait-elle indiqué.

En revanche, cette possibilité de refus ne s’appliquera ni aux établissements de santé dans leur ensemble, ni aux pharmaciens, qui devront garantir l’accès au dispositif.

Les députés ont par ailleurs approuvé la création d’un délit d’entrave à l’aide à mourir, visant à sanctionner ceux qui empêchent ou tentent d’empêcher l’accès ou l’information sur ce sujet, par intimidation ou pression. Ce délit, aligné sur celui existant pour l’IVG, sera puni de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, malgré des débats vifs sur ses implications possibles, notamment dans un cadre familial. La ministre Catherine Vautrin avait rassuré à ce sujet, en précisant que les échanges personnels ou la proposition de soins alternatifs ne seraient pas considérés comme une entrave.

100 heures de débat et 2 000 amendements

« L’Assemblée nationale s’est élevée à la hauteur des enjeux », a souligné la présidente Yaël Braun-Pivet, saluant des débats intenses mais globalement respectueux. Pendant plus de 100 heures d’échanges, les députés se sont alternés au perchoir pour expliquer, en leur âme et conscience, les raisons de leur soutien ou de leur opposition à ce texte de loi.

Là où certains ont salué un « chemin balisé » et « mûrement réfléchi », d’autres ont alerté sur une « porte ouverte aux dérives », potentiellement dangereuses pour les personnes les plus vulnérables.

Fait notable : aucun groupe politique n’avait donné de consigne de vote, laissant à chaque élu la liberté de se positionner selon ses convictions personnelles.

Les prochaines étapes

Le texte va désormais poursuivre son parcours parlementaire et être examiné par le Sénat, vraisemblablement à l’automne. La configuration politique de la chambre haute, dominée par la droite, laisse présager des débats plus serrés. Un rejet pur et simple du projet de loi semble peu probable, mais les sénateurs pourraient en proposer une version amendée.

Certains élus souhaitent en effet renforcer le cadre de l’aide à mourir en y intégrant des garanties supplémentaires. Parmi les pistes évoquées, figure notamment l’instauration d’un accompagnement psychologique obligatoire pour les personnes formulant une telle demande.

Si les discussions venaient à s’enliser, le président de la République pourrait à nouveau agiter la possibilité d’un référendum afin que les Français aient le dernier mot sur cette question sociale majeure.

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